Rescapé d’Auschwitz, passager de l’Exodus, soldat de la guerre d’Indépendance d’Israël, puis plus tard journaliste de renom, il est difficile de définir Noah Klieger par un seul adjectif. C’est par la force de miracles que cet homme est encore vivant aujourd’hui. En l’honneur de la journée internationale pour le souvenir de la Shoah, gros plan sur ce personnage hors du commun.
Noah Klieger dans sa jeunesse
“Dans la vie, il n’y a pas de problèmes, seulement des solutions. Il ne faut simplement jamais baisser les bras”
C’est dans son bureau à Tel Aviv que la rencontre avec monsieur Klieger est organisée. Du haut de ses 86 ans, il écrit toujours pour le grand journal israélien “Yediot Haharonot”, comme il le fait depuis 1957. D’emblée, son numéro tatoué sur le bras, preuve de son passage en enfer, retient l’attention. Noah est loin de s’être laissé abattre par les évènements dramatiques de son passé. Au contraire. Noah est une personne sûre d’elle-même et armée d’une force surhumaine.
Enfance
Monsieur Klieger est né à Strasbourg, le 31 juillet 1926. Son grand frère Jonathan, quant à lui, est né en Allemagne. Ses parents se sont par la suite installés en France.
C’est dans le respect du rite religieux que sa mère, Esther, tient la maison. Abraham, son père, lui apprend à lire et à écrire, si bien que Noah a pu sauter des classes à plusieurs reprises. Lors de l’entretien, il explique que cette expérience, être toujours avec des gens plus âgés, lui a appris à se défendre. Lorsqu’il prend des coups et que sa mère s’inquiète, son père rétorque : “il se débrouille très bien et de toute façon il doit apprendre à affronter toutes les situations“. Noah Klieger écrit à ce sujet dans son autobiographie : “on aurait dit qu’il pressentait l’avenir“.
Noah Klieger dans sa jeunesse
L’arrivée en enfer
En 1938, la famille part pour la Belgique, à l’exception du grand frère de Noah, qui lui s’installe en Angleterre pour y faire des études. Persuadés d’être en sécurité, ils louent un appartement à Anvers avant de vivre quelques temps à Bruxelles.
Lorsque la guerre commence, Noah Klieger devient le co-fondateur d’un mouvement de jeunesse sioniste. Le groupe faisait passer des messages, des tickets de rationnement et aidait même des Juifs à passer la frontière suisse. En tout, ils parviennent à faire passer 270 jeunes. Noah n’a que 13 ans à l’époque.
En 1942, vient le moment pour Noah et ses six camarades de tenter eux aussi de passer de la Belgique vers la Suisse. Ils décident de se séparer en deux groupes. Noah devait partir avec le premier vers le pays neutre. Mais afin qu’un de ses camarades puisse partir avec sa petite amie, Noah accepte de se joindre au deuxième. Le premier groupe réussit à fuir et à rejoindre la Suisse. Noah et ses camarades, eux, sont attrapés par les Allemands et envoyés dans les camps.
Noah est interné au camp de Maline, entre Anvers et Bruxelles, puis déporté vers Auschwitz en janvier 1943. Il découvre alors la barbarie nazie : les trains bondés, le froid et la faim. Plusieurs fois, il passe in extremis à côté de la mort et y échappe par miracle. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Noah est sauvé par la boxe. Un officier SS amateur de ce sport, pour se divertir, veut monter une équipe de boxe. Noah a 16 ans et n’est pas boxeur, mais lorsque le SS demande qui pratique ce sport, il lève la main. Noah ne comprend toujours pas son geste aujourd’hui. Pourquoi a-t-il levé la main ?
Si l’officier apprend qu’il n’est pas boxeur, Noah sera envoyé à la chambre à gaz. Ses camarades de l’équipe sont de vrais boxeurs parmi les meilleurs d’Europe. Pour que les SS ne se rendent pas compte de la supercherie, ceux-ci retiennent leurs coups face à Noah et le laissent frapper. Les sportifs bénéficient d’un après midi de “libre” pour s’entraîner et ont le droit de manger, de temps à autres de la soupe des SS avec de vrais légumes. Mais les SS se montrent encore plus durs avec eux pour leur rappeler qu’ils ne sont que de simples détenus.
La marche de la mort
En janvier 1945, les nazis sentent que les alliés approchent des camps de concentration. Ils évacuent les derniers survivants d’Auschwitz afin de continuer le processus d’extermination en Allemagne. Noah Klieger est l’un d’eux. Les nazis avaient l’intention de faire endurer, à des personnes sous-alimentées et à bout de forces, une marche de la Pologne jusqu’à l’Allemagne.
“La marche est longue et insupportable : 3 jours sans interruption. Nombreux sont ceux qui meurent d’épuisement en chemin”, se souvient Noah.
Après la marche, un train attend les prisonniers qui les emmène au camp de Dora en Allemagne. Les wagons sont bondés, les prisonniers se piétinent, certains meurent écrasés. Une fois arrivé au camp, Noah lève à nouveau la main lorsqu’un SS réclame un expert en mécanique. Un prisonnier français lui donne les bonnes réponses à l’examen. Noah est ainsi une nouvelle fois sauvé de la mort et est affecté à une usine de production de missiles.
Le 4 avril 1945, Noah effectue une nouvelle marche éreintante de 10 jours. C’est la dernière marche vers la liberté. Il arrive au camp de Ravensbruck. Le 29 avril de cette même année, Noah est libéré par les alliés.
En route vers Israël
Noah Klieger avait décidé que s’il survivait à Auschwitz, il irait s’établir en terre d’Israël et se battrait pour le sionisme. Après avoir été libéré par les soviétiques et avoir travaillé pour eux dans la réfection de route, il réussit à rejoindre la France.
De France, Noah part pour la Belgique et y retrouve ses parents, eux aussi rescapés d’Auschwitz. Son frère resté en Angleterre est aussi vivant. A l’aube de cette nouvelle vie, son père tient un journal destiné aux Juifs de Belgique qu’il écrit en allemand et que Noah traduit en français. La famille parvient peu à peu à retrouver une vie normale. Mais Noah rêve d’Israël et compte bien s’y rendre.
Il découvre l’organisation “Évasion”, chargée de faire passer des Juifs d’Europe vers Israël. A défaut de passeport pour ces rescapés de la Shoah à qui on a tout pris, la voie de la clandestinité est la seule possibilité de rejoindre la Terre promise. Une fois encore, Noah se retrouve dans la peau du passeur.
Le 10 juillet 1947, le jeune homme décide que c’est son tour de partir en Israël. Il monte à bord de l’Exodus, le fameux bateau qui transporte des Juifs depuis Sète, près de Marseille, vers la Palestine mandataire. En route, il devient même membre de l’équipage.
Noah Klieger, soldat de la guerre d’indépendance
Peu après son arrivée, la guerre d’Indépendance d’Israël éclate. Le jeune homme de 21 ans est déterminé à se battre pour l’existence de cet état dont il a tant rêvé. Certains lui disent qu’il a déjà survécu à l’enfer d’Auschwitz et qu’il devrait plutôt s’enfuir en lieu sûr. Mais Noah ne se décourage pas. Il se porte volontaire dans les forces armées et participe à l’opération “Danny”. Il est ensuite transféré dans les commandos français, puis dans la division du Négev, une unité du Palmach, chargée des opérations dans le sud du Négev.
Noah Klieger, journaliste du Yediot Aharonot
Noah devient journaliste à succès. Au cours de sa carrière, il couvre les procès des criminels nazis comme celui d’Adolf Eichmann et John Demjanjuk. En tant que rédacteur sportif, il assiste aux jeux olympiques de Munich, en 1972, qui se soldent par l’assassinat de 11 athlètes israéliens. Invité d’honneur du Chef de la Presse aux Jeux Olympique, il suit depuis le quartier général toutes les étapes de la prise d’otage.
Noah, sa vie aujourd’hui
Noah a rencontré tous les grands de ce monde et a reçu de nombreuses décorations, dont la légion d’honneur des mains de l’ancien président français Nicolas Sarkozy.
Marié, il est père de deux filles et six fois grand-père. Son histoire est une véritable leçon de vie.
“Je crois que l’être humain est capable de supporter bien plus qu’il ne le pense”, a-t-il également écrit dans son livre.
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La rédaction