Pussy - Wikipedia, the free encyclopedia
Pussy Riot (en russe : Пусси Райот, littéralement « émeute de chattes ») est un groupe de punk-rock féministe russe, formé en 2011. Le collectif organise à Moscou des performances artistiques non autorisées pour promouvoir les droits des femmes en Russie et, en 2012, pour s’opposer à la campagne du Premier ministre Vladimir Poutine en vue de l’élection présidentielle. Le 17 août 2012, à la suite d'une exhibition jugée profanatoire (« prière punk ») dans une église orthodoxe, trois d'entre elles sont condamnées à deux ans d'emprisonnement en camp de travail1pour « vandalisme » et « incitation à la haine religieuse ».
Performances et influences
Leurs costumes habituels sont constitués de robes légères et de collants, même par grand froid, et leurs visages sont cachés par des cagoules colorées, à la fois pendant leurs concerts et pendant les entrevues. Le collectif est constitué d'une dizaine de chanteuses et d'une quinzaine de personnes qui s'occupent de l'aspect technique de production des vidéos qui sont publiées sur Internet. Le groupe dit s'inspirer du groupe de punk-rock américain Bikini Kill et du mouvement Riot Grrrl des années 1990.
Certains membres du groupe sont liés aux activistes du groupe Voïna dont Nadejda Tolokonnikova qui, alors qu'elle était enceinte de 8 mois, s'est déshabillée et a participé à une séance filmée de relations sexuelles réelles (non simulées) en groupe et en public à l'intérieur d'un musée, dans le cadre d'une action anti-Medvedev2. L'activité de ce collectif résonne avec celle de l'actionnisme viennois, et plus particulièrement de Günter Brus. Mais c'est surtout dans le travail d'Oleg Kulik que Voïna et Pussy Riot tirent l'essentiel de leur inspiration3.
Protestation et condamnation
Arrestation et procès
Intérieur de la cathédrale du Christ-Sauveur
Trois jeunes femmes de ce groupe sont placées en détention provisoire en mars 2012 pour avoir, selon la justice russe, profané l'autel de la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou le 21 février 20124, en improvisant, encagoulées, avec guitares et sonorisation, une « prière punk » intitulée Marie mère de Dieu — chasse Poutine !5. Les paroles de la chanson sont entre autres « Sainte Marie mère de Dieu, deviens féministe », « merde, merde, merde du Seigneur », « la Gay Pride est envoyée en Sibérie » et « chasse Poutine »6.
Cinq femmes du groupe ont participé à cette action, mais seules trois d’entre elles ont été arrêtées par la police (les deux autres étant toujours recherchées7) : Nadejda Tolokonnikova (née le 7 novembre 1989)8, Ekaterina Samoutsevitch et Maria Alekhina, âgées respectivement de 22, 29 et 24 ans au moment des faits9. Elles encouraient jusqu’à sept ans de détention pour « hooliganisme ». Le 17 août 2012, elles ont toutes les trois été condamnées à 2 ans de détention en camp10. Durant le procès l'une des jeunes femmes portait un tee-shirt revendicatif sur lequel était écrit « No pasarán » et qui avait été acheté sur le site anarchiste Ni-Dieu-Ni-Maitre.com, une boutique à but non lucratif qui s'est ensuite engagée à faire don des revenus de ses ventes au groupe11. Garry Kasparov, membre de l'opposition au gouvernement, présent à l'extérieur du tribunal, a été arrêté par la police12.
Selon un sondage effectué entre le 10 et le 13 août 2012 par le Centre Levada, 44% des russes interrogés considéraient ce procès comme étant juste, impartial et objectif, 17% pensaient le contraire et 39% ne se prononçaient pas13,14. Les trois condamnées ont refusé de demander la grâce présidentielle15 mais ont fait appel le 27 août 201216.
Les membres des Pussy Riot, lors de leur comparution au tribunal de Moscou, en juin 2012.
Soutiens internationaux
Manifestations de juin 2012 à Moscou,Russie.
