Michel Garroté – Mohamed Merah était-il musulman tout simplement ? C’est un philosophe français musulman, Abdennour Bidar, qui pose – en quelque sorte – la question et qui propose une nouvelle démarche : « Quelle que soit la distance considérable et infranchissable qui sépare ce tueur fou (Mohamed Merah) de la masse des musulmans, pacifiques et tolérants, n’y a-t-il pas tout de même dans ce geste l’expression extrême d’une maladie de l’islam lui-même ? », énonce Abdennour Bidar.
A ce propos, la spécialiste de l’islam Annie Laurent estime (extraits adaptés ; lien en bas de page) "qu'on ne peut plus se satisfaire des affirmations rassurantes des dignitaires musulmans, répétées à chaque drame". Elle ajoute, d'une part, que "les représentants officiels de l’Islam doivent s’interroger sur le rapport des musulmans à leurs Ecritures sacrées et se livrer à un examen honnête de celles-ci en vue de susciter une interprétation du Coran compatible avec les impératifs de la coexistence pacifique. Et d'autre part, elle ajoute que "les Etats européens doivent exiger des représentants officiels du culte islamique des engagements clairs pour le respect de l’ordre public, seul critère qui limite légitimement la liberté religieuse".
Voici l'article dans son intégralité : "Suite aux assassinats de sept personnes, commis à Toulouse et à Montauban les 11, 15 et 19 mars 2012 par Mohamed Merah, jeune Français d’origine algérienne et militant salafiste, et comme à chaque affaire de ce genre, des appels à éviter ‘les amalgames’ entre l’islam et la violence ont été lancés.
1/ Quelques déclarations de responsables musulmans en France :
- Mohamed Moussaoui, président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) : « Cet individu, M. Merah, ne peut en aucun cas justifier ses actes par la religion musulmane ».
- Chems-Eddine Hafiz, vice-président du CFCM : « Le musulman est celui qui pratique une foi qui suit les textes sacrés du Coran. A ce titre-là, lorsque quelqu’un effectue la moindre violence au nom de l’islam, je considère que ce n’est pas un musulman qui agit de la sorte : c’est un criminel, un assassin, un terroriste ».
- Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris : « Nous ne voulons pas qu’il y ait d’amalgame entre la communauté musulmane et les faits qui viennent de se dérouler, qui n’ont rien à voir avec l’islam. Nous demandons donc à la communauté nationale de se garder de tout mauvais jugement envers notre religion ».
- Ahmed Jaballah, président de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) : « L’islam est une religion d’amour et de paix », déclaration qu’il appuie sur le Coran : « Celui qui a tué un homme qui lui-même n’a pas tué, ou qui n’a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme s’il avait tué tous les hommes » (5, 32).
2/ Ce qu’on lit aussi dans le Coran :
Sans mettre en cause l’engagement personnel de ces responsables religieux en faveur d’un islam paisible, il faut observer que les terroristes se réfèrent aussi au Coran pour justifier le rejet de l’autre et le recours à la violence.
- « O croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens. Ils sont amis entre eux. Celui qui les prend pour amis finit par être des leurs » (5, 51).
- « Que les incrédules n’espèrent pas l’emporter sur vous ! Ils sont incapables de vous affaiblir. Préparez, pour lutter contre eux, tout ce que vous trouverez, de forces et de cavaleries, afin d’effrayer l’ennemi de Dieu et le vôtre » (8, 59-60).
- « Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades. Mais s’ils se repentent, s’ils s’acquittent de la prière, s’ils font l’aumône (en clair s’ils appliquent l’islam), laissez-les libres – Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux » (9,5 dit « verset du sabre »…).
- « Combattez : ceux qui ne croient pas en Dieu et au Jour dernier ; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et son Prophète ont déclaré illicite ; ceux qui, parmi les gens du Livre (juifs et chrétiens ou ‘Nazaréens’), ne pratiquent pas la vraie Religion (l’islam). Combattez-les jusqu’à ce qu’ils paient directement le tribut après s’être humiliés » (9, 29).
Selon Ibn Hazm (Xe-XIe siècles) et Ibn Arabi (XIIe-XIIIe siècles), commentateurs classiques et autorisés du Coran, ces versets abrogent le verset 5,32 cité par Ahmed Jaballah. Ce dernier peut-il ignorer cela, lui qui dirige un centre de formation doctrinale islamique (l’Institut Européen des Sciences humaines à Saint-Denis) ?
Dans le Coran, les verbes ‘tuer’ et ‘combattre’ (quelqu’un) se trouvent respectivement soixante-douze fois et cinquante et une fois, dont dix et douze à l’impératif, ce qui sous-entend qu’il s’agit d’injonctions émises par Dieu, puisque le Livre sacré des musulmans est tout entier, pour eux, dictée divine sans collaboration humaine.
3/ Que faire ?
On ne peut plus se satisfaire des affirmations rassurantes des dignitaires musulmans, répétées à chaque drame ; il ne suffit plus qu’ils se désolidarisent en leur nom personnel des actes criminels commis par certains de leurs coreligionnaires ; les élites religieuses et politiques non musulmanes ne peuvent plus feindre d’ignorer le double visage du Coran (religieux et politique sans distinction). Continuer d’entretenir ces dénis de réalité et de fuir ces questions ne peut que conduire à des affrontements destructeurs de la paix civile.
Une révision des positions est donc nécessaire de la part de tous les responsables concernés.
1. Les représentants officiels de l’Islam doivent s’interroger sur le rapport des musulmans à leurs Ecritures sacrées et se livrer à un examen honnête de celles-ci en vue de susciter une interprétation du Coran compatible avec les impératifs de la coexistence pacifique. Cette démarche, qui implique la remise en cause de l’intemporalité et de l’intangibilité du Coran, est-elle possible en l’absence de Magistère unique et authentique dans l’Islam ? C’est en tout cas le seul moyen de rendre injustifiés les amalgames et de protéger les musulmans de toute stigmatisation, en particulier ceux qui souffrent, eux aussi, des agissements islamistes. Un philosophe français musulman, Abdennour Bidar, ouvre la voie à cette démarche : ’Quelle que soit la distance considérable et infranchissable qui sépare ce tueur fou de la masse des musulmans, pacifiques et tolérants, n’y a-t-il pas tout de même dans ce geste l’expression extrême d’une maladie de l’islam lui-même ?’
2. Les Etats européens doivent exiger des représentants officiels du culte islamique des engagements clairs pour le respect de l’ordre public, seul critère qui limite légitimement la liberté religieuse, comme on peut du reste aussi le lire dans la Déclaration Dignitatis humanae du concile Vatican II (Fin des extraits adaptés de l’analyse d’Annie Laurent ; voir ci-dessous le lien vers la source).
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La rédaction