L'acteur égyptien Adel Imam en 2006
Les révolutionnaires égyptiens auraient-ils définitivement perdu leur bataille pour la liberté ? Dans l'Egypte post-Moubarak, la liberté d'expression semble en effet plus que jamais mise à mal. L'acteur égyptien Adel Imam, monstre sacré du cinéma arabe, a été condamné jeudi 2 février à trois mois de prison par un tribunal du Caire pour "diffamation envers l'islam".Que lui reprochait donc Asran Mansour, un avocat proche des islamistes, l'auteur des poursuites en justice ? Non pas des propos tenus récemment contre la religion musulmane, mais des rôles joués à l'écran comme à la scène il y a 10 à 20 ans de cela. Aux nombres des œuvres incriminées figurent en effet le film Al-Irhabi ("Le Terroriste") réalisé en 1994 et dans lequel Adel Imam joue le rôle d'un musulman fondamentaliste, et la pièce de théâtre Al-Zaim ("Le leader"), une comédie créée en 1985 dans laquelle il tourne en dérision les leaders autocratiques de la région.
Extraits du film Le Terroriste de Nachaate Abdelatif, avec Adel Imam
Or, ce qui a fait le succès de Adel Imam et la longévité de sa carrière (plus d'une centaine de films et une dizaine de pièces de théâtre) est bel et bien le sarcasme qui s''exprime dans les différents rôles qu'il a incarnés à l'encontre des leaders et des religieux. Pour le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui l'a choisi comme ambassadeur de bonne volonté en 2000, c'est pour ses rôles dans lesquels il incarnait l'injustice subie par les petites gens que "Adel Imam est devenu un symbole pour les gens, promouvant la tolérance et les droits de l'homme dans le monde arabe". [Sa biographie sur le site de l'UNHCR]
Le caractère diffamatoire de ces œuvres n'avait d'ailleurs pas alerté les sbires de la censure d'Etat, qui contrôlent pourtant scrupuleusement toutes les productions culturelles diffusées en Egypte. "Tous les films ou pièces de théâtre dans lesquels j'ai joué ont été soumis à la censure. Si celle-ci les avait jugés diffamatoires, elle les aurait interdits", s'est défendu M. Imam.
L'immeuble Yacoubian, un film de Marwan Hamed, inspiré du roman de Alaa Al-Aswani, avait reçu en 2006 le Grand Prix de l'Institut du monde arabe (IMA).
Les islamistes n'en sont pas à leur première attaque à l'encontre de la star de 71 ans. Celui que l'on désigne souvent comme le Charlie Chaplin du monde arabe a, par le passé, été impliqué dans plusieurs affaires de justice avec les islamistes qui considèrent son travail comme blasphématoire. Lors d'un débat télévisé en 1998, Adel Imam avait ainsi eu une discussion très tendue avec trois islamistes des Frères musulmans, qui dominent aujourd'hui le Parlement égyptien.
Mais, cette fois, la justice égyptienne s'est mise du côté des islamistes, en rendant une sentence pour le moins sévère. Et, qui pourrait mettre à mal la liberté d'expression dans l'Egypte post-Moubarak. Adel Imam n'a toutefois pas dit son dernier mot. "Je vais faire appel de la sentence", a-t-il dit. "Certaines personnes cherchant la gloire m'ont intenté un procès pour certaines de mes prestations qu'elles considèrent comme insultantes pour l'islam, et cela n'est évidemment pas vrai", a ajouté Adel Imam.
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La rédaction