Le retour de l’antisémitisme musulman en Tunisie est bien plus effrayant que celui constaté en Iran depuis trois décennies. Depuis la révolte de 2011, les slogans antisémites et les propos haineux y sont devenus banals.
A l’occasion du nouvel an juif, célébré ce mercredi, un véritable déferlement antisémite a été constaté sur les pages des réseaux sociaux tunisiens. Ces photos, qui sont toujours visibles, illustrent des personnalités publiques musulmanes comme Youssef al-Qardaou (président de la confrérie mondiale des Frères musulmans) ou Rached Ghannouchi (chef de la branche locale des Frères musulmans) portant des papillotes, typiques aux juifs orthodoxes.
Rached Ghannouchi grimmé
Pire encore, comme pour envoyer un message de « l’impureté juive » à l’occasion des fêtes de Rosh Hashana, certains ont eu l’idée de publier une photo d’un âne porté par un groupe de religieux juifs :
Le commentaire, en arabe, dit : « Ce que vous voyez est une des fêtes des juifs ! «
Le commentaire odieux poursuit en déclarant : « C’est la fête de bénédiction chez eux, ils portent un âne et ils font des tours rituels avec. S’ils ont adoré le veau, il n’est pas étrange qu’ils se rapprochent de Dieu par un âne« .
Cette affirmation fait référence à l’histoire du veau d’or, pendant l’ascension du Mont Sinaï, dans l’attente de l’arrivée imminente du berger d’Israël, Moshé Rabbénou. (Épisode de l’Exode.32). Mais le récit coranique exagère en décrivant cette scène, et en présentant tous les juifs nouvellement libérés du joug de Pharaon comme des hérétiques.
Le commentaire antisémite ajoute : « Merci deux fois que nous sommes des musulmans ; la première parce-que Allah nous a protégé de la méchanceté des juifs et la seconde parce-que Allah Le puissant les maudit« .
La controverse de cette photo, accompagnée du commentaire antisémite qui a été largement partagée, a à juste titre soulevé l’émotion dans la communauté juive tunisienne qui reste très vigilante.
Les propos de ces internautes tunisiens, endoctrinés et éduqués à la détestation de juifs, vient rejoindre les nombreuses voix dans le pays annonçant des slogans comme « Khaiber, Khaïber, Oh Juifs, l’armée de Mohamed serait de retour » (Khaiber est une ville juive en Arabie saoudite complètement rasée par les soldats d’Allah à l’époque du prophète).
Le 30 novembre 2012 sur une chaîne de télévision nationale, un imam, fonctionnaire payé par l’argent public, n’avait pas été inquiété pour son appel au génocide divin des juifs.
« Oh Allah (Dieu), tu sais ce que ces maudits juifs ont fait, la corruption qu’ils ont semée sur Terre, leurs efforts pour détourner les gens de ton chemin, l’humiliation qu’ils causent à tes serviteurs», avait-il lancé. «Frappe-les avec un coup tel pour qu’il n’en reste plus un seul. Allah, rends les ventres de leurs femmes stériles et assèche les entrailles de leurs hommes».
Comme chaque fois, les autorités tunisiennes ne font rien pour l’identification des auteurs de ces propos antisémites ou racistes ; elles ne trouvent même pas utile de censurer la diffusion des messages de haine, ni à la télévision ni sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux. Pourtant, ces messages sont constitutifs du délit d’injures raciales, de diffamation raciale et d’incitation à la haine raciale sur un espace public.
Le courant islamique, mais aussi le courant pan-arabe tunisien sont responsables de la propagation de ce genre de propos auprès d’une nouvelle génération de jeunes baignant dans l’antisémitisme arabo-musulman.
Enseignement à la haine et à la détestation des Juifs dans les écoles
Malheureusement, l’inguérissable enseignement à la haine et à la détestation des Juifs, dans les écoles, les studios de télévision, les mosquées, et les journaux continuent de s’amplifier dans cette société qui est gravement atteinte par un antisémitisme primaire, selon les observateurs locaux (1).
