vendredi 31 mai 2013

Prêtre ou franc-maçon : il faut choisir






Le Vatican considère qu’il y a incompatibilité entre appartenance à l’Église catholique et à la franc-maçonnerie. Le père Pascal Vesin, démis de ses fonctions, vient d’en faire les frais.

Le curé de la paroisse de Megève, en Haute-Savoie, a été démis de ses fonctions à la demande du Vatican en raison de sa persistance à faire partie de la franc-maçonnerie, une sanction exceptionnelle en France.

Le Vatican considère qu’il y a incompatibilité entre appartenance à l’Église catholique et à la franc-maçonnerie.


Le père Pascal Vesin, 43 ans, curé de la station de ski huppée de Megève, restera prêtre « mais sans droit d’exercer », a annoncé le diocèse d’Annecy le 24 mai.


Il devrait continuer à être rémunéré pendant 6 à 12 mois (autour de 900 €).



« Cela faisait quelque temps que j’avais cette épée de Damoclès, mais je ne pensais pas qu’ils iraient jusque-là », a réagi l’intéressé.

Il fait désormais l’objet d’une « excommunication temporaire » avec interdiction de recevoir les sacrements, selon ses propres termes.

Le père Pascal officiait depuis 17 ans dans différentes paroisses de Haute-Savoie (Thonon-les-Bains, Annemasse et à Megève). Il avait rejoint en 2001 une loge du Grand Orient de France, première obédience franc-maçonne en France, souvent considérée comme anticléricale.

Une vision qui n’a plus lieu d’être, selon le prêtre. « Le combat entre l’Église et la franc-maçonnerie date de la IIIe République, ce n’est plus de mise », juge-t-il.

En 2010, un courrier anonyme adressé à l’évêque d’Annecy, Mgr Yves Boivineau, a révélé la double appartenance de l’ecclésiastique qui l’a d’abord niée.

Après un deuxième courrier anonyme en 2011, le père Vesin a finalement avoué être franc-maçon.

« Il lui a été demandé de quitter la franc-maçonnerie pour se consacrer à son ministère de prêtre », ce que l’intéressé a refusé, a indiqué le diocèse dans un communiqué.

« Je trouve une complémentarité dans la double appartenance », a affirmé Pascal Vesin, en disant apprécier le « travail sur les questions de société » du Grand Orient.

L’évêque d’Annecy a tenté de le convaincre de revenir sur ses positions, sans succès. « Je tiens à cette liberté de pensée et de parole qui m’est inspirée par l’Évangile », a-t-il poursuivi.

En mars dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi, créée en 1542 à Rome pour défendre à l’époque l’Église des hérésies mais aujourd’hui pour promouvoir la doctrine de l’Église catholique, a exigé le départ du prêtre.

Après un nouveau délai, l’évêque lui a notifié les conséquences de son choix. « Rien ne reste fermé », selon le communiqué diocésain où il est dit que « la peine, dite « médicinale », peut être levée » si le prêtre quitte la franc-maçonnerie.

Le retour de « l »obscurantisme »

Le grand maître du Grand Orient de France, José Gulino, a évoqué un « retour » de « l’obscurantisme ».


« Je souhaite que l’Église évolue. On peut être prêtre et franc-maçon. Ne pas comprendre cela relève du Moyen-Age », a-t-il déclaré.

« Le Vatican n’aime pas la franc-maçonnerie française à cause du rayonnement du Grand Orient de France, qui a un côté anticlérical« , a expliqué Claude Legrand, grand secrétaire de la Grande Loge nationale française (GLNF).

« Pour tout le monde, le franc-maçon est un bouffeur de curés« , a-t-il poursuivi. Le GOF affirme sa croyance en un dieu, mais qui n’est pas le Dieu des chrétiens et il compte « une bonne poignée » de prêtres sur 26 000 maçons, selon Claude Legrand.

Iconoclaste

A Megève, « c’est un peu le tremblement de terre sur la paroisse », confie le père Vesin, en disant avoir reçu « énormément de messages » de soutien et quelques critiques.

Le curé avait habitué ses paroissiens à des positions assez iconoclastes en se prononçant en faveur de l’ordination des prêtres mariés et en soutenant le mariage homosexuel.


L’Église « se trompe de combat » sur le mariage homosexuel, avait-il déclaré en janvier dans l’hebdomadaire local Le Messager, regrettant « un fort relent d’homophobie » sur le sujet.

Aujourd’hui, le prêtre dit n’avoir « aucune idée » concernant son avenir. « Je suis fait pour être prêtre. J’y croyais. J’ai une foi énorme, je sais que je vais rebondir », assure-t-il.

L’argumentaire du diocèse

A lire en cliquant ici


Je n’ai pas été totalement convaincu par l’argumentaire développé par le diocèse d’Annecy.


Le passage suivant, en particulier, ne manque pas de m’interroger :

« Le relativisme est au fondement même de la franc-maçonnerie.


« C’est le nœud même de l’incompatibilité, en raison des conséquences sur le contenu de la foi, l’acte de foi lui-même, l’agir moral et l’appartenance à l’Église Corps du Christ.


« Les francs-maçons nient la possibilité d’une connaissance objective de la vérité.


« On demande à un franc-maçon d’être un homme libre, qui ne connaît aucune soumission à un dogme, ce qui implique le rejet fondamental de toutes les positions dogmatiques. »



N’étant pas franc-maçon, j’ignore si, effectivement, « les francs-maçons nient la possibilité d’une connaissance objective de la vérité« .

Mais si je prends la contreproposition de ce qui précède, dois-je en déduire qu’un chrétien peut prétendre à une connaissance objective de la vérité ?

Si la vérité dont on parle ici renvoie à la foi, et en particulier à la foi des chrétiens, je ne suis pas sûr de bien comprendre.


La foi est une grâce et ne relève pas totalement d’une « connaissance objective ».


Ce qui ne veut pas dire non plus qu’elle échappe à toute « connaissance objective ». Simplement, selon moi, que la foi dépasse la connaissance objective qui la précède. La connaissance objective comme condition nécessaire, et encore pas toujours, mais absolument pas suffisante.



En revanche, il me semble que la marque d’un esprit rationnel est bien de considérer comme vrai uniquement ce qui relève d’une connaissance objective.

Second point, « on demande à un franc-maçon d’être un homme libre, qui ne connaît aucune soumission à un dogme. »


Là encore, je vais me placer du point de vue d’un chrétien.


Ne demande-t-on pas aussi à un chrétien d’être un homme libre ?


Et exige-t-on d’un chrétien d’être « soumis » aux dogmes ?


Sauf à ne pas comprendre le sens des mots, la soumission me semble contradictoire avec la liberté.

Autrement dit, l’argumentaire employé pour justifier la sanction infligée au père Vesin me semble, pour le moins, un peu faible.

Il y a, peut-être, d’autres raisons plus profondes, pour expliquer cette mise à l’écart. Mais je ne les vois pas clairement exposées ici par le diocèse d’Annecy.

Ouest France – Antoine AGASSE. (AFP)

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