Il est d’autres sujets dont j’entends traiter dans les jours à venir. La déstabilisation de l’Afrique subsaharienne en raison des armes venues des arsenaux du régime Kadhafi, l’approfondissement de l’hiver islamique en Egypte, la poursuite du lent effondrement de la zone euro ou la captation par décret de divers pouvoirs par Obama.
Pour l’heure, le dégoût et la révolte que je ressens sont trop profonds. La tuerie de Toulouse continue à m’empêcher de dormir et de penser vraiment à autre chose. Après avoir délibérément égaré les esprits en évoquant la piste de l’extrême droite, la bien pensance ambiante vient nous répéter sans cesse les vertus de l’islam et, puisqu’elle doit traiter du cas de l’infâme déjection appelée jusque voici quelques jours Mohamed Merah, vient repeindre celui-ci sous les traits d’un « fou », d’un jeune homme égaré, d’un « loup solitaire » quelquefois. La bien pensance vient nous dire aussi qu’il n’était pas possible d’arrêter Merah avant qu’il ait assassiné, et ajouter que nous sommes dans un Etat de droit qui respecte la présomption d’innocence. Allons…
Est-il si difficile désormais de dire que Merah a été un assassin raciste dont la conduite a été digne de celle des pires SS pendant la Deuxième Guerre Mondiale ? Est-il difficile de dire que Merah a été un antisémite de la pire espèce ? Ne pourrait-on, au moins, respecter le deuil des familles de ses victimes ? Ne pourrait-on dire que si les assassinats de soldats ont été lâches et ignobles, l’assassinat d’un rabbin et de trois enfants simplement parce qu’ils sont juifs, dans une école, est un acte d’une ignominie absolue et l’incarnation du mal à son plus haut degré d’intensité ? Ne pourrait-on dire que cela suffit ? C’est à vomir. On fait quasiment un héros d’un non être qui souillerait la fosse commune dans laquelle on pourrait envisager de le jeter, et on convoque des psychologues et des psychiatres pour gloser sur son cas.
Quant à la présomption d’innocence, précisément : il faudrait en parler à tous ceux qu’on a emprisonné à tort ou sur la base de l’intime conviction d’un juge façon Fabrice Burgot.
Pour l’état de Droit : un pays qui mérite infiniment davantage cette appellation que la France aujourd’hui, les Etats-Unis, avait placé Merah sur la liste des personnes indésirables et dangereuses. La justice américaine savait que Merah avait été formé au djihad, avait eu des activités terroristes en Afghanistan, y avait été emprisonné et s’était évadé grâce aux talibans, elle avait transmis les informations aux services français : et on voudrait nous faire croire que les services français en question ont vraiment cru que Merah était en Afghanistan pour faire du tourisme ? De qui se moque-t-on ?
Pour le « loup solitaire » : on sait que le frère aîné de Merah, Abdelkader, organisait des filières de passage de combattants djihadistes vers le Proche-Orient, et on voudrait nous inciter à imaginer que lui, le petit frère, se débrouillait par ses propres moyens ? Des moyens qui lui permettaient de louer plusieurs voitures en même temps et de se procurer tout un arsenal. De qui se moque-t-on encore ? Merah aurait dû être arrêté il y a longtemps, les chefs de mise en examen existaient : il y a eu bien pire que du laxisme. Nicolas Sarkozy vient de faire des propositions destinées à permettre de s’occuper sérieusement de ceux qui font du « tourisme » là où Merah a prétendu en faire, ce qui est bien, mais vient vraiment très tard. Merah n’aurait pas dû pouvoir commettre quinze crimes de droit commun et être encore en liberté. Dans plusieurs Etats américains, au bout de trois crimes, c’est la perpétuité réelle. Des gens en France sont en prison pour des motifs infimes, et des Merah sont en liberté, car, ne nous y trompons pas, il y en a d’autres. Et ne nous y trompons pas non plus, il y aura d’autres morts.
Nous sommes dans un pays où la justice est dévoyée, où la police est, souvent, dévoyée aussi. Nous sommes dans un pays où les politiciens imprégnés de dignité se font rares et n’ont aucune chance de gagner les élections. Nous sommes dans un pays où des innocents sont incarcérés, et des criminels en liberté. Nous sommes dans un pays où la parole n’est plus libre et se trouve confisquée par une nomenklatura totalitaire qui a sa propre novlangue et ses propres réflexes pavloviens. Nous sommes dans un pays où le mensonge se fait omniprésent, et où bientôt il n’y aura plus que les bulletins météo qui donneront des informations à peu près exactes.
