jeudi 1 août 2013

Sale temps pour les Frères musulmans




« Les Frères musulmans veulent mobiliser contre le coup de force de l’armée », dit un journal. « Les partisans de Morsi comptent leurs morts », dit un autre. « Au Caire, les islamistes entrent en résistance ». Et on appelle cela de l’information ! Et c’est moi qui ne peut pas publier dans la grande presse française !


Revenons aux faits, et sortons de la machine à laver les cerveaux

Les Frères musulmans veulent mobiliser, effectivement. L’armée égyptienne a repris en main le pouvoir effectivement aussi : mais c’était après que les Frères musulmans aient tenté de mettre en place un régime de type totalitaire en Egypte, et après un soulèvement massif de la population, dans un contexte de chaos économique profond que les Frères musulmans n’ont fait qu’accentuer. L’armée agit de manière autoritaire, mais c’est moins pire que si un régime totalitaire avait été instauré.

Les partisans de Morsi comptent leurs morts, oui. Mais ils ont envoyé délibérément des dizaines de gens vers la mort pour en faire des « martyrs » de l’islam, tombés pour le djihad : ils comptent accumuler les morts et exacerber les violences pour que les journalistes occidentaux s’apitoient sur leur sort comme ils s’apitoient ailleurs, disons, sur les membres du Hamas à Gaza.

La « résistance » des islamistes est appelée « résistance » aussi à Gaza ou dans l’Autorité palestinienne : chez les gens qui ont encore en eux les valeurs de la société ouverte, on dit plutôt terrorisme, et les actes terroristes des Frères musulmans, contre des Coptes, contre des Musulmans qui ne sont pas d’accord avec eux, contre des journalistes égyptiens, sont déjà très nombreux, et atroces.

Derrière tout cela, il y a un fait massif et crucial, que j’expose en détail dans le prochain numéro d’Israel Magazine : face à la déferlante islamiste incarnée par les Frères musulmans, avec le soutien de Barack Obama, l’Arabie Saoudite et les émirats du Golfe ont décidé de lancer une contre offensive, et cette contre offensive a commencé avec le soutien massif que l’Arabie Saoudite et les émirats du Golfe ont apporté à l’armée égyptienne aux fins qu’elle tente de rétablir l’ordre dans le pays, qu’elle y arrête les Frères musulmans, et qu’elle y restaure un régime façon Moubarak, sans Moubarak.

Derrière ce fait, il y a un clivage proche de la cassure entre l’Arabie Saoudite et Barack Obama. Mais aussi une défaite profonde pour la stratégie de celui-ci.

Cette stratégie consistait, je l’ai déjà écrit, à vouloir un monde musulman plus sûr pour l’islam radical, un monde sunnite régi par la confrérie des Frères musulmans, et un Iran en venant à coexister avec eux, doté de moyens de se sanctuariser.

La stratégie a commencé à se gripper avec l’enlisement de la Syrie dans un bain de sang qui n’en finit pas. Les Frères musulmans, aidés par le Qatar et par al Qaida, pensaient que Barack Obama les soutiendrait, et c’est ce que pensait aussi Erdogan en Turquie. Mais Barack Obama a hésité : soutenir les Frères musulmans en Syrie aurait impliqué pour lui de se confronter à la Russie et à l’Iran, ce qu’il n’a pas fait.

La stratégie s’est grippée plus sérieusement encore quand la population égyptienne a commencé à se soulever, ce à quoi Barack Obama ne s’attendait visiblement pas.

L’Arabie Saoudite a vu dans le soulèvement en Egypte une opportunité à saisir, et elle l’a saisie.

L’Arabie Saoudite est un régime féodal autoritaire islamique, mais une force de statu quo. L’armée égyptienne est autoritaire, islamisée, et veut un statu quo, ce qui crée une convergence.

Non seulement l’Arabie Saoudite a apporté son soutien à l’armée égyptienne, mais elle a entrainé dans son sillage les émirats, et mis dans la balance douze milliards de dollars.

L’Arabie Saoudite n’entend pas s’arrêter là, et le temps se couvre pour les Frères musulmans.

En Turquie, Erdogan, dont le parti, l’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi), est très proche des Frères musulmans, s’est vu demander par les Saoudiens, qui tiennent les cordons de la bourse (la Turquie est très endettée et a des difficultés financières), de calmer ses ardeurs.

En Tunisie, l’assassinat de Mohamed Brahmi, dirigeant du parti d’obédience socialiste « nasserienne » Mouvement du Peuple, et la détérioration de la situation économique, poussent la population à se soulever contre Ennahda, dont les locaux ont été incendiés dans plusieurs localités.

En Libye, les locaux des Frères musulmans ont été mis à sac à Benghazi.

Plusieurs dirigeants des Frères musulmans ont été arrêtés dans les émirats, pour « sédition ».

Au Maroc, le Parti de la Justice et du développement (Hizb al-Adala wa at-Tanmia), émanation des Frères musulmans, se trouve déstabilisé et pourrait perdre le pouvoir, car le parti nationaliste Istiqlal, proche des Saoudiens, vient de se retirer du gouvernement de coalition où il détenait six postes ministériels.

L’armée égyptienne s’est donné pour priorité de couper tout lien entre Gaza, donc le Hamas, et le monde extérieur : les dirigeants du Hamas essaient désespérément de se tourner à nouveau vers Téhéran, après avoir soutenu pendant des mois les ennemis de Bachar Al Assad, donc les ennemis de Téhéran (un envoyé du Hamas, Mousa Abu Marzouk, vient juste de rencontrer des envoyés de Téhéran à Beyrouth).



Barack Obama a tenu à la Maison Blanche un diner d’iftar auquel il avait invité tous les dignitaires des Frères musulmans aux Etats Unis, trois jours avant le dîner d’iftar organisé lundi par John Kerry pour recevoir Tzipi Livni et Saeb Erekat.

Barack Obama a envisagé de couper les fournitures d’armement à l’armée égyptienne, mais s’est contenté pour le moment de bloquer la livraison d’avions de chasse F 16 : il sait jusqu’où aller trop loin.

Il n’avait pas l’air très heureux lors du dîner d’iftar. On le comprend. Il a réussi à mettre tout le grand Proche Orient à feu et à sang, al Qaida a fait sortir des djihadistes de prison par centaines en Irak, en Libye, et organise des attentats en série, mais les Frères musulmans traversent une passe très difficile. Et, lui qui faisait recevoir voici un mois à peine par son Conseil de Sécurité le « Frère » Abdallah Bin Bayyah, ne peut guère les aider aujourd’hui. Sinon en faisant parler Laurent Fabius et Catherine Ashton, qui s’acquittent de la tâche qui leur est confiée, avec zèle. Laurent Fabius demande la libération de Mohamed Morsi et le qualifie de « prisonnier politique ». Ah mais ! Catherine Ashton se soucie beaucoup de la santé de tous les « Frères » emprisonnés.

Laurent Fabius, outre sa docilité servile face aux désirs d’Obama, obéit aussi, vraisemblablement, aux liens de la France avec le Qatar qui, après avoir semblé prendre ses distances avec les Frères musulmans, vient de réaffirmer son soutien à ceux-ci et de permettre à Youssouf Al Qaradawi de lancer un appel généralisé au djihad pro-Morsi en Egypte (Laurent Fabius n’a, pour le moment, pas prévu de conférence de presse commune avec Qaradawi). Catherine Ashton, elle, est toujours heureuse de soutenir des antisémites, et si c’est Obama qui lui demande de le faire, elle s’empresse.

Il n’empêche. Les Frères musulmans au Proche Orient sont furieux contre Barack Obama. L’armée égyptienne est furieuse, elle aussi, contre lui, car elle sait qui il soutient : les Saoudiens sont furieux contre lui, tout comme les émirats du Golfe. Erdogan n’est pas du tout content de lui.

Pour un peu, Barack Obama ferait l’unanimité contre lui dans le monde musulman.

Il lui reste l’espoir de se rapprocher du nouveau Président iranien, la marionnette dodue de Khamenei, Hassan Rouhani, et de signer avec lui un « accord historique » entérinant l’accès de l’Iran au nucléaire « civil » et la sanctuarisation voulue par Khamenei. Mais c’est à peu près tout.

Il lui reste aussi à exercer une pression maximale sur Israël, avec la complicité là encore des dirigeants européens, dont les récentes mesures de boycott contre Israël ont été prises avec l’assentiment très bienveillant de Barack Obama.

Comme je l’écrivais hier, Netanyahou a cédé à la pression.


Le fait massif et crucial au Proche Orient aujourd’hui en tout cas est la contre offensive lancée par l’Arabie Saoudite.

Les contours futurs de la région dépendront des suites de cette contre offensive.

La région est loin, très loin d’être stabilisée.

Quiconque parlerait encore de « démocratie » concernant l’Egypte serait absolument déconnecté de la réalité : un pays où plus de la moitié de la population est analphabète, et où près de quatre vingt dix pour cent de la population veut l’application intégrale de la charia n’est pas du tout aux portes de la démocratie.

Quiconque penserait que l’urgence, dans le contexte actuel, est la création d’un Etat judenrein confié à l’Autorité palestinienne, serait atteint d’une myopie préoccupante, ou d’une obsession anti-israélienne également préoccupante.

Quiconque penserait qu’un tel Etat peut voir le jour dans les mois qui viennent, peut essayer de demander à travailler pour Laurent Fabius ou Catherine Ashton, ou tenter de participer à un diner d’iftar à Washington. Mais je pense que ni Laurent Fabius, ni Catherine Ashton, ni ceux qui organisent des diners d’iftar à Washington n’ont ce genre de pensée insensée. Laurent Fabius et Catherine Ashton sont fourbes, mais pas stupides. Les invités aux dîners d’iftar à Washington doivent eux-mêmes, pour recevoir une invitation, être fourbes, ou aveugles, mais pas stupides eux non plus.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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