Venue d'Italie avec Marie de Médicis, Leonora se goinfre tant avec son époux Concini que Louis XIII s'en débarrasse au plus vite.
Le Point.fr - Publié le 07/07/2012 à 23:59
"Naine noire !", "Sorcière !", "Hystérique !", "Diablesse !"... Les noms d'oiseaux fusent sur la place de Grève lorsque la confidente de Marie de Médicis, Leonora Dori Galigaï, apparaît. La foule est telle en ce jour de fête qu'il a fallu une heure à la charrette transportant la future exécutée pour parcourir les quelques centaines de mètres séparant la Conciergerie de la place de Grève. Le public est haineux, pressé de voir morte cette sorcière, cette Italienne qui, avec la complicité de Marie de Médicis, plume depuis sept ans le royaume. La fortune de la maréchale d'Ancre - c'est son titre - équivaudrait aux trois quarts du budget annuel de la France. Inouï. Scandaleux. Les Français la haïssent pour cela et pour bien d'autres choses. Aujourd'hui, la partie est terminée pour elle. La femme la plus puissante du royaume s'apprête à perdre la tête. La charrette s'immobilise devant l'échafaud, elle en descend sous un torrent d'injures. La naine hideuse demande au bourreau d'en finir au plus vite. Il ne demande que ça. Il lui échancre le col, lui bande les yeux. Avec courage, elle prononce quelques mots pour pardonner à ses ennemis, elle n'accable même pas la reine qui l'a abandonnée. Le bourreau lève son épée avant de l'abattre avec la vigueur d'un bûcheron. La tête tombe sur le plancher. Ainsi périt la Galigaï, fille d'une domestique de Florence. L'exécuteur soulève le corps sanguinolent pour le jeter dans un brasier. Enfin, la France et le jeune Louis XIII sont débarrassés d'elle. Hold-up Extraordinaire destin que celui de la Galigaï. Il débute lorsque toute gosse elle devient la copine de jeu de Marie, la fille du Duc de Toscane. Cette dernière se retrouve seule dans l'immense palais Pitti car sa mère et ses six frères et soeurs sont morts, et son père est parti vivre ses amours ailleurs. La mère de Leonora, Catarina Dori, qui prétend appartenir à la grande famille florentine des Galigaï, parvient à la faire nommer compagne de la petite princesse pourrie, gâtée. Marie est ravie. Elle commence par rebaptiser sa nouvelle amie en changeant son nom de baptême de Dianora en Leonora. Les deux fillettes deviennent inséparables, les meilleures amies du monde. Peu à peu, Leonora assoit son emprise sur sa balourde de maîtresse. La princesse devient sa marionnette. Si Marie de Médicis épouse Henri IV en 1600, c'est sur les conseils de Leonora qui lui a fait refuser de nombreux autres prétendants jugés pas assez titrés. Décrocher le roi de France était inespéré. Bien entendu, Leonora suit sa maîtresse au Louvre. Henri IV ne peut pas la sentir, il voudrait bien la réexpédier en Italie, mais rien à faire. La reine y tient comme à la prunelle de ses yeux. Il lui faut s'accommoder de cette mocheté brune, naine et maigre comme un hareng. L'absolu inverse des canons de beauté du moment. Pour franchir la porte de la reine, il faut être dans les petits papiers de la Galagaï. Elle décide de tout ou presque. Grâce à son génie démoniaque, son ambition démesurée et la naïveté certaine de la reine, Leonora grimpe dans la société à une vitesse fulgurante, s'enrichissant colossalement. Concini débité en tranches En 1601, elle parvient à se faire épouser de Concino Concini, autre confident de la reine, issu de la noblesse italienne. C'est un homme prétentieux et arrogant, haï par le peuple et par Henri IV. À la cour, dans le peuple, le couple d'Italiens est détesté. Après la mort d'Henri IV, Concini se fait nommer maréchal d'Ancre par Marie, devenue la régente de France. Le duo infernal humilie souvent le petit Louis XIII, et à travers la reine-mère, ce sont eux qui dirigent le pays. Avides, ils s'emploient à siphonner les caisses du royaume de France dans les leurs. Le plus gros hold-up de tous les temps ! À sa majorité, Louis XIII n'a qu'une obsession : éliminer ces parasites pour récupérer leur fric. Il donne l'ordre au chef de ses gardes, le baron Vitry, de se débarrasser de Concini au plus vite. Foin de subtilité : le 24 avril 1617, celui-ci lui tire une balle entre les deux yeux dans la cour du Louvre. Et d'un ! Le cadavre du maréchal d'Ancre est d'abord jeté dans des