jeudi 5 avril 2012

Révision constitutionnelle et refondation de l’Etat algérien

Révision constitutionnelle et refondation de l’Etat algérien: C’est seulement quand l’Etat est droit qu’il peut devenir un Etat de droit. L’Etat de droit n’est pas un Etat fonctionnaire, qui gère un consensus de conjoncture, mais un Etat qui fonde son autorité à partir d’une certaine philosophie du droit d’une part, et d’autre part, à partir d’une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d’une vision future de ses perspectives. C’est ainsi que cette modeste contribution porte sur la problématique de la refondation de l’Etat algérien sans laquelle la révision constitutionnelle aurait un impact limité.

Révision constitutionnelle et refondation de l’Etat algérien


1.-Renouveau national  et  refondation politique
Depuis octobre 1988, l’Algérie semble chavirer un moment et reprendre avec hésitation ses équilibres un autre moment. Le pouvoir a marginalisé l’élite  autonome  agissante capable d’élaborer des idées structurantes et peser par ses analyses sur les tendances et les choix majeurs. Que le pouvoir ne se trompe pas  de stratégie. La dé-crédibilisation de la politique a réduit l’influence de son  élite  que Gramsi a qualifié à juste titre  d’intellectuels organiques  aux ordres du pouvoir  en contreparties  de la rente.  Et avec le vide contreproductif pour le pouvoir lui même,  il y a risque alors  d’un désespoir majeur. Dès lors, le sursaut démocratique  perd l’essentiel de ses acteurs car la société civile avec les archaïsmes qui  traversent bon nombre de ses  segments, ne peut assurer à elle  seule l’aboutissement du processus démocratique en cours dans notre pays. C’est que  la prospérité ou le déclin des civilisations de l’Orient et de l’Occident  a clairement   montré qu’une Nation sans son élite est comme un corps sans âme. Il ne s’agit pas de renier les   traditions positives qui moulées dans la trajectoire de la modernité,   peuvent être facteurs de développement : l’expérience  du Japon et de bon nombre de pays  émergents l’attestent.  Mais au- dessus de tout, l’Algérie reste un pays dynamique,  plein de vitalité, qui se cherche et cherche sa voie. Un processus de mutations internes est en  train de se faire, par une certaine autonomie qui annonce de nouvelles mutations  identitaires - pas celles qu’on  croit, mais celles  qu’on soupçonne le moins  qui s’imposeront. Les Algériens veulent vivre leurs différences dans la communion et non dans la confrontation, la paix étant un facteur déterminant  ce qui ne signifie en aucune manière oublier de tirer les leçons du passé récent afin de  forger positivement notre avenir commun. La refondation de l’Etat, pour ne pas dire sa fondation comme entité civile, passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique..Dès lors, la  question centrale qui  se pose est la suivante : vers quelle  mécanique politique se penchera la refondation  politique en cours en Algérie, celle qui instaure un vrai consensus pour une concorde non seulement nationale  mais communautaire ? En réalité la question qui mérite d’être posée aujourd’hui  est la suivante : est ce que les pouvoirs politiques algériens successifs ont- ils édifié un Etat national d’abord et qu’est ce qu’un Etat national dans le cas algérien précisément ? Il faut bien le rappeler, il n’y a pas d’Etat national standard. Il n’y a que  que les équipements anthropologiques intrinsèques qui  modèlent le   système politique inhérent à chaque situation socio anthropologique. Le poids de « l’anthropologique » dans l’élaboration des modèles politiques apparaît clairement dans les systèmes politiques arabes  actuels.  La refondation de l’Etat actuellement dépasse et de loin l’aspect technique de la politique. Elle touche en réalité « l’écologie de la République » et les idées qui la fondent. La construction politique passe aujourd’hui nécessairement par la dialectique de l’alternance. Aussi dans le cadre de cette refondation politique, l’Algérie ne peut revenir à elle- même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétences,  de loyauté et d’innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de la promotion sociale. La compétence n’est nullement synonyme de poste dans la hiérarchie informelle, ni de  positionnement dans la perception d’une rente. Son efficacité et sa légitimité se vérifient surtout dans la pertinence des idées et la symbolique positive qu’elle ancre dans les corps et les acteurs sociaux. La compétence n’est pas un diplôme uniquement mais une conscience et une substance qui nourrissent les institutions et construisent les bases du savoir. Sans cela, les grandes fractures sont à venir et la refondation de l’Etat ne dépasserait pas une vaine tentation de restauration d’un pouvoir   qui ne serait  plus en mesure de réaliser les aspirations d’une Algérie arrimée à la modernité tout en préservant son authenticité. La refondation de l’Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs. Elle passe par une  transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et les hommes chargés par la Nation de la faire. La gouvernance est une question d’intelligence et de légitimité réelle et non fictive.  Cela implique des réaménagements dans l’organisation du pouvoir.
 
