Mali : de mars 1991 à mars 2012: Je me proposais de traiter cette semaine du problème important de l'élection, en juin prochain, du président de la Banque mondiale, car la règle selon laquelle ce président est un Américain, désigné à ce poste par le président des États-Unis, vient de voler en éclats. Je me proposais de traiter cette semaine du problème important de l'élection, en juin prochain, du président de la Banque mondiale, car la règle selon laquelle ce président est un Américain, désigné à ce poste par le président des États-Unis, vient de voler en éclats : pour la première fois depuis soixante ans, le successeur de Robert Zoellick (l'actuel président, qui a décidé de ne pas se représenter) sera véritablement élu.
De très bons candidats présentés par des pays de l'ex-Tiers Monde - le plus en vue est l'Africaine (du Nigeria) Ngozi Okonjo-Iweala - sont en course. Dans trois mois, la Banque aura, de ce fait, un président (ou une présidente) choisi(e) pour sa compétence et non pas imposé(e) par sa nationalité.
Il pourra être américain ou européen, africain, asiatique ou latino-américain : le gagnant sera le meilleur ou le plus adapté au poste.
C'est là une évolution significative et un progrès considérable ; il convient de s'en féliciter.
Je traiterai de ce sujet dans un prochain numéro de Jeune Afrique.
Je consacre cette livraison de « Ce que je crois » à un événement dramatique qui s'est imposé brutalement à notre attention : le présent - chahuté - et l'avenir - incertain - de la République du Mali.
Nous la pensions installée dans cette démocratie impeccable où elle était entrée un 26 mars, en 1991, il y a plus de deux décennies. S'y sont succédé depuis, à intervalles réguliers, les alternances politiques et pacifiques.
Il y a encore quelques semaines, la classe politique malienne se préparait à l'élection présidentielle prévue de longue date pour donner, à partir du 29 avril prochain, un successeur à Amadou Toumani Touré (ATT), qui, ayant accompli deux mandats, ne pouvait plus se représenter et allait devoir passer la main. Comme l'avait fait avant lui, de fort bonne grâce, Alpha Oumar Konaré.
C'est alors que se sont fait sentir, dans le nord du pays, les effets indirects de la chute en Libye du régime Kaddafi : des centaines de soldats de nationalité libyenne, mais originaires du Mali, ont reflué vers cette partie de la République malienne munis d'armes en tous genres, de véhicules militaires et d'argent.
L'effort pour les accueillir et les intégrer n'ayant pas été adéquat - et ne pouvant l'être -, les signes précurseurs d'une effervescence politico-sociale n'ont pas tardé à apparaître : les incidents sont allés s'aggravant, et, par un mauvais jour de janvier 2012, le nord du Mali a franchi un pas de plus, irréparable peut-être : il s'est déclaré en état de sécession et a même réclamé son indépendance.
Arrêtons-nous ici un instant pour dire un mot de l'écrasante responsabilité des grandes puissances qui se lancent, souvent à la légère, dans l'aventure périlleuse des changements de régime par la force militaire : l'URSS l'a fait en Afghanistan dans les années 1970-1980, et les États-Unis lui ont emboîté le pas dans le même malheureux pays à partir de 2001, avant d'envahir l'Irak en 2003 pour abattre Saddam Hussein ; tout récemment, en 2011, la France et le Royaume-Uni ont, à leur tour, utilisé leur aviation et leur marine de guerre pour renverser Kaddafi et son régime, qui avaient cessé de leur plaire.
Certaines de ces interventions - pas toutes - étaient justifiées, d'autres étaient légitimes ou, à tout le moins, légales, car autorisées par l'ONU. Mais toutes ont eu cette détestable caractéristique : l'envahisseur ou les envahisseurs ont quitté le pays dès qu'ils ont estimé qu'il était de leur intérêt de le faire.
Et se sont allègrement désintéressés de la situation, en général désastreuse, dans laquelle ils le laissaient, ainsi que des conséquences de leur intrusion dans les pays voisins, qu'ils ont bien souvent déstabilisés.
Le cas le plus flagrant et peut-être le plus grave est celui de la Libye : les Anglo-Français (et l'Otan) ont abattu Kaddafi et libéré les Libyens de sa dictature. Mais dès que ce résultat a été obtenu, ils sont partis en laissant s'égailler les débris de son régime et se répandre dans la zone sahélienne les milliers de tonnes d'armes qu'eux-mêmes et les Russes lui avaient livrées.
Première grande victime de ce lourd héritage : le Mali, dont nous constatons qu'il est... déstabilisé.
La sécession programmée du nord du Mali ne concerne directement qu'une petite partie de la population. Mais elle a déjà provoqué d'importants déplacements de personnes et a conduit la classe politique à se poser la plus grave des questions : faut-il, peut-on tenir l'élection présidentielle à la date prévue ?
C'est sur ces entrefaites, et avant que ne soit levée l'interrogation, qu'est survenu l'impensable : traumatisés par des revers humiliants, ne se sentant ni convenablement équipés ni bien commandés par une oligarchie militaire qu'ils jugent repue et corrompue, des officiers du rang se sont soulevés, les 21 et 22 mars, contre leur hiérarchie, contre le président - un ex-général commandant en chef de l'armée ! - et contre son gouvernement, qualifié d'« incompétent ».
Des militaires humiliés se sont comportés ici comme leurs homologues humiliés l'ont fait dans bien d'autres pays. Ce genre de réaction est le plus souvent malsain, aggrave le mal qu'il prétend guérir.
Même si leurs griefs ne sont pas tous sans fondement, même si la personnalisation du pouvoir et les hésitations de la classe politique étaient pesantes, les auteurs de ce coup d'État militaire - ils se raréfiaient en Afrique - ont cassé la mécanique de la démocratie malienne et chassé par un coup de force un président qui était sur le point de s'en aller, au terme de son dernier mandat.
Ce qu'ils ont proclamé et édicté est du plus grand classicisme : couvre-feu, arrestations, fermeture des frontières, etc. Des scènes de violence, d'anarchie et de pillage ont tôt fait de donner une image exécrable de cette révolte de « sans-grades »...
Ils ont beau proclamer qu'ils veulent « redresser la démocratie » (sic), « restaurer l'État et le pouvoir pour le remettre à un président élu » (re-sic), même s'ils sont de bonne foi et si leurs positions rencontrent une certaine résonance, ils ont engagé leur pays dans une voie à l'issue incertaine.
Et méritent les nombreuses condamnations que leur mauvaise initiative a déjà suscitées.
Que faire ?
Il faut sauver la démocratie malienne : c'est possible. Et empêcher l'installation d'un gouvernement issu du putsch : c'est nécessaire.
Il n'aurait aucune légitimité pour gouverner le pays ou négocier avec les rebelles du Nord ou, à l'inverse, leur faire la guerre.
Les putschistes devront transmettre le pouvoir de fait qu'ils détiennent depuis le 22 mars à une autorité provisoire, agréée par les principaux partis maliens, la Cedeao, l'Union africaine et l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont la mission principale sera d'organiser - vite, c'est-à-dire dans l'année - des élections présidentielle et législatives transparentes et contrôlées.
Que les rebelles du Nord seront requis de ne pas empêcher ni même perturber.
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