jeudi 6 décembre 2012

Redécouvertes : A travers la numidie antique




La lecture d’une partie des travaux d’un chercheur tunisien, Docteur d’Etat : Monsieur Mohamed Tlili, à propos des « Confins numido-puniques », nous suggère une magnifique « promenade » à travers toute la Tunisie à la recherche de la Numidie.
POINT DE DEPART


Déjà, dans son mémoire de Diplôme d’Etudes Approfondies, Monsieur Tlili proposait une révision complète de l’étendue du territoire de Carthage, en harmonie avec les textes antiques, les trouvailles archéologiques modernes et la géographie. L’observation du terrain confirme que Carthage, puissance commerciale et maritime, n’avait besoin que d’un arrière pays restreint puisqu’elle achetait tout ce dont elle avait besoin. Salluste écrit que la Numidie est voisine de Carthage ! Son territoire, dans sa partie septentrionale, était ce qu’on appelle « la cuvette de Tunis » partant, au Nord, de la pointe de Sidi Ali El Mekki, dessinant un arc de cercle limité par les collines de Chouigui, Tébourba, Medjez El Bab, le Jebel Rihane, le Jebel Mansour au Sud d’El Fahs, les Jebel Fkirine et Zaghouan, enfin l’ensemble des collines du Mornag, du Jebel Ressas et du Bou Kornine.


Cet arc montagneux est coupé par des « portes » : au Nord, celle de Zouamdine / El Alia par laquelle passe l’autoroute vers Bizerte, puis celle d’Aïn Ghelal, celle de Medjez El Bab – la bien nommée : porte du couloir ! – celle de Bou Arada, celle d’El Fahs, celle de Zaghouan et celle de la mer par Hammam-Lif.


Notre point de départ, nous le trouvons tout de suite après Aïn Ghelal, à Mateur / Matera antique. Ce territoire frontalier était peuplé par des liby-phéniciens ou liby-puniques : des autochtones très influencés par la civilisation carthaginoise.


Ensuite, au gré de leurs périodes d’expansion, Carthaginois et Numides ont occupés alternativement ces marches frontières.


Les gens pressés se dirigeront vers Béja / Vaga – le plus grand marché du royaume de Jugurtha – par la belle Nationale P. 11 en prenant soin de ralentir à Sidi Nsir. Là, ils sont dans ce que les historiens appelaient la « poche berbère », à l’époque où ils affirmaient que la frontière carthaginoise, marquée par le fleuve Tusca / l’Oued El Kebir, était à Tabarka. Et ces berbères, là ? Allons voir, à droite, en empruntant la route menant à Joumine, les haouanet méconnus dans la falaise ou à gauche, le village berbère perché de Tahent et ses collines couvertes de tombeaux berbères.


Les flâneurs quitteront Mateur par la route C. 55 qui va leur faire longer l’Oued Tine / le fleuve Tusca, d’après Monsieur Tlili, les faire passer au pied de Thachegga qui cache mal qu’elle s’appelait Thisicca qui était peut-être la Sicca où s’étaient retirés les mercenaires révoltés contre Carthage. Puis, en flânant dans une campagne magnifique, ils dépasseront le bourg Ed’khila et les antennes d’Arabsat, la bourgade de Sidi Abdelbasset et ils arriveront enfin à Tahent au pied de sa Kalaa.


La promenade dans les riches plaines du Béjaoua au printemps quand les champs de céréales et de fourrages sont couverts de fleurs, quand les blés ou les tournesols dorés sont mûrs et, en automne, quand la terre, presque noire, est labourée, est toujours un enchantement.


Il faut s’arrêter à Béja, ne ce serait-ce que pour goûter à ses pâtisseries et son fromage – tant pis pour certain plat d’agneau au romarin au four : « ktèf », on reviendra ! – et visiter la Kasbah, au moins en partie.






CHEZ LES ROIS NUMIDES


Après être reposé à Béja, on peut continuer vers Bulla regia : la royale ! Vous connaissez ! Avez-vous vu un assemblage unique au monde : un dolmen surmontant un hanout : tombeau rupestre, au Nord du site ? Avez-vous regardé sur la colline derrière le site : les très rares alignements de pierres, et la pierre dressée, pour ne pas dire menhir ?


Pour ceux qui sont blasés par Bulla regia, le détour par Thibar, le Jebel Gora, sa nécropole de Kochbatia, le village perché de Jebba, ses sources, sa verdure et ses falaises valent le détour.


Et puis, c’est pratiquement l’heure de déjeuner. On a le choix : le Montazah de Bulla regia, tout proche, est coquet, ombragé et très agréable. Les rôtisseries ou les hôtels-restaurants de Jendouba satisferont tout le monde.


En après-midi, le site de Chemtou mérite une longue visite. Allez rechercher les ex-voto, dédiés à Saturne, taillés dans les rochers de la colline du Temple qu’il faut absolument escalader. Redescendez lentement en constatant qu’elle est constituée de débris !


Montez au sommet de la colline suivante : une énorme colonne est encore couchée sur son « lit d’extraction ». C’est la même, mais entière, que celle qui gît sur la pente près des ex-voto : 1 mètre de diamètre, 7 mètres de long, près de 11 tonnes ! Comment arrivait-elle à Tabarka ? Et à Carthage ? Quel bateau naviguait sur la Medjerda ?


Et puis, on traverse la Medjerda justement. On arrive à Oued Mliz et à Touiref. Là, on choisit. A travers les forêts, à l’Ouest, on rejoint Sakiet Sidi Youssef. Au Centre, par la vallée du Mellèg, on va directement au Kef.


A l’Est, on va d’abord se rafraîchir à la guinguette du barrage de Nebeur, avant de gagner Cirta-Sicca / El Kef : l’antique capitale de la Numidie, une des plus ancienne commune de Tunisie, « ville du trône » : Bled El Koursi, sous la dynastie des Beys husseinites, capitale provisoire des « Alliés » en 1942-43, refuge des combattants algériens durant la guerre d’indépendance. Ses monuments reflètent ses fonctions de place forte, de centre religieux et intellectuel, ainsi que de pôle économique. Ses hôtels et ses restaurants satisferont toutes les demandes. C’est là que « Plancina, d’origine royale, est inhumée » ! C’est donc bien Cirta, capitale des rois numides !


SUR L’AUTRE FRONTIERE


Le lendemain, du haut des remparts de la Kasbah d’El Kef, vous découvrez, tranchant sur l’azur, la lame bleue de la Kalaat Esnam. La veille, vous avez rencontré le Mellèg domestiqué, fournissant de l’électricité et de l’eau d’irrigation. Aujourd’hui, après avoir dépassé Tajerouine et être passé au pied du Jebel Slata, allez jusqu’à la frontière actuelle et antique marquée par le Mellèg : la Muluccha qui séparait les royaumes numide et maure. C’est la Moulouyadu Maroc, écrit l’histoire officielle. « Muluccha » en berbère, sans voyelles devient « MLK » et « MLG » en parler local et c’est « Melegue » ! Le « Melek » : le roi des fleuves qui vient de Tébessa. Et puis, nous vous laissons découvrir la Table de Jugurtha, portant le dernier fortin. Prenez du temps : une centaine d’hectares perchée sur des falaises d’une centaine de mètres de haut. La voilà : la gardienne de la frontière dont la « table » et les « pieds » sont parsemés de vestiges antiques.


On peut aussi, plus tranquillement, repasser par El Kef, s’arrêter un moment à Mustis / El Krib signalé par son arc de triomphe et construite par les vétérans du Consul Marius, vainqueur de Jugurtha, sur une bourgade numide. On s’arrêtera peut-être à Aïn Tounga / Thignica. Sa citadelle byzantine est très connue mais son nymphée dédié à Neptune à 800 mètres du site ou son temple consacré au dieu Dis, bâti sur la colline dominant le site, méritent le détour. Thignica n’a jamais fait partie du territoire de Carthage ! Elle gardait le défilé d’Aïn Jemala qui était redoutable jusqu’au XXème siècle.






Et puis, puisqu’on ne prendra l’autoroute qu’après Testour et Sloughia, un arrêt à Testour pour ses mosquées et ses zaouïas et sa maison de la culture, auparavant destinée à une chanteuse très célèbre, décédée dramatiquement : Habiba M’sika, ou pour admirer la décoration originale du minaret de la mosquée de Sloughia. Si l’on en a le temps, pourquoi ne pas en satisfaire l’envie ?
Par Alix MARTIN

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