"Quand les autorités allemandes ont annoncé que tout s'était bien passé et que les otages étaient vivants, je ne les ai pas crues." Le 6 septembre 1972, Charles Biétry, alors reporter AFP, est le premier à annoncer la mort des athlètes israéliens pris en otage par un commando palestinien.
La veille, à l'aube, huit membres de l'organisation palestinienne Septembre noir font irruption dans un appartement occupé par la délégation israélienne au village olympique. Ils tuent deux athlètes et en prennent neuf en otage, puis se dirigent vers la base militaire de Fürstenfeldbruck, à une trentaine de kilomètres de Munich.
Charles Biétry est sur place pour l'AFP avec son collègue Jacques Colrat. D'emblée, il est sceptique quand les autorités assurent, dans la nuit du 5 au 6 septembre, que les otages sont encore vivants, après des échanges de tir à l'aérodrome. "J'avais vu des explosions, entendu des tirs. Je pouvais difficilement croire la version des autorités allemandes", raconte l'actuel directeur de la chaîne BeINSport.
Les larmes du maire
La police annonce une conférence de presse à Munich. Charles Biétry reste sur place tandis que Jacques Colrat regagne la capitale bavaroise en voiture. Accompagné d'un confrère de la presse écrite, il fait le tour de l'aéroport.
"Je tombe alors sur un homme en costume cravate, qui sortait, le visage ravagé par les larmes", se souvient Charles Biétry. "'On a tout raté, on a tout raté, tous les otages sont morts', dit l'homme en allemand. C'était le maire de Munich, Georg Kronawitter."
"La question était de savoir si je devais le croire ou pas. C'était un monsieur qui avait une très belle allure, costume, cravate, chemise blanche. Je l'ai cru, explique-t-il. C'était un question d'instinct, ça corroborait ce que j'avais vu."
Couple d'amoureux et pièces de monnaie
Privé de moyen de locomotion, en pleine nuit, Charles Biétry doit trouver une solution pour transmettre l'information à l'agence. La chance lui sourit. "J'ai trouvé un couple d'amoureux qui m'a emmené à une cabine téléphonique à 3 ou 4 kilomètres de là et j'ai téléphoné à l'AFP, dit-il. J'avais pensé à prendre des pièces pour téléphoner. C'était le truc le plus fort que j'ai fait dans la journée."
Au même moment, le monde croit encore que les otages ont survécu. "Le plus terrible, c'était d'entendre à la radio de la voiture de mes nouveaux amis les chants de joie qui venaient d'Israël où on fêtait la libération des otages alors que moi, je savais qu'ils étaient morts", se souvient-il, évoquant ses doutes avant de dicter son bulletin.
Prime éphémère
"Si ma nouvelle était fausse, cela signifiait qu'il n'y avait pas de morts et c'était une bonne nouvelle pour tout le monde mais ça voulait aussi dire que ma carrière de journaliste était terminée, explique-t-il.
A Paris, la rédaction en chef a tergiversé pendant cinq minutes, puis le patron des sports de l'époque, Daniel Rocher, les a appelés en disant: 'Ce n'est pas la peine qu'on ait des journalistes sur place si vous ne les croyez pas. Vous devez le croire'".
La nouvelle tombe enfin à 2 heures du matin sur le fil de l'AFP. Une heure plus tard, les autorités allemandes sont contraintes de confirmer la mort des otages.
Pour ce scoop, le journaliste obtient une prime de 500 francs à son retour à Paris. "Je suis allé immédiatement m'acheter une mobylette bleue chez Peugeot. Je l'ai adossée au mur de l'agence. Le temps d'aller chercher mes copains pour la leur montrer, elle avait disparu. On me l'avait volée!"
Les événements des Jeux de Munich en images:
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La rédaction