latrines, puis enterré secrètement sous les orgues de Saint-Germain-l'Auxerrois. Le lendemain quelqu'un a vendu la mèche, le peuple déterre son cadavre, lui crève les yeux et le découpe en petits morceaux pour que chaque quartier de la ville ait son trophée : un bras, une oreille, une jambe ou le nez. En apprenant le sort de son époux, Leonora commence à se faire un sang d'encre. Elle se précipite dans les jupes de la reine mère, la seule à pouvoir la sauver. Mais la comédie a assez duré, Marie de Médicis ne peut rien pour elle, car son fils a pris soin de la consigner dans ses appartements pour éviter tout contact avec l'ensorceleuse. Quelques jours plus tard, la Galigaï est arrêtée, alors qu'elle est encore au lit, allongée sur un matelas de bijoux. Épilepsie Contrairement à son mari, Leonora a droit à un procès où elle est accusée de manipulations financières, d'ingérence dans les affaires publiques... Mais faute de preuves suffisantes ces griefs ne permettent pas de la faire condamner à mort. On cherche alors une autre justification dans ses courriers échangés avec l'étranger. Échec. On cherche aussi à l'impliquer dans l'assassinat d'Henri IV. Nouvel échec. Il ne reste plus qu'à l'accuser de sorcellerie. Facile. La Galigaï est épileptique. Ses crises sont déjà suspectes. Sans parler de ses curieuses médecines : par exemple, elle fait égorger des pigeons au-dessus de sa tête, croyant que le sang peut la guérir. Aux yeux de ses juges, c'est une pratique de sorcière. Ils l'accusent également d'avoir recours à des médecins juifs et à des exorcistes pratiquant la magie. Elle aurait du même coup ensorcelé la reine mère. Sorcellerie et "juiverie", tout y est ! Toujours aucune preuve, toujours aucun aveu, mais les juges tranchent et la condamnent pour "crime de lèse-majesté divine et humaine". Quand on lui demande par quel moyen elle a réussi à envoûter Marie de Médicis, elle répond, paraît-il : "Je ne me suis jamais servi d'autre sortilège que de mon esprit. Est-il surprenant que j'aie gouverné la reine qui n'en a pas du tout ?" Sympa, la copine. Le 8 juillet 1617, elle est menée en place de Grève, décapitée, et son corps est brûlé. Exit la Galigaï.
Le Point.fr - Publié le 07/07/2012 à 23:59
"Naine noire !", "Sorcière !", "Hystérique !", "Diablesse !"... Les noms d'oiseaux fusent sur la place de Grève lorsque la confidente de Marie de Médicis, Leonora Dori Galigaï, apparaît. La foule est telle en ce jour de fête qu'il a fallu une heure à la charrette transportant la future exécutée pour parcourir les quelques centaines de mètres séparant la Conciergerie de la place de Grève. Le public est haineux, pressé de voir morte cette sorcière, cette Italienne qui, avec la complicité de Marie de Médicis, plume depuis sept ans le royaume. La fortune de la maréchale d'Ancre - c'est son titre - équivaudrait aux trois quarts du budget annuel de la France. Inouï. Scandaleux. Les Français la haïssent pour cela et pour bien d'autres choses. Aujourd'hui, la partie est terminée pour elle. La femme la plus puissante du royaume s'apprête à perdre la tête. La charrette s'immobilise devant l'échafaud, elle en descend sous un torrent d'injures. La naine hideuse demande au bourreau d'en finir au plus vite. Il ne demande que ça. Il lui échancre le col, lui bande les yeux. Avec courage, elle prononce quelques mots pour pardonner à ses ennemis, elle n'accable même pas la reine qui l'a abandonnée. Le bourreau lève son épée avant de l'abattre avec la vigueur d'un bûcheron. La tête tombe sur le plancher. Ainsi périt la Galigaï, fille d'une domestique de Florence. L'exécuteur soulève le corps sanguinolent pour le jeter dans un brasier. Enfin, la France et le jeune Louis XIII sont débarrassés d'elle. Hold-up Extraordinaire destin que celui de la Galigaï. Il débute lorsque toute gosse elle devient la copine de jeu de Marie, la fille du Duc de Toscane. Cette dernière se retrouve seule dans l'immense palais Pitti car sa mère et ses six frères et soeurs sont morts, et son père est parti vivre ses amours ailleurs. La mère de Leonora, Catarina Dori, qui prétend appartenir à la grande famille florentine des Galigaï, parvient à la faire nommer compagne de la petite princesse pourrie, gâtée. Marie est ravie. Elle commence par rebaptiser sa nouvelle amie en changeant