Les accusées ont reçu de nombreux encouragements et soutiens de la part de musiciens internationaux principalement anglo-saxons, tels que Serj Tankian, Kate Nash17, Red Hot Chili Peppers18, Sting18,Peter Gabriel19, Cornershop17, Faith No More20, Alex Kapranos du groupe Franz Ferdinand17, Neil Tennant du groupe Pet Shop Boys17, Patti Smith21, The Beastie Boys22, Refused, Zola Jesus (en)22,Die Antwoord22, Jarvis Cocker17, Pete Townshend17, The Joy Formidable17, Peaches20, Madonna23, Genesis24, Tegan and Sara25, Johnny Marr17, Courtney Love26, Iiro Rantala (en)24, Propagandhi27,Anti-Flag28, Rise Against24, Corinne Bailey Rae17, Peter Hammill29, Kathleen Hanna30, Björk31, Paul McCartney32, Yoko Ono19, Warren Kinsella33, Kiss (dont le chanteur estime cependant que Pussy Riot « n'est pas un bon groupe »)34, ainsi que du comédien britannique Stephen Fry35. Elles ont aussi reçu le soutien du maire de Reykjavík Jón Gnarr36, et Kerry McCarthy (en), un député britannique ayant assisté au procès, qui a affirmé qu'il faut continuer « le combat pour la liberté d'expression ».
Soutiens francophones
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement français, a twitté que « l’impertinence ne devrait jamais amener en prison »37
En France, le 17 août 2012, un article de Libération titre « Les artistes français aphones », regrettant que, « mis à part une pâle pétition38, le milieu culturel ne réagi[sse] pas à l’affaire »39. Le 17 août 2012, à Marseille, des manifestants pro-Pussy Riot ont été interpellés et verbalisés par la police pour avoir masqué leurs visages40,41, en application de la loi anti-burqa et du décret anti-cagoule42.
Réactions
Après ce qui est considéré par certains comme une profanation, des proches du pouvoir tels que Vladimir Loukine9, délégué aux droits de l’homme auprès du Kremlin à l’époque de Medvedev, qualifient ses auteurs de « polissonnes » contre lesquelles il faut cependant réagir en chrétien. Mais c'est l'Église orthodoxe russe, directement concernée par cette provocation, qui a réagi le plus fermement9. Une pétition transmise aux paroissiens de Moscou a demandé la condamnation de Pussy Riot pour « incitation à la haine religieuse », en dénonçant également ceux qui ont diffusé des informations sur leur action : « Nous demandons l’arrestation de ceux qui ont, d'une manière ou d’une autre, organisé cette action, y ont participé ou encore ont relayé des informations aux médias la concernant, incitant à la haine religieuse et bafouant la dignité humaine garantie par la loi 282 du code pénal russe43. » La pétition a été critiquée par une partie des croyants qui considèrent que les membres de Pussy Riot doivent être jugées mais ne méritent pas une peine d'emprisonnement43. Le patriarche Kirill a qualifié leur action de « sacrilège » et le porte-parole du patriarcat, Vsevolod Tchapline (ru), a estimé que les jeunes femmes avaient commis un « crime pire qu'un meurtre » et devaient être « punies »44.
D'après Alexandre Douguine, théoricien politique russe, les Pussy Riot ne sont que les « idiotes utiles » d'une guerre d'information dans le but de miner, déstabiliser et décrédibiliser le pouvoir russe en le soumettant à des pressions extérieures. Pour lui, c'est une réelle situation d'ingérence où les États occidentaux se donnent le droit de se mêler des affaires russes45.
En juillet 2012, le sociologue Alek D. Epstein a publié un album de travaux artistiques créés par de nombreux artistes russes en soutien à Pussy Riot, intitulé L’art sur les barricades : « Pussy Riot », L’Expo Autobus et l’activisme artistique de protestation46. Elles ont été considérées comme des prisonnières d'opinion par Amnesty International47. Le 22 juillet 2012, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sur la place Souvorov (ru) à Moscou pour défendre l'Église orthodoxe russe et condamner les actes de Pussy Riot48.
Le 5 août 2012, Teivo Teivainen (en), professeur à l'Université d'Helsinki, a tenté d'imiter l'action des Pussy Riot à la Cathédrale Ouspenski, en amenant d'abord un bidon rempli d'urine pour le déverser à l'intérieur du lieu de culte, mais l'entrée lui a été interdite et il a alors organisé une manifestation dans la rue aux abords de l'édifice avec des Finnoises masquées, ce qui lui vaudra d'être poursuivi en justice par des défenseurs des droits de l'homme et des personnalités publiques49, tandis que le recteur de l'université Thomas Wilhelmsson (fi) demandera sa démission50.