2. Des réaménagements urgents  dans l’organisation du pouvoir
Le régime politique algérien qui est un sous- ensemble du système politique,  n’a pas fondamentalement été bouleversé par les différentes constituions avec des  changements de formes mais pas de nature. Les tensions que connaît le système, ou celles qu’il est appelé à connaître, doivent être recherchées dans les dysfonctionnements ou les crises d’autorité qui surgissent périodiquement, et depuis longtemps, au plus haut niveau de l’Etat..On peut démontrer aisément entre 1963/2012 que c’est un pouvoir fondamentalement  rentier mu par l’unique dépense monétaire  et que les crises qui le secoue sont fonction  de l’évolution des cours  des hydrocarbures et de la cotation du dollar. Plus les  cours haussent plus la cohésion  des  différents clans du pouvoir est forte, (partage de la  rente) et les  réformes de fond sont freinées. Plus les cours sont bas  plus, plus de tensions se manifestent et l’on réalise des replâtrages en ne s’attaquant pas au fonctionnement du système lui même  du fait de la  neutralisation des rapports de forces (statut quo en espérant  que les  cours  des hydrocarbures s’élèvent). Sur le plan politique,  dans le cas d’une majorité de la future  assemblée  issue des élections 10 mai 2012 autre que celle du FLN , (le RND n’étant qu’un appendice du FLN), dont le président de la république est le président d’honneur,  nous ramènerait à un problème non prévu par l’actuelle constitution : celui d’une cohabitation qui est  fondée sur l’existence d’une majorité parlementaire, opposée au Président de la République et partageant avec lui la responsabilité de l’Exécutif, la constitution actuelle  étant  celle d’un régime présidentiel n’ayant plus de chef  de gouvernement mais seulement un premier ministre.  Le Président de la République est sans doute le détenteur principal du pouvoir exécutif. Mais, tout en étant totalement responsable de la politique qu’il mène, il n’en aura  pas moins les mains liées, tenu régulièrement qu’il est de négocier  avec des partenaires qui peuvent du jour au lendemain se retourner contre lui.  C’est pourquoi, la future constitution devra trancher clairement ; soit un régime présidentiel soit un  régime  parlementaire. Il s’ensuit qu’outre ces aspects qui peuvent conduire à des conflits  bloquants, la nouvelle  reconfiguration politique,  doit  prendre en charge  les mutations internes de la société : plus de liberté, une société plus participative et citoyenne, plus   de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme,  une plus grande moralisation des institutions en prévoyant  le renforcement des organismes de contrôle indépendants  pour une lutte efficace et concrète contre la corruption qui tend à se généraliser, l’efficacité économique par la protection des droits  de la propriété privée et également de tenir compte  des engagements  internationaux de l’Algérie( accord de libre échange avec l’Europe- Omc- intégration maghrébine - Nepad etc..). Cela implique de tenir compte  des mutations mondiales en institutionnalisant le fonctionnement  de la société au sein d’une économie ouverte (consacrer l’irréversibilité de l’option de l’économie de marché concurrentielle loin de tout monopole public ou privé) se fondant sur une réelle décentralisation pour une société plus participative et citoyenne (régionalisation économique et non régionalisme) et non une vision administrative  par  une  déconcentration qui amplifierait le poids de la bureaucratie. Il s’agira  de  passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales  entreprises et citoyennes   Une  réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune, pour une société plus participative et citoyenne s’impose, réorganisation fonction de la revalorisation de la ressource humaine renvoyant à l’urgence de la révision du statut de la fonction publique. Cellule de base par excellence, la wilaya  et la commune algérienne sont actuellement régies par des textes  qui ne sont plus d’actualité, autrement frappés de caducité d’où l’urgence de leurs révisions. Après la «commune providence » du tout Etat, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l’ingénierie territoriale. C’est dans ce contexte que la commune doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l’amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d’un espace.  C’est à la commune que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l’accueil des entreprises et de l’investissement. Le double objectif recherché serait la création de ressources fiscales et la promotion de l’emploi de proximité. Avec le nouveau système politique, qui devra être consacré dans la nouvelle Constitution, la commune devra par ailleurs et naturellement  se constituer en centre d’apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l’accomplissement de ses missions. La commune doit se préparer à une mutation radicale devant faire passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités entreprises responsables de l’aménagement du développement et du marketing de son territoire. C’est pourquoi la fonction de wali- dont le rôle essentiel est celui d’animation et de coordination des communes, ne doit  plus  répondre aux critères actuels   où l’administratif prime mais à des hommes managers d’un niveau intellectuel élevé et d’une  haute moralité  si l’on veut éviter une bureaucratisation locale plus néfaste que la centrale.  Cette mutation soulève  la question des moyens et surtout  de leur optimisation. La réforme de la fiscalité devra prendre  en charge les ressources propres dont doivent disposer les communes, ainsi que les péréquations qui permettront d’aider les moins favorisées d’entre elles.  Pour répondre à cet enjeu majeur, on doit miser sur la valorisation du territoire et l’organisation du développement autour d’espaces équilibrés et solidaires  (éco- pôles qui regrouperaient universités- centres de recherche- entreprises- chambres de commerce- administrations) tenant compte de l’urgence d’une urbanisation maîtrisée (actuellement anarchique avec des coûts faramineux) et de la protection de l’environnement et du cadre de vie  qui  se dégradent de jour en jour.
En résumé,  la refondation de l’Etat algérien  renvoie à une vision stratégique globale où le Politique, l’Economique, le Social et le Culturel  sont  inextricablement liés au sein d’un univers  de plus en plus globalisé, où  les grands espaces socio-économiques dominants sont  basés sur  la maîtrise des connaissances (le savoir) avec pour   fondement la bonne gouvernance et  la liberté entendue au sens large, par la promotion de la condition féminine  et de l’homme pensant et créateur.




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