C’est le Professeur Bernard Lugan qui se pose cette question réaliste mais affligeante pour les Tunisiens. L’analyse de cet éminent historien, fin connaisseur de l’Afrique et du monde arabe, indique que le pays est à terre et que l’avenir est incertain. C’est la mort lente de la Tunisie, en attendant la naissance rapide de Tunistan. Situation sociale explosive, désastre économique, insécurité chronique, effervescence islamiste…autant de maux annonciateurs du pire. Bernard Lugan est maître de conférences à l’Université Lyon III et à l’Institut des Hautes Etudes de Défenses Nationale. Auteur d’une trentaine de livre, il a reçu en 1989 le prix Louis Marin de l’Académie Française. Il est aussi le fondateur du magazine L’Afrique réelle.
Passés en quelques mois de la clandestinité au pouvoir, les islamistes du parti Ennahdha sont engagés dans une politique de fuite en avant. Premier parti à l’issue du scrutin à l’assemblée constituante du 23 octobre 2011, mais minoritaire dans l’absolu, Ennahdha qui a obtenu 89 sièges sur 217 fut contraint de constituer une coalition avec deux partis de « centre gauche ».
Aujourd’hui, fragilisés par le naufrage économique et social de la Tunisie, les islamistes veulent faire passer en force leurs principes théocratiques afin d’empêcher tout retour en arrière.
Face à eux, et selon les sondages, deux Tunisiens sur trois considèrent que la situation du pays est mauvaise ou très mauvaise, mais cette masse de mécontents est à la fois inorganisée et divisée ; quant à l’armée, elle n’a pas le même poids historique qu’en Egypte. La seule force d’opposition cohérente est donc l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) qui revendique 500 000 membres et qui est en guerre ouverte contre les « barbus ». Pourra t-elle empêcher que la Tunisie se transforme en « Tunistan » ? Nous le saurons dans quelques heures puisque le puissant syndicat a décrété une grève générale et une mobilisation de grande ampleur pour le 13 décembre; il sera alors possible de mesurer sa représentativité.
Après le départ du président Ben Ali, la « démocratie » n’ayant résolu aucun des maux du pays, l’euphorie fut donc de courte durée : la corruption n’a pas disparu, les 490 000 chômeurs de 2010 sont plus de 900 000 aujourd’hui -quasiment 20% de la population active-, quant au chômage des jeunes, il atteint le chiffre de 42%. Les plus pauvres subissent cet état de fait encore plus que les autres, or, un Tunisien sur cinq vit dans la grande précarité, d’où, comme à Siliana, des affrontements de grande intensité avec les forces de l’ordre. Pour les Tunisiens, le réveil est très douloureux car la dégradation du climat social est doublée d’une immense frustration. Dans la vie de tous les jours tout semble s’être détérioré depuis la prise de contrôle par les islamistes des services fondamentaux de l’Etat : les poubelles ne sont plus ramassées régulièrement, les coupures d’eau, d’électricité et de gaz sont de plus en plus fréquentes. Quant à l’insécurité, elle a explosé.
Le climat social est également empoisonné par les grèves sauvages. Au mois de décembre 2011, considérant qu’il ne lui était plus possible d’assurer une production fiable, l’équipementier japonais Yazaki a définitivement fermé un de ses cinq sites de la région de Gafsa, puis, au mois de février 2012, ce fut le tour d’une usine automobile allemande employant 2700 personnes à Mateur. En 2011, la baisse des IED (Investissements étrangers directs) fut de 30%, or, avant la révolution, ils permettaient de créer annuellement 25% de tous les nouveaux emplois.
Les islamistes qui sont au pouvoir tout en étant minoritaires, ont un objectif politique très clair : faire adopter une constitution ayant la charia pour norme et comme source unique du droit. Un conseil des Oulémas sera seul habilité à dire ce qui lui est conforme ou non, tout ce qui lui serait contraire étant nul. Or, il faut bien voir qu’il s’agit là de la revendication des islamistes dits « modérés ». Il existe en effet un puissant courant fondamentaliste difficile à mesurer mais qui représente environ 10% de la population. Ses membres exigent qu’à l’université il y ait séparation des sexes, les professeurs devant obligatoirement enseigner à des auditoires de même sexe. En cas d’impossibilité, un paravent devra être tendu entre un professeur femme et ses étudiants masculins…Des propositions qui paraissent insensées en Europe sont également débattues en public comme la question du rétablissement de la polygamie ou de la nécessité de l’excision clitoridienne, mutilation d’origine orientale n’ayant pourtant jamais eu cours en Tunisie.
