LETTRE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Monsieur Le Président,
Le suffrage universel a fait de vous notre Président. Vous venez d’emménager dans votre nouvelle maison. L’Elysée est votre maison, la France, votre jardin, notre jardin. Des fleurs y sont fanées, des arbres ont besoin d’élagage, les haies doivent être taillées, quelques mauvaises herbes se sont installées sur les pelouses et il faudrait remettre un peu de gravier sur les chemins.
Mais qu’il est beau ce jardin, ce jardin de France ! Vous devrez l’entretenir, l’embellir, mais pas arracher ses arbres multi-centenaires, ni changer toutes ses perspectives qui font tout son charme.
L’ancien « propriétaire » des lieux y a installé l’arrosage, le drainage, rejointoyé les murs d’enceinte, créé des bassins et des chemins pour que chacun puisse s’y promener à l’envi. Il a planté des arbres et des fleurs vivaces.
Et puis, il y a le potager et il y a le verger. Vous savez, on ne peut nourrir personne sans potager ni verger …
Depuis quelques années, malgré les efforts incessants de votre prédécesseur, la vermine, les maladies et les insectes malfaisants, venus d’on ne sait où, ont attaqué la végétation du jardin. Les fruits et les légumes ont souffert. La récolte en a pâti et la famille a du trouver ailleurs ce qui lui manquait pour vivre.
La nature est parfois d’une férocité que, malheureusement, l’homme lui rend trop souvent. Vous pouvez, vous devez, mettre en oeuvre ce qu’il faut pour éradiquer ces fléaux. Mais, je vous en prie, ne vous trompez pas de traitements. Certains ont des effets immédiats, voire fulgurants, mais sont si néfastes à terme qu’il faut les proscrire. Si vous tuez les abeilles en neutralisant les pucerons, vous aurez perdu beaucoup plus que vous n’aurez gagné. D’autres ne sont pas adaptés. Des produits qui éliminent la mousse rapidement favorisent son développement dès l’année suivante.
Je crains que vous ne soyez tenté de remplacer les fleurs fragiles par des fleurs artificielles. De loin, le jardin remplira nos pupilles de ses mille couleurs. Mais à y regarder de près, nulle fleur ne pourra se reproduire et votre jardin, le nôtre, restera figé, sans âme, sans caractère.
Depuis des siècles et des siècles, les cultures de pensées, les soucis et les salades aussi, ont fait l’histoire de ce jardin. Il ne demande rien d’autre que de rester le témoin de notre civilisation passée et le cadre souriant de notre avenir.
Mais, ce que je crains, par dessus tout, c’est que vous pensiez que notre siècle n’a plus besoin de ce décor désuet à vos yeux et que vous décidiez de faire porter l’espérance de nos enfants par des entreprises de terrassement qui passeraient notre culture au mortier du dogme.
S’il vous plaît, Monsieur Le Président, ne vous arrogez pas le droit d’expliquer à nos enfants que nous leur avons raconté n’importe quoi et que vous, détenteur de la vérité, allez changer le paysage en leur demandant de planter de l’herbe dans les allées, des arbres dans les bassins, et des légumes dans la pelouse. L’image de la France n’y résisterait pas.
Un pote âgé m’a demandé de vous écrire cette lettre. Il est très inquiet pour ses arrières petits-enfants.
Avec tout mon respect
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La rédaction