La haine antisémite et judéophobe s’est déjà manifestée par des actes de violences contre au moins deux synagogues du pays ; celle d’Edmond Azria à Sfax et celle de Gabès (2), mais aussi contre deux cimetières Juifs celle du Kef et de Sousse (3).
Il est à rappeler que dans l’histoire encore récente de la Tunisie, c’est l’État nouvellement indépendant en 1956 qui a institutionnalisé l’antisémitisme comme un des éléments fondateurs du jeune État mais aussi l’infériorité sociale des juifs et a organisé la ségrégation sociale entre musulmans et dhimmis. De la sorte, l’exclusion sociale est inscrite dans la loi de ce pays et constitue un argument politique majeur qui encourage les abus de pouvoir et laisse la porte ouverte à l’arbitraire (les juifs sont interdits des hautes fonctions civiles et militaires).
L’islamisation de la société ne fait qu’empirer les choses.
Dernier exemple, celui du refus de la nomination au poste de ministre du tourisme de René Trabelsi membre éminent de la communauté juive de Djerba, par le conseil de la Choura, la plus haute instance décisionnaire du parti islamiste au pouvoir (4).
La Tunisie plus antisémite que l’Iran, le Maroc une exception arabe
Il n’est rien de comparable aujourd’hui en Tunisie, par rapport au Maroc, où Le Roi Mohammed VI envoie des instituteurs de son pays en Israël pour apprendre l’enseignement de la Shoah. Le Souverain Alaouite a même encouragé la mention des composantes hébraïque comme une partie de l’identité marocaine dans la nouvelle Constitution du Royaume ( du 1er juillet 2011). A Casablanca se trouve le seul musée du judaïsme du monde arabe, alors que la Tunisie refuse de faire de même (5). L’État marocain a même établi un espace juridique conforme aux préceptes du judaïsme.
« Aujourd’hui au Maroc, la communauté juive continue de jouir, sous le règne de SM le Roi Mohammed VI, de tous ses droits et ses libertés et d’un important rayonnement public, de même qu’elle est présente dans différents secteurs de la vie sociale, en politique, en économie, dans les affaires, dans la vie culturelle et intellectuelle », affirmait la revue espagnole Focus dans son numéro de juin 2010.
En février 2013, lors de l’inauguration de la réhabilitation de le synagogue Slat Al Fassiyine à Fès, datant du 17è siècle, le Roi Mohammed VI réaffirmait sa sollicitude envers ses sujets de confession juive.
Rien d’étonnant d’ailleurs que les pèlerins israéliens, qui évitent la Tunisie depuis 2011, se rendent en masse chaque année en avril au Maroc (6). Contrairement à la Tunisie, le Maroc punit sévèrement toute injure envers les juifs. Tout récemment encore, un professeur de la Faculté des Lettres et des Sciences Sociales d’Oujda a été sanctionné pour antisémitisme (7).
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Souhail Ftouh pour www.Dreuz.info
Le Tunisien est-il antisémite ? nawaat.org/le-tunisien-est-il-antisemite/
Tunisie : Retour sur l’affaire de la synagogue incendiée près de Gabès – par Ftouh Souhail www.europe-israel.org
Tunisie : le cimetière Juif du Kef vandalisé, à Sousse des ossements humains dans la rue ! par Ftouh Souhail www.dreuz.info
Apartheid en Tunisie: les islamistes s’opposent à la candidature d’un juif comme ministre du Tourisme- par Ftouh Souhail: www.dreuz.info
A Casablanca, le seul musée du judaïsme du monde arabe, à quand la même chose en Tunisie ? harissa.com
La communauté juive marocaine a célébré, le 28 avril 2013 au village d’Aït Bayyoud, dans la province d’Essaouira, le moussem annuel du Rabbi Nessim Ben Nessim, marqué par la participation de centaines de pèlerins juifs du Maroc et de l’étranger.
La Nouvelle Tribune, datée du 20 juin 2013, Maroc.
A propos de l'auteurSpécialisation : droit et politique du monde arabo-musulman. Souhail Ftouh est avocat au barreau de Tunis, et délégué de l'organisation "Avocats Sans Frontières" pour la Tunisie.
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