Trois études révèlent un intérêt dans la prévention de certaines maladies.
Cela apparaît de plus en plus clairement: l'aspirine joue un rôle positif dans la prévention, mais aussi dans l'évolution du cancer. Les trois nouvelles études publiées mercredi dans le "Lancet" et le "Lancet Oncology" viennent renforcer les résultats déjà obtenus par l'équipe du Pr Peter Rothwell (université d'Oxford).
Dès 2007, ses travaux indiquaient une réduction globale par l'aspirine du risque à long terme de décès par cancer. En 2010, il avait démontré cet effet bénéfique d'abord pour le cancer colorectal, puis pour d'autres tumeurs - prostate, estomac, poumons, pancréas... Cette réduction globale de la mortalité par cancer, de 20 à 25% selon les tumeurs, était encore plus élevée (34%) lorsque la durée de la prise quotidienne d'aspirine dépassait cinq ans.
Restait à savoir si le même bénéfice se faisait aussi sentir à plus court terme. C'est ce qu'ont cherché à établir Peter Rothwell et John Radcliffe (hôpital d'Oxford) dans cette nouvelle série de travaux.
Pour cela, ils se sont servis comme auparavant de nombreux essais qui ont évalué l'action de l'aspirine, utilisée à dose quotidienne dans la prévention au long cours des accidents cardio-vasculaires pour son effet antiagrégant plaquettaire et fluidifiant du sang.
Risque réduit sur cinq ans
Dans la première étude publiée mercredi par le "Lancet", l'analyse des dossiers médicaux des 77549
patients inclus dans 51
essais de prévention cardiovasculaire montre que l'aspirine diminue globalement de 15% le risque de décès par cancer chez les patients traités par rapport aux témoins. Ce risque est même réduit de 37% si on tient seulement compte des cinq premières années de traitement.
De plus, dans six essais de prévention primaire des accidents cardiovasculaires par de faibles doses quotidiennes d'aspirine (soit 35
535 participants), la survenue d'un cancer est réduite d'environ un quart durant les trois premières années du traitement, de façon presque identique chez les hommes (23%) et les femmes (25%). Le risque de saignements lié à l'utilisation de l'aspirine a tendance à se réduire avec la durée du traitement.
La deuxième étude porte sur la survenue de métastases au cours de cancers diagnostiqués durant cinq essais randomisés de prévention des accidents cardiovasculaires par de l'aspirine à la dose quotidienne de 75
mg, soit 17
285 personnes. La durée moyenne du suivi a été de 6,5 ans.
Ici, le risque de cancer avec métastases à distance a été réduit de 36% dans le groupe traité par aspirine comparé au groupe témoin sous placebo. Cette réduction est particulièrement forte (46%) pour les adénocarcinomes, les formes les plus courantes des tumeurs solides (côlon, poumons, prostate notamment), plus faible pour les autres formes de cancer. Pour ces adénocarcinomes, le risque est réduit de 31% s'il s'agit d'un diagnostic de tumeur métastatique d'emblée, de 55% lorsqu'il s'agit de métastases apparues secondairement au diagnostic. Cet effet est indépendant de l'âge et du sexe.
La troisième étude, publiée celle-ci par le "Lancet Oncology", s'intéresse aussi à l'effet préventif de l'aspirine sur les métastases, mais cette fois en comparant les résultats des essais randomisés avec ceux des études menées selon d'autres méthodologies. Ce travail confirme la réduction des métastases pour plusieurs cancers étudiés (colorectal, oesophage, estomac, sein...).
Pour le Pr François Chast (Hôtel-Dieu, Paris), "
après avoir reconnu successivement les vertus de l'aspirine en rhumatologie puis en cardiolo
gie
, on se dirige de façon quasiment inéluctable vers la reconnaissance de l'intérêt de l'aspirine dans la prévention des cancers. Les résultats deviennent significatifs à partir de la troisième année à dose élevée, de la cinquième année pour les faibles doses, ce qui est assez rapide, et l'étude confirme la nécessité d'une prise quotidienne
".
Certaines limites
Mais il n'en faut pas moins garder à l'esprit certaines limites de ces études, estime le pharmacologue: "Elles ont été réalisées à partir d'études de prévention cardiovasculaire, donc pas conçues par des cancérologues, avec tous les critères pertinents pour fournir des résultats en cancérologie. Par ailleurs, il ne faut pas négliger le risque d'hémorragie digestive avec l'aspirine, même si on peut le réduire significativement en traitant ces patients pour éradiquer la bactérie Helicobacter pylori de leur estomac, ou en ajoutant au traitement un inhibiteur de la pompe à protons pour limiter le risque d'ulcère.
"
Mais, estime le Pr Chast, "
ces résultats sonnent comme le printemps d'une nouvelle approche en cancérologie. Malheureusement l'aspirine est quasiment un médicament orphelin, qui ne bénéficie pas de l'intérêt, du soutien d'un industriel pour faire avancer sa cause auprès des autorités du médicament. C'est peut-être sa principale faiblesse...
"
Le Figaro
Faut-il, dans de telles conditions, élargir la prescription d'aspirine dans le cadre de la prévention et du traitement du cancer? La question va sans doute être soulevée par les autorités sanitaires, après la publication de ces résultats. A ce jour, une telle pratique n'est pas courante, s'agissant d'un médicament dont les effets secondaires, et notamment le risque hémorragique, sont connus depuis longtemps.
L'aspirine, ou acide acétylsalicylique, est une molécule antalgique, anti-inflammatoire, antiagrégant plaquettaire (elle augmente la fluidité du sang).
L'action anticoagulante de l'aspirine est un atout utilisé en cardiologie pour réduire le risque cardiaque, mais entraîne un risque bien documenté d'hémorragies, notamment digestives. Des recommandations devront préciser les personnes à risques de cancer ou de métastases pour lesquelles le bénéfice de l'aspirine serait supérieur aux risques. Ce travail confirme la réduction des métastases pour plusieurs cancers étudiés.
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La rédaction