Paris, 5 juillet 2012 – Le long et complexe voyage pour détecter le boson de Higgs, qui a commencé il y a 25 ans, pourrait finalement avoir atteint son objectif. C’est ce qu’ont annoncé les scientifiques du LHC, l’accélérateur de particules situé au Laboratoire européen de physique des particules, le CERN, près de Genève. Le boson de Higgs est la pierre angulaire finale qui manquait au « Modèle Standard », la théorie qui décrit la structure de la matière. Le Modèle Standard unifie deux forces de la nature (électromagnétique et nucléaire faible) pour montrer qu’elles sont les deux faces d’une force plus fondamentale. Ce modèle prédit une nouvelle particule responsable de l’existence de la masse de toutes les particules élémentaires : le boson de Higgs.
Dès le début, les chercheurs de l’Institut Weizmann ont joué un rôle de premier plan dans ces travaux. Le Pr. Eilam Gross qui dirige la recherche du « Higgs » pour l’une des deux grandes expériences du CERN a déclaré : « C’est le plus beau jour de ma vie. J’ai commencé à chercher le boson de Higgs lorsque j’étais étudiant dans les années 1980. Nous ne sommes plus à la recherche de la particule de Higgs, mais nous mesurons ses propriétés. Je n’aurais jamais imaginé qu’on le trouverait alors que je dirige l‘un des deux groupes de recherche qui ont fait cette découverte extraordinaire. »
Des scientifiques du Technion sont également impliqués, dont la Pr. Shlomit Tarem présente dans la salle de contrôle au CERN le 10 septembre 2008, lorsque les premiers faisceaux de protons à haute énergie ont commencé à circuler dans l’accélérateur et ont été délivrés aux détecteurs. Les physiciens de l’Université de Tel Aviv ont également participé à l’expérience ATLAS, entre autres le Pr. Erez Etzion qui a participé à la construction et aux essais des chambres à muons développées en Israël.
La probabilité de créer un boson de Higgs dans une seule collision est équivalente à celle d’extraire de façon aléatoire une cellule vivante spécifique de la feuille d’une plante parmi toutes les plantes qui poussent sur Terre. Pour faire face à cette tâche, les scientifiques de l’Institut Weizmann dirigés par le Pr. Giora Mikenberg ont mis au point des détecteurs de particules d’un genre unique, fabriqués à l’Institut Weizmann, au Japon et en Chine. Ces détecteurs ont été adaptés pour détecter les particules muons. Dans quelques-unes des collisions très rares qui produisent des bosons de Higgs, l’empreinte de cette particule – enregistrée dans les détecteurs – est de quatre muons énergétiques. Ainsi, la détection des muons fournit une preuve circonstancielle de l’existence du boson de Higgs.
Un des rôles des détecteurs TGC (chambres à espacement fin) développés en Israël est celui de « déclenchement rapide ». L’accélérateur produit des collisions au rythme de 20 millions par seconde, et le détecteur ATLAS contient plusieurs centaines de millions de capteurs électroniques. Il n’est pas possible d’enregistrer une telle quantité de données sans un filtrage effectué par des « détecteurs de déclenchement » ultra-rapides dont le rôle est de sélectionner en temps réel les collisions potentiellement intéressantes pour la physique, et de donner l’ordre de lecture globale du détecteur pour une seule petite fraction des « événements ». On utilise plusieurs systèmes de déclenchement, sensibles chacun à un type particulier de collisions, dont celui construit en Israël, sensible à la production de muons.
Les détecteurs de particules ATLAS sont construits sur trois lignes de production. La construction des 3600 chambres se répartit entre l’Institut Weizmann des Sciences (Israël), KEK (High Energy Accelerator Research Organization Japon) et l’Université de Shandong (Chine). Les chambres construites au Japon sont testées dans un laboratoire d’essais de l’Université de Kobe, celles construites en Israël et en Chine sont testées dans les deux hodoscopes à rayons cosmiques (CR) construits à cet effet au Technion et à l’Université de Tel-Aviv.
Les scientifiques ont analysé les données de un million de milliards de collisions de protons. En même temps que les bosons de Higgs de nombreuses autres particules similaires sont créées. La preuve de l’existence du boson de Higgs se pose grâce à des recherches d’anomalies dans les données collectées (comparées aux données attendues, si une telle particule n’existe pas). Cette recherche se concentre sur la masse estimée de la particule : 126 GeV (milliards d’électron-volts). Lorsque les scientifiques ne parviennent pas à trouver de telles anomalies, ils doivent alors se prononcer sur la possibilité d’une fluctuation statistique. Les calculs effectués par les scientifiques ces dernières semaines, dans lequel le Pr Gross a joué un rôle central, ont révélé, avec un haut degré de signification statistique, une nouvelle particule avec une masse semblable à la masse attendue du boson de Higgs. La formulation est volontairement prudente, laissant la place à l’hypothèse qu’une nouvelle particule autre que le boson de Higgs, peut être trouvée au sein de cette gamme de masse. La probabilité qu’il s’agisse d’une nouvelle particule (ce qui en soi représenterait une découverte fort excitante) est assez faible.
Les physiciens ne se contentent pas de la réalité visible simple en apparence. Ils cherchent à vérifier si cette simplicité absolue affichée par l’univers primitif est réelle et espèrent observer une unification des quatre forces fondamentales de la nature qui agissent sur ces particules (la force faible responsable de la radioactivité, la force électromagnétique, la force forte responsable de l’existence de protons et de neutrons, et la gravitation). La première étape de ce voyage pour unifier les forces vient d’être complétée par la découverte à peu près certaine de la particule de Higgs : l’union de deux forces élémentaires – l’électromagnétique et la force faible – en une force électrofaible.