Le 18 août 2012 à Kiev, des féministes ukrainiens du FEMEN menés par Inna Chevtchenko, voulant protester contre la décision du tribunal, ont scié à la tronçonneuse une croix catholique érigée en mémoire des victimes du stalinisme51 jusqu'à la faire tomber52,53. Le 26 juillet, une militante de ce mouvement, seins nus et avec les mots « Kill Kirill » (Tuez Kirill) écrits en lettres noires sur son dos, s'était jetée sur le patriarche orthodoxe en visite en Ukraine54.
La presse européenne critique ce qu'elle estime être une dérive du gouvernement russe. Dans un article paru le 18 août 2012, le journal français Le Monde, condamnant sans détour le verdict, écrit : « Au XXIe siècle, la Russie de Poutine renoue avec l'Inquisition »55. Le département d’État américain s'est dit « préoccupé » pour la liberté d'expression en Russie. Les capitales européennes fustigent une sentence « particulièrement disproportionnée ». Angela Merkel a critiqué une peine de prison « démesurée » qui « n'est pas en harmonie avec les valeurs européennes d'État de droit et de démocratie pour lesquelles la Russie s'est prononcée en tant que membre du Conseil de l'Europe. » La presse russe, de son côté, a rappelé que des peines équivalentes voire supérieures sont également prévues pour des actions similaires en Occident. Ainsi, en France, le fait de dégrader un lieu de culte en groupe peut être puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende56. Mais à ce jour, aucune dégradation n’a été constatée lors de leur intervention, et il est plausible que les Pussy Riot aient été en fait condamnées à 2 ans de camp pour dédommager uniquement « les profondes blessures morales infligées à des chrétiens orthodoxes »57.
Le 20 août 2012, le parti communiste français a fait part de sa « consternation face à une peine aussi lourde dont la vocation manifeste est de chercher à freiner un mouvement de protestation populaire et d’aspirations démocratiques qui grandit en Russie »58,59. Le 21 août 2012, des pirates se revendicant du collectif Anonymous ont réalisé un défacement du site web du tribunal russe où le jugement a été prononcé60,61.
Le 19 août 2012, trois imitatrices allemandes du groupe de punk Pussy Riot ont été arrêtées pour avoir perturbé une cérémonie catholique dans la cathédrale de Cologne en criant « Libérez les Pussy Riot » en pleine Messe vêtues de cagoules fluo. L'Église catholique a porté plainte contre elles pour « trouble à l'ordre public » et « atteinte à la liberté de culte ». Elles risquent une peine maximale de trois ans d'emprisonnement. Un des cadres de l'Église catholique à Cologne a déclaré que « le droit de manifester ne pouvait se placer au dessus du droit à la liberté de culte »62.
La chanteuse française Mireille Mathieu, qui était invitée du Festival international de musique militaire de Moscou, a dit lors d’une interview à la chaine russe TV Tsentr – et dont une partie a coupée « par erreur » selon la chaine – : « Je pense que ces jeunes filles ont été un peu inconscientes, car choisir une église n’est pas un lieu pour pouvoir manifester, on peut toujours manifester autrement, une église étant un lieu de recueillement, c’est un sacrilège. En tant que femme, artiste et chrétienne, je demande l’indulgence pour ces trois jeunes filles »63.
L'économiste et journaliste Paul Craig Roberts, quant à lui, estime que les Pussy Riot ont été utilisées par des ONG financées par des Américains pour déstabiliser la Russie 64.
D'après Alexanre Latsa, journaliste au Ria novosti, cette affaire, montée par un oligarque en exil, a servi à attaquer le Kremlin ; les prises de positions en faveur des Pussy Riot auraient été payées 65.
Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a déclaré, lors d'une rencontre avec les responsables de Russie unie le 12 septembre : « La punition qu'elles ont déjà subie, leur détention dans les conditions d'une prison pendant un temps significatif, est tout à fait suffisante pour qu'elles réfléchissent à ce qui s'est passé, par bêtise ou pour d'autres raisons. [..] Leur maintien en détention me paraît inutile »66.
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La rédaction