son nom de baptême de Dianora en Leonora. Les deux fillettes deviennent inséparables, les meilleures amies du monde. Peu à peu, Leonora assoit son emprise sur sa balourde de maîtresse. La princesse devient sa marionnette. Si Marie de Médicis épouse Henri IV en 1600, c'est sur les conseils de Leonora qui lui a fait refuser de nombreux autres prétendants jugés pas assez titrés. Décrocher le roi de France était inespéré. Bien entendu, Leonora suit sa maîtresse au Louvre. Henri IV ne peut pas la sentir, il voudrait bien la réexpédier en Italie, mais rien à faire. La reine y tient comme à la prunelle de ses yeux. Il lui faut s'accommoder de cette mocheté brune, naine et maigre comme un hareng. L'absolu inverse des canons de beauté du moment. Pour franchir la porte de la reine, il faut être dans les petits papiers de la Galagaï. Elle décide de tout ou presque. Grâce à son génie démoniaque, son ambition démesurée et la naïveté certaine de la reine, Leonora grimpe dans la société à une vitesse fulgurante, s'enrichissant colossalement. Concini débité en tranches En 1601, elle parvient à se faire épouser de Concino Concini, autre confident de la reine, issu de la noblesse italienne. C'est un homme prétentieux et arrogant, haï par le peuple et par Henri IV. À la cour, dans le peuple, le couple d'Italiens est détesté. Après la mort d'Henri IV, Concini se fait nommer maréchal d'Ancre par Marie, devenue la régente de France. Le duo infernal humilie souvent le petit Louis XIII, et à travers la reine-mère, ce sont eux qui dirigent le pays. Avides, ils s'emploient à siphonner les caisses du royaume de France dans les leurs. Le plus gros hold-up de tous les temps ! À sa majorité, Louis XIII n'a qu'une obsession : éliminer ces parasites pour récupérer leur fric. Il donne l'ordre au chef de ses gardes, le baron Vitry, de se débarrasser de Concini au plus vite. Foin de subtilité : le 24 avril 1617, celui-ci lui tire une balle entre les deux yeux dans la cour du Louvre. Et d'un ! Le cadavre du maréchal d'Ancre est d'abord jeté dans des latrines, puis enterré secrètement sous les orgues de Saint-Germain-l'Auxerrois. Le lendemain quelqu'un a vendu la mèche, le peuple déterre son cadavre, lui crève les yeux et le découpe en petits morceaux pour que chaque quartier de la ville ait son trophée : un bras, une oreille, une jambe ou le nez. En apprenant le sort de son époux, Leonora commence à se faire un sang d'encre. Elle se précipite dans les jupes de la reine mère, la seule à pouvoir la sauver. Mais la comédie a assez duré, Marie de Médicis ne peut rien pour elle, car son fils a pris soin de la consigner dans ses appartements pour éviter tout contact avec l'ensorceleuse. Quelques jours plus tard, la Galigaï est arrêtée, alors qu'elle est encore au lit, allongée sur un matelas de bijoux. Épilepsie Contrairement à son mari, Leonora a droit à un procès où elle est accusée de manipulations financières, d'ingérence dans les affaires publiques... Mais faute de preuves suffisantes ces griefs ne permettent pas de la faire condamner à mort. On cherche alors une autre justification dans ses courriers échangés avec l'étranger. Échec. On cherche aussi à l'impliquer dans l'assassinat d'Henri IV. Nouvel échec. Il ne reste plus qu'à l'accuser de sorcellerie. Facile. La Galigaï est épileptique. Ses crises sont déjà suspectes. Sans parler de ses curieuses médecines : par exemple, elle fait égorger des pigeons au-dessus de sa tête, croyant que le sang peut la guérir. Aux yeux de ses juges, c'est une pratique de sorcière. Ils l'accusent également d'avoir recours à des médecins juifs et à des exorcistes pratiquant la magie. Elle aurait du même coup ensorcelé la reine mère. Sorcellerie et "juiverie", tout y est ! Toujours aucune preuve, toujours aucun aveu, mais les juges tranchent et la condamnent pour "crime de lèse-majesté divine et humaine". Quand on lui demande par quel moyen elle a réussi à envoûter Marie de Médicis, elle répond, paraît-il : "Je ne me suis jamais servi d'autre sortilège que de mon esprit. Est-il surprenant que j'aie gouverné la reine qui n'en a pas du tout ?" Sympa, la copine. Le 8 juillet 1617, elle est menée en place de Grève, décapitée, et son corps est brûlé. Exit la Galigaï.
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La rédaction