Au moment où la crainte pour la survie de la liberté atteint son paroxysme dans une Tunisie à cheval entre une aspiration prononcée pour la modernité et pour la démocratie, d’une part, et un courant idéologique qui tire son fondement d’une nostalgie maladive pour un passé dogmatique, de l’autre, un groupe de 23 artistes peintres et sculpteurs s’est réuni pour réclamer la liberté de l’art, dans le cadre d’une exposition inaugurée vendredi dernier, à la galerie Lotus, et intitulée «Artistes libres».
Cette exposition, qui se poursuit jusqu’au 10 janvier, met en lumière l’inspiration artistique de peintres et de sculpteurs, académiciens et autodidactes. Des œuvres, hétéroclites, tant de par leurs techniques que de par leurs thèmes, confèrent à l’espace une touche surprenante. Chaque performance interpelle, en effet, le visiteur, l’introduisant ainsi dans un monde où le pinceau et la matière en sont l’itinéraire.
Parmi les peintures exposées, un tableau de style abstrait traduit, par ses couleurs vives et par son appellation «l’Egarement», la colère du peintre. Maha Hammami, qui participe à l’exposition avec deux tableaux complémentaires, dénonce dans «l’Egarement» toutes les tentatives malsaines entreprises par les esprits dogmatiques pour mettre fin à la liberté de l’art et à celle de l’expression, d’une manière générale. Après y avoir explosé et manifesté sa colère, elle arrive, dans sa deuxième œuvre, à un moment de sérénité qu’elle concrétise dans une composition réalisée par le biais d’une technique mixte. Là, les couleurs de la terre et l’arbre aux fruits généreux anticipent un dénouement éminent.
De l’autre côté de l’espace, se trouvent les œuvres de Sarra Ben Aïssa, professeur d’arts plastiques. Cette académicienne a choisi de participer à l’exposition à travers trois tableaux de collage. L’un d’eux est intitulé «News en fleur». Il est conçu à partir d’articles de journaux découpés et collés; un fond sur lequel le peintre a dessiné une rose pour exprimer, sans doute, l’espoir en un avenir meilleur pour la liberté de la presse.
Pour Hadhémi Soltane, l’art de la peinture doit sortir des sentiers battus et oser le mariage entre la toile et les produits naturels, communément utilisés à d’autres fins. C’est pourquoi elle a choisi d’introduire le «harkous» comme fil conducteur de ses créations. «Le harkous n’est généralement utilisé que comme un accessoire de beauté. J’ai pensé à le doter d’une autre mission tout aussi artistique. Il constitue, désormais, la matière exclusive de mes peintures. Sa couleur noire est mise en valeur par d’autres, naturelles, qui rappellent en quelque sorte celle de la peau humaine», explique-t-elle.
Les peintures se distinguent les unes des autres par la façon dont le peintre perçoit le monde et le retrace sur une toile-miroir à la vérité retouchée, voire revisitée. Le répertoire artistique de Abderrahmen Daldoul compte, semble-t-il, pas moins de 135 peintures, entre figuratives et surréalistes. Mais c’est par le biais de deux tableaux d’inspiration nouvelle qu’il apporte à l’exposition une signature particulière. Deux tableaux qui représentent un style «arabesque» où le peintre donne libre cours à son identité d’Arabe et de Tunisien originaire du Sahel. La coupole, le fer forgé typiquement tunisien, les vagues et la lumière de la Méditerranée ressortent par coups de pinceau répétitifs, à la fois méticuleux et amusés.
Le groupe d’artistes compte également trois peintres et sculpteurs irakiens dont Abdeljabbar Naïmi. Cet artiste insiste, dans ses peintures, sur le jeu créateur entre l’espace et la masse; un jeu qui donne à ses œuvres un air de vertige voulu.
Outre les œuvres «conventionnelles», d’autres, résolument novatrices, ont émergé du lot dans cette exposition. Wassim Jelassi est spécialisé dans la peinture digitale; une technique très répandue à l’étranger et qui semble, dans notre pays, restée au stade de l’originalité. «Mes peintures relèvent de la peinture digitale que l’on utilise fréquemment dans les jeux vidéo. En fait, je dessine le croquis pour pouvoir, par la suite, le colorer via l’ordinateur. Mon thème principal n’est autre que la femme qui représente par excellence, à mon avis, le symbole de la beauté», indique-t-il.
D’une création à une autre, l’on change à satiété de registre et de monde, comme si l’on suivait un papillon à la fois frêle et têtu, qui ne semble pas près de céder à la routine.
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La rédaction