Un aspect du boson de Higgs, du nom du physicien écossais Peter Higgs, se manifeste par le fait qu’elle donne la masse aux messagers de la force faible – les particules « W » et « Z » (le messager de la force électromagnétique, le photon, reste sans masse.) Dans le but de découvrir le boson de Higgs, d’unifier les forces fondamentales et de comprendre l’origine de la masse dans l’univers, les scientifiques ont construit la plus grande machine dans le monde : un accélérateur de particules situé dans un tunnel circulaire de 27 km de long, situé à 100 mètres sous la frontière entre la France et la Suisse, dans le laboratoire européen de physique des particule, le CERN, près de Genève. Cet accélérateur, appelé LHC (Large Hadron Collider), accélère des faisceaux de protons à 99,999998% de la vitesse de la lumière. Selon la théorie de la relativité, cela multiplie par 7 500 leur masse normale au repos. Deux faisceaux qui circulent en sens opposé se rencontrent aux points d’interaction, en provoquant des collisions qui libèrent beaucoup d’énergie. En beaucoup moins de temps qu’un clin d’œil, des conditions similaires à celles qui existaient dans l’univers à la première fraction de seconde après le Big Bang sont reproduites dans l’accélérateur.
En conséquence, les particules de matière sont transformées en énergie, en conformité avec la célèbre équation d’Albert Einstein décrivant la conversion de la matière en énergie : E = mc2. L’énergie se propage ensuite à travers l’espace et le système se refroidit. (un phénomène semblable s’est produit à la naissance de l’univers). Par conséquent, l’énergie se transforme en particules de matière et le processus est répété jusqu’à ce que les particules qui existent dans la réalité que nous connaissons soient formées. Les collisions produisent des particules énergétiques, dont certaines existent pour des périodes de temps extrêmement courtes. La seule façon de discerner leur existence est d’identifier les empreintes qu’elles laissent derrière elles. A cet effet, une variété de détecteurs de particules est développée, chacun étant optimisé pour capturer des types particuliers de particules.
Le Pr. George Mikenberg de l’institut Weizmann a été pendant de nombreuses années à la tête du groupe de recherche du boson de Higgs dans le cadre de l’expérience OPAL du CERN. Il fut ensuite chef de file du projet ATLAS Muon – l’une des deux expériences qui ont finalement découvert la particule. Le Pr. Ehud Duchovni dirige l’équipe de l’Institut Weizmann, qui mène d’autres travaux importants dans l’expérience ATLAS au CERN. Le Pr. Eilam Gross dirige actuellement le groupe ATLAS de physique du Higgs. Dans l’équipe de Weizmann quatre générations de scientifiques sont représentées : Mikenberg était le directeur de thèse de Duchovni, qui fut, à son tour celui de Gross. Tous trois encadrent maintenant une quatrième génération de doctorants.
A propos du CERN : Les scientifiques du CERN ont inventé et développé le langage informatique et les concepts qui ont servi de base pour l’établissement de l’Internet. En fait, le premier serveur du « World Wide Web » a été activé au CERN pour faciliter la communication entre les scientifiques du monde entier participent à des expériences menées localement. L’organisation a également servi de modèle pour la création de l’Union européenne, et son influence sur la technologie et l’économie européennes n’est pas sans rappeler le programme spatial américain.
A propos du LHC : L’accélérateur de particules LHC est basé sur des électroaimants supraconducteurs fonctionnant à des températures très basses : moins de deux degrés au-dessus du zéro absolu (- 271° Celsius). Il génère environ un milliard de collisions de particules par seconde : si c’étaient des personnes, ce serait comme si chaque personne sur la Terre la planète rencontrait chacun des six milliards d’habitants au monde toutes les six secondes. Calculer et analyser des données provenant de ces collisions, c’est comme essayer de comprendre ce que tous les habitants du monde se disent, sachant que chacun tient 20 conversations téléphoniques à la fois. Ce système expérimental comprend les plus grands électro-aimants supraconducteurs du monde, construits en collaboration avec des entreprises israéliennes. La structure entière comprend 10.000 détecteurs de rayonnement espacées d’un millimètre, elle a un volume de 25.000 mètres cubes et elle dispose d’un demi-million de canaux électroniques. La plupart des détecteurs de rayonnement à muons ont été construits à partir de composants fabriqués en Israël. Un système laser unique, suivi de l’emplacement exact des détecteurs avec une précision de 25 microns (moitié de l’épaisseur d’un cheveu humain).
A propos de l’Institut Weizmann des Sciences : il est situé à Rehovot, en Israël, est l’un des centres de recherche scientifique et d’études diplômées les plus avancés du monde. Réputé pour ses vastes recherches en sciences naturelles et exactes, l’Institut accueille 2.700 scientifiques, étudiants, techniciens, et membres du personnel. L’Institut concentre ses efforts de recherche sur les nouveaux moyens de lutte contre la maladie et la faim, l’examen de questions primordiales dans les mathématiques, les sciences de l’informatique, l’exploration de la physique des matières et de l’univers, la création de nouveaux matériaux et le développement de nouvelles stratégies pour la protection de l’environnement.
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La rédaction