Dans les années 1940, il fallait écouter Radio Londres pour pouvoir disposer d’une approche non falsifiée des faits : aujourd’hui, on peut lire dreuz, Jss News, Europe-Israël, quelques autres sites, ou bien la presse anglaise, canadienne, américaine, israélienne. C’est insupportable. Le plus terrible est que ceux qui falsifient l’information ne savent pas toujours ce qu’ils font et ont bonne conscience. Les politiciens indignes ont bonne conscience aussi, tout comme tous ceux qui nous conduisent vers le gouffre. Les staliniens sous Staline, les nazis sous Hitler avaient bonne conscience aussi. Le totalitarisme qui monte en Europe est plus dangereux que les totalitarismes durs : c’est un totalitarisme spongieux, sirupeux, anesthésiant. J’avais parlé à son sujet autrefois de la stratégie qui permet la cuisson du homard, stratégie dont avait traité aussi Michel Gurfinkiel. Pour cuire le homard, il faut le plonger dans l’eau tiède et faire chauffer lentement : le homard s’endort dans la tiédeur, perd ses capacités de défense, et finit complètement cuit. La cuisson en France est en cours. La population n’est pas encore complètement cuite, mais cela vient. Des gens zélés s’y emploient. J’aimerais penser que ce n’est pas irrémédiable, mais je pense, en fait, que c’est irrémédiable.
Un pays où on laisse des Mohamed Merah en liberté malgré des éléments accablants est un pays fichu. Un pays où on peut tuer des enfants juifs dans une école et ne plus y penser trois jours après (car qui en parle encore ?) est un pays fichu. Un pays où on peut psychologiser le cas d’un assassin d’enfants juifs et mentir sur le parcours djihadiste de l’assassin est un pays fichu. Un pays où des journalistes par dizaines ne trouvent rien de mieux à faire, juste après le pire acte antisémite commis sur son sol depuis des décennies (depuis le temps de Pétain, je pense, et les assassinats de Sebastien Sellam et d’Ilan Halimi auraient dû déjà susciter une réaction), que de se pencher sur l’assassin, musulman, en s’inquiétant des risques de « stigmatisation » de la communauté musulmane est un pays fichu. Quand, exactement, des enfants musulmans ont-ils été assassinés par un fanatique non musulman dans la cour d’une école française ? Quelqu’un peut-il me donner une date ?
Un pays où on veut faire croire qu’il y a un « islam de France » qui n’est pas du tout, vraiment pas du tout, celui qui se trouve dans l’ensemble du monde musulman et qui n’est pas du tout touché par l’islamisme qui monte (et qui est sans doute censé s’arrêter aux frontières de la France, comme autrefois le nuage de Tchernobyl), est un pays fichu. Un pays où des gens prétendant penser font comme s’ils ne voyaient pas l’antisémitisme musulman, pas non plus de quels venins se pétrit la haine d’Israël, ou de quels matériaux frelatés et djihadistes est faite la « cause palestinienne » et qui, tout en oubliant vite l’assassinat d’enfants juifs en France oublient plus vite encore l’assassinat d’enfants juifs au Proche-Orient, est un pays qui a perdu tout sens moral.
L’assassin de trois soldats, d’un rabbin et de trois enfants juifs est une déjection qui s’est appelée Mohamed Merah. Mais Mohamed Merah n’est pas le seul assassin. Il a, en France, des milliers de complices. Certains sont journalistes, d’autres juges ou policiers, d’autres encore politiciens. Et si j’ajoutais à la liste les assassins du reste de l’Europe telle la hideuse et antisémite Catherine Ashton, la liste se ferait plus longue. Si j’ajoutais les assassins du monde musulman où, si quelques esprits éclairés existent, s’épand aujourd’hui la plus immonde pathologie collective qu’ait connu l’humanité depuis le Troisième Reich, la liste serait bien plus longue encore.
Il est d’autres sujets dont j’entends traiter, disais-je. Mais le dégoût et la révolte que je ressens présentement sont trop profonds, oui. Et quand j’allume la télévision, j’ai l’impression de vivre un cauchemar. Les gens qui parlent sont très propres sur eux et parfois souriants. Ils ne savent pas toujours ce qu’ils font, mais je ne peux m’empêcher de le voir : ils ont du sang sur les mains. Leurs mots sont lourds de cadavres suppliciés d’innocents qui n’ont pas encore été tués, mais le seront sans doute demain. Hélas.
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info
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