Engagés dans une politique destinée à réduire au silence leurs opposants, les islamistes ont crée des milices de nervis qui font régner la terreur. Mardi 4 décembre 2012, la Ligue de protection de la Révolution, milice dépendant du parti Ennahdha, a ainsi attaqué le siège national de l’UGTT au moment où ses adhérents commémoraient le 60° anniversaire de l’assassinat de leur leader charismatique, Farhat Hached. Cette action faisant suite à plusieurs autres, l’UGTT a décidé une grève générale pour toute la journée du 13 décembre. Depuis l’indépendance de la Tunisie, l’UGTT n’a appelé qu’à deux autres occasions à la grève générale, la première fois le 26 janvier 1978 et la seconde fois le 12 janvier 2011, à 48 heures de la chute du régime Ben Ali.
Les grévistes ont été prévenus par les islamistes, Sadok Chourou, député du parti Ennahdha ayant déclaré: « (qu’ils) soient punis de mort, par crucifixion, démembrement ou bannissement, car ils sont les ennemis de Dieu et de son Prophète». De son côté, Hocine Abassi, secrétaire général de l’UGTT a précisé : « la porte des affrontements est ouverte, c’est eux (les islamistes) qui l’ont voulu ».
http://www.tunisie-secret.com
Bernard Lugan
Nous savons maintenant comment s’est terminée ce bras de fer entre l’UGTT et Ennahda : par un deal entre Rached Ghannouchi et Houcine Abassi ! C’est la mort lente de la Tunisie, en attendant la naissance rapide de Tunistan.
Tunisie Secret
Aujourd’hui, fragilisés par le naufrage économique et social de la Tunisie, les islamistes veulent faire passer en force leurs principes théocratiques afin d’empêcher tout retour en arrière.
Face à eux, et selon les sondages, deux Tunisiens sur trois considèrent que la situation du pays est mauvaise ou très mauvaise, mais cette masse de mécontents est à la fois inorganisée et divisée ; quant à l’armée, elle n’a pas le même poids historique qu’en Egypte. La seule force d’opposition cohérente est donc l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) qui revendique 500 000 membres et qui est en guerre ouverte contre les « barbus ». Pourra t-elle empêcher que la Tunisie se transforme en « Tunistan » ? Nous le saurons dans quelques heures puisque le puissant syndicat a décrété une grève générale et une mobilisation de grande ampleur pour le 13 décembre; il sera alors possible de mesurer sa représentativité.
Après le départ du président Ben Ali, la « démocratie » n’ayant résolu aucun des maux du pays, l’euphorie fut donc de courte durée : la corruption n’a pas disparu, les 490 000 chômeurs de 2010 sont plus de 900 000 aujourd’hui -quasiment 20% de la population active-, quant au chômage des jeunes, il atteint le chiffre de 42%. Les plus pauvres subissent cet état de fait encore plus que les autres, or, un Tunisien sur cinq vit dans la grande précarité, d’où, comme à Siliana, des affrontements de grande intensité avec les forces de l’ordre. Pour les Tunisiens, le réveil est très douloureux car la dégradation du climat social est doublée d’une immense frustration. Dans la vie de tous les jours tout semble s’être détérioré depuis la prise de contrôle par les islamistes des services fondamentaux de l’Etat : les poubelles ne sont plus ramassées régulièrement, les coupures d’eau, d’électricité et de gaz sont de plus en plus fréquentes. Quant à l’insécurité, elle a explosé.
Le climat social est également empoisonné par les grèves sauvages. Au mois de décembre 2011, considérant qu’il ne lui était plus possible d’assurer une production fiable, l’équipementier japonais Yazaki a définitivement fermé un de ses cinq sites de la région de Gafsa, puis, au mois de février 2012, ce fut le tour d’une usine automobile allemande employant 2700 personnes à Mateur. En 2011, la baisse des IED (Investissements étrangers directs) fut de 30%, or, avant la révolution, ils permettaient de créer annuellement 25% de tous les nouveaux emplois.
Les islamistes qui sont au pouvoir tout en étant minoritaires, ont un objectif politique très clair : faire adopter une constitution ayant la charia pour norme et comme source unique du droit. Un conseil des Oulémas sera seul habilité à dire ce qui lui est conforme ou non, tout ce qui lui serait contraire étant nul. Or, il faut bien voir qu’il s’agit là de la revendication des islamistes dits « modérés ». Il existe en effet un puissant courant fondamentaliste difficile à mesurer mais qui représente environ 10% de la population. Ses membres exigent qu’à l’université il y ait séparation des sexes, les professeurs devant obligatoirement enseigner à des auditