mardi 25 juin 2013
Tunisie : le chef d’état-major annonce sa démission
Le chef d'état-major interarmes tunisien, le général Rachid Ammar, a abruptement annoncé lundi 24 juin au soir qu'il quittait ses fonctions. "J'ai demandé à bénéficier de mon droit à la retraite, ayant atteint l'âge limite [...]. Je l'ai demandé samedi au président et il a accepté mon départ", a déclaré le gradé de 65 ans, dans une émission de télévision en direct.
Qui connaît bien Rachid Ammar sait très bien qu’il est resté le même, en tant que tel ou dans son statut de Général. Je crois le connaître (au moins depuis 1966) et le tiens pour un ami même si, ces dernières années, nous n’avons pu nous croiser qu’à de rares occasions. 1966 nous avions organisé, un groupe d’amis, des cours d’été bénévoles pour des élèves ; je crois que nous sommes restés sur cet esprit. Il m’en a encore donné confirmation hier sur le plateau de Attounissia TV.
Voilà peu de temps, un ami me demandait : « Le Général Ammar a promis de parler, qu’est-ce qu’il dirait à ton avis ? ». Sans hésiter, je répondis qu’il annoncerait son départ. Pourtant je n’étais pas au parfum de ce qu’il allait annoncer à la TV, ni même qu’il allait apparaître sur un plateau. Car je savais (et ne le saurais-je pas que je l’aurais deviné) qu’il avait mal à sa patrie de par la situation où on l’avait entrainée ; je savais qu’il dérangeait (comme son ministre indépendant de Zbidi, qui ne convenait pas à certains nouveaux dirigeants des gouvernants des élections d’octobre 2011 ; je savais surtout qu’il était un vrai soldat de la République et qu’il ne démissionnerait pas, car nous sommes, une grande partie de notre génération, d’une souche qui ne sait pas le faire tant la discipline et le respect des institutions nous tiennent à cœur (Cela me rappelle la question d’une journaliste française qui me demanda au lendemain de la « révolution » pourquoi je ne démissionnerait pas de la SNIPE et ma réponse qu’elle ne publia évidemment pas : « Je suis un soldat de l’Etat et un soldat n’abandonne pas son poste. Nommé par un arrêté, je partirai par un arrêté ». Ce qui fut fait peu de temps après et ce fut de bonne sagesse pour tout le monde).
Rappelons que la guerre contre le Général Ammar se tramait depuis les premières semaines du gouvernement légitime, du fait même du partage des prérogatives entre les deux têtes de l’exécutif. Puis la première bataille fut « sifflée » en mars 2012 par la bonne grâce, disaient certains, d’une suggestion rentrée d’Irak. L’affaire Baghdadi Mahmoudi n’était en fait qu’un second épisode de la même farce belliqueuse, et ainsi de suite, jusqu’à l’épilogue du spectacle, convenablement mis en scène par des comparses engagés à cet effet.
L’essentiel dans tout cela, c’est que le Général, indépendamment de la manière dont les uns et les autres jugeront son passage à la télévision et dont ils commenteront ses propos, il aura à mon avis réussi à communiquer trois messages importants :
D’abord une information qui rassure parce qu’elle témoigne de la fidélité de notre armée aux principes républicains et aux valeurs patriotiques, sauf si le successeur du Général Ammar en décide autrement.
Ensuite que certains politiciens sont beaucoup plus dans le folklore, dans la rumeur calomnieuse et surtout dans l’ignorance absolue des règles qui régissent une armée du peuple, celle-ci refusant de se mêler de politique politicienne, se souciant uniquement d’assurer la pérennité des institutions et la sécurité du pays et des citoyens. De ce fait, il a montré qu’un vrai militaire reste dans la logique et dans l’éthique du respect, quand le politique choisit de les enjamber.
Finalement, il a souligné la menace qui pèse sur la sécurité nationale, faisant assumer la responsabilité à tout le monde, surtout à la conscience de citoyenneté qui devrait habiter les acteurs politiques et le commun de la population.
Quoi qu’il en soit, l’intervention du Général Ammar à la télévision ouvre un nouveau chapitre dans la communication militaire et les commentaires à ce propos ne vont pas s’arrêter de sitôt. D’aucuns parlent déjà d’un divorce à l’amiable, pour sauver toutes les faces. N’oublions cependant pas que même un divorce à l’amiable se fait au détriment de quelqu’un.
Par Mansour Mhenni
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