jeudi 6 décembre 2012

Günter Grass, Poème






IRIB-L’écrivain allemand et prix Nobel de littérature, Günther Grass, suscite une nouvelle polémique après la publication dans les quotidiens Süddeutsche Zeitung, La Repubblica et le New-York Times d’un poème en prose dans lequel il dénonce sans détours la politique israélienne contre l’Iran.
Dans ce texte, intitulé »Ce qui doit être dit », il écrit que d’éventuelles frappes préventives israéliennes contre des installations nucléaires iraniennes pourraient mener à »l’éradication du peuple iranien parce que l’on soupçonne ses dirigeants de construire une bombe atomique ».



Haro sur l’arsenal nucléaire israélien

Günther Grass pointe tout particulièrement le silence de l’Allemagne, « culpabilisée par son passé nazi », qui refuserait de voir le danger constitué par l’arsenal nucléaire israélien. Un arsenal « maintenu secret – alors que l’Allemagne participe à son équipement et qui « menace la paix mondiale déjà si fragile », insiste l’écrivain. Il réclame aussi la création d’une agence » internationale pour contrôler les armes atomiques israéliennes, tout comme l’AIEA le fait pour les activités nucléaires iraniennes.



« Un antisémite instruit, poursuivi par la honte et le remord »

Les réactions ne se sont pas fait attendre. L’éditorialiste du quotidien « Die Zeit », Henryk Broder, affirme que Günther Grass « a toujours eu un problème avec les Juifs, mais qu’il ne l’avait jamais aussi clairement exprimé » avant d’ajouter que l’écrivain est « l’archétype de l’antisémite instruit », qui, « poursuivi par la honte et le remord », ne trouvera « la paix de l’âme » qu’avec la disparition d’Israël. Le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, s’est refusé à s’engager sur ce terrain glissant, en ne faisant aucun commentaire, au nom de la liberté de création.



Scandales à répétition

Aujourd’hui âgé de 84 ans, l’auteur du « Tambour », « Toute une histoire » et « En crabe » a régulièrement écrit sur le régime nazi et la notion de culpabilité. Il n’en est pas à sa première polémique. Il s’est notamment fait connaître pour ses nombreux coups de gueule contre l’impérialisme occidental. En 2003, il avait dénoncé l’intervention militaire en Irak. Et en 2006, il avait choqué son lectorat en révélant qu’il s’était engagé à 17 ans, fin 1944, dans une division blindée de la Waffen SS.

La traduction du poème de Günther Grass « Ce qui doit être dit »



Pourquoi je ne dis pas

pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps

ce qui est pourtant évident

et a fait l’objet de tant de simulations

dans lesquelles nous, les survivants,

sommes au mieux des notes de bas de page.



On évoque le droit à une frappe préventive,

l’éradication du peuple iranien soumis,

tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule,

sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique.



Mais alors, pourquoi m’interdis-je

de nommer cet autre pays

qui dispose depuis des années,

certes dans le plus grand secret,

d’un potentiel nucléaire croissant

et échappant à tout contrôle,

puisque aucun contrôle n’est permis ?



Le silence général autour de ce fait établi,

ce silence auquel j’ai moi-même souscrit,

je le ressens comme un mensonge pesant,

une règle que l’on ne peut rompre

qu’au risque d’une peine lourde et infâmante :

le verdict d’antisémitisme est assez courant.



Mais aujourd’hui, alors que mon pays

coupable de crimes sans commune mesure,

pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore,

mon pays donc, dans un geste purement commercial,

certains parlent un peu vite de réparation,

s’en va livrer un nouveau sous-marin à Israël,

un engin dont la spécialité est d’envoyer

des ogives capables de détruire toute vie

là où l’existence de ne serait-ce qu’une seule

bombe nucléaire n’est pas prouvée,

mais où le soupçon tient lieu de preuve,

je dis ce qui doit être dit.



Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ?

Parce que je croyais que mes origines,

entachées par des crimes à jamais impardonnables,

m’interdisaient d’exprimer cette vérité,

d’oser reprocher ce fait à Israël,

un pays dont je suis et veux rester l’ami.



Pourquoi ne dis-je que maintenant,

vieux, dans un ultime soupir de mon stylo,

que la puissance nucléaire d’Israël

menace la paix mondiale déjà fragile ?

Parce qu’il faut dire maintenant

ce qui pourrait être trop tard demain,

et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé,

pourrions devenir les complices d’une crime,

prévisible et donc impossible

à justifier avec les excuses habituelles.

Pourquoi je ne dis pas

pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps

ce qui est pourtant évident

et a fait l’objet de tant de simulations

dans lesquelles nous, les survivants,

sommes au mieux des notes de bas de page.



On évoque le droit à une frappe préventive,

l’éradication du peuple iranien soumis,

tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule,

sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique.



Mais alors, pourquoi m’interdis-je

de nommer cet autre pays

qui dispose depuis des années,

certes dans le plus grand secret,

d’un potentiel nucléaire croissant

et échappant à tout contrôle,

puisque aucun contrôle n’est permis ?



Le silence général autour de ce fait établi,

ce silence auquel j’ai moi-même souscrit,

je le ressens comme un mensonge pesant,

une règle que l’on ne peut rompre

qu’au risque d’une peine lourde et infâmante :

le verdict d’antisémitisme est assez courant.



Mais aujourd’hui, alors que mon pays

coupable de crimes sans commune mesure,

pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore,

mon pays donc, dans un geste purement commercial,

certains parlent un peu vite de réparation,

s’en va livrer un nouveau sous-marin à Israël,

un engin dont la spécialité est d’envoyer

des ogives capables de détruire toute vie

là où l’existence de ne serait-ce qu’une seule

bombe nucléaire n’est pas prouvée,

mais où le soupçon tient lieu de preuve,

je dis ce qui doit être dit.



Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ?

Parce que je croyais que mes origines,

entachées par des crimes à jamais impardonnables,

m’interdisaient d’exprimer cette vérité,

d’oser reprocher ce fait à Israël,

un pays dont je suis et veux rester l’ami.



Pourquoi ne dis-je que maintenant,

vieux, dans un ultime soupir de mon stylo,

que la puissance nucléaire d’Israël

menace la paix mondiale déjà fragile ?

Parce qu’il faut dire maintenant

ce qui pourrait être trop tard demain,

et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé,

pourrions devenir les complices d’une crime,

prévisible et donc impossible

à justifier avec les excuses habituelles.



Je dois l’admettre aussi, je ne me tairai plus

parce que j’en ai assez de l’hypocrisie de l’Occident

et j’espère que nombreux seront ceux

prêts à se libérer des chaînes du silence,

pour appeler l’auteur d’une menace évidente

à renoncer à la violence tout en exigeant

un contrôle permanent et sans entraves

du potentiel atomique israélien

et des installations nucléaires iraniennes

par une instance internationale

acceptée par les deux gouvernements.



Ce n’est qu’ainsi que pourrons aider

les Israéliens et les Palestiniens,

mieux encore, tous les peuples,

frères ennemis vivant côte à côte

dans cette région guettée par la folie meurtrière,

et en fin de compte nous-mêmes.



Je dois l’admettre aussi, je ne me tairai plus

parce que j’en ai assez de l’hypocrisie de l’Occident

et j’espère que nombreux seront ceux

prêts à se libérer des chaînes du silence,

pour appeler l’auteur d’une menace évidente

à renoncer à la violence tout en exigeant

un contrôle permanent et sans entraves

du potentiel atomique israélien

et des installations nucléaires iraniennes

par une instance internationale

acceptée par les deux gouvernements.



Ce n’est qu’ainsi que pourrons aider

les Israéliens et les Palestiniens,

mieux encore, tous les peuples,

frères ennemis vivant côte à côte

dans cette région guettée par la folie meurtrière,

et en fin de compte nous-mêmes.

(Source Süddeutsche Zeitung)

Traduction Michel Klepp

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