mardi 10 juillet 2012

Quand le narcissisme de Moncef Marzougui piètine le label du Prix Nobel

Quand le narcissisme de Moncef Marzougui piètine le label du Prix Nobel:
“Finalement, une Tunisie on aura réussi en moins de trente ans à connaître quatre présidents : deux en six décennies et deux en six trimestres. Les deux premiers sont dotés d’une légitimité constitutionnelle, les deux derniers sont provisoires pour les uns, transitoires pour les autres. Mais quand on a trente ans, on n’a peut-être pas une idée précise sur les anniversaires de nos présidents ; il vaut mieux en avoir au moins le double pour pouvoir en parler. Je me souviens de ces premières festivités célébrant l’anniversaire du Président Habib Bourguiba Bourguiba, « le Combattant suprême », une périphrase qui a été facilement adoptée par l’écrasante majorité des Tunisiens qui avaient accepté de concéder certains caprices au symbole de leur lutte contre le colonialisme. Sans doute n’auraient-ils pas dû le faire ; la Tunisie en serait beaucoup mieux. Mais cette légitimité de Bourguiba (que personne ne peut lui contester aujourd’hui sans s’exposer au ridicule) lui a permis aussi de forcer la modernisation de la société dans ce qui fait son label international et son catalyseur de développement : le Code du Statut Personnel, la démocratie de l’enseignement et de la santé, la planning familial, une plateforme structurelle assez fiable de l’économie tunisienne et une diplomatie exemplaire. Ainsi, l’anniversaire du Leader était souvent vécu et perçu comme une fête, au début de son adoption comme un événement national. Ce que j’en retiens en particulier, ce sont ces soirées musicales publiques et gratuites sur la place du 3 août à Monastir ,ville natale de Bourguiba. J’étais un petit bout d’enfant perché sur le cou de mon père, du début de la nuit jusqu’à l’aube, et je voyais, d’une soirée à l’autre, défiler les plus illustres de la chanson tunisienne : Ali Riahi, Hédi Jouini, Oulaya, Naama, etc.
Puis, il y eut Ben Ali ! Devenu président par un « complot sanitaire », vite légitimé par la masse populaire la plus large, les formations politiques les plus diverses et les personnalités politiques les plus réticentes. Quelques-unes de celles-ci ont juste eu un certain mérite à souligner qu’il ne fallait pas trop tôt crier au prodige et se précipiter de donner un chèque à blanc. Le nouveau président conduisait alors un look d’humilité et de modestie, en tout cas en apparence : ceux qui ont vécu cette période se rappellent la littérature née de la réponse « Vive la Tunisie ! » donnée à la foule lui criant des « Viva Ben Ali ». Ainsi, l’idée de donner une quelconque visibilité médiatique à l’anniversaire du président était occultée jusqu’au moment où un petit encadré a percé dans l’un des journaux, vite suivi par d’autres, et où les les médias audiovisuels se sont sentis en devoir de féliciter son « Excellence » dans leurs journaux d’information, comme par une obligation dont on ne pouvait déterminer distinctement la nature. En 2009, alors que la Presse de Tunisie, de plus en plus considérée en haut lieu comme le journal du président, même pas comme le journal du gouvernement comme il était convenu tacitement (D’où la manifestation agressive des photos présidentielles à la Une du journal), cette année-là, plusieurs journaux consacraient la Une à l’anniversaire du président, en vraies grandes pompes médiatiques. L’année d’après, en 2010, au lieu de corriger ce qui avait été considéré par certains comme une maladresse, le « journal du président » était le seul du pays à oublier de formuler ses vœux de bon anniversaire au Chef de l’Etat. C’était une journée infernale pour l’équipe responsable de la rédaction ! C’était d’autant plus grave que le confrère de langue arabe dans la même boite avait fait convenablement ce qu’il fallait faire et que tous les autres journaux étaient en feu d’artifice de célébration. Des coups de fil venaient de partout, les uns compatissants, les autres chargés de joie maligne. Il fallut donc au premier responsable (toujours le premier et souvent seul à encaisser ou à devoir réparer) de trouver la sortie : l’édito du lendemain précisait en substance : « Oui, hier, c’était l’anniversaire du Président et c’était pour lui un jour de travail. Donc la meilleure manière pour nous de fêter son anniversaire d’en faire autant et de travailler pour le bien de notre pays ».
Tout cela m’est revenu en mémoire alors que je regardais à la télévision la retransmission de la cérémonie de l’anniversaire de notre provisoire président , pour ceux qui tiennent encore à cette rigueur par trop diluée dans l’épisodique et dans les caprices de la présidence), une cérémonie agrémentée par les félicitation du Nobel de Chimie, l’Egyptien Ahmed Hassan Zewail, chaleureusement ovationnée par un public choisi sur mesure, comme au bon vieux temps et couronnée par des salutations chaleureuses, pour le bonheur du narcissisme de Moncef Marzougui ! Cela donnait l’impression d’un déjà vu, mais au point où l’on est, on n’est plus à cela près. J’ai eu le plaisir et l’honneur de rencontrer le Professeur Ahmed Hassan Zewail à Dubaï, lors d’une Forum des Médias Arabes, et l’ai prié d’envisager une visite scientifique en Tunisie. Il a répondu gentiment et sincèrement qu’il en serait heureux. Ce bonheur, je l’ai lu dimanche 8 juillet sur son visage, mais il était quelque peu altéré par une inadéquation évidente entre l’invité et les propos de l’assistance. Il était évident qu’il était là plus pour le Label de l’anniversaire de Moncef Marzougui que pour la profondeur scientifique d’un Nobel.
Le seul espoir restait que son intervention à l’Université Tunis-Manar compensât cette carence. Au fait, Ahmed Hassan Zewail a répondu, à certaines questions sur son apport pour son pays et pour la nation arabe, qu’il ne comptait le faire que par son apport scientifique. Cela m’a rappelé un autre célèbre scientifique de chez nous, pompeusement glorifié par « le régime déchu », qui nous harcèle de son intention de se présenter aux prochaines élections présidentielles. Je ne saurais juger, je demande à réfléchir et à partager la réflexion.”
Mansour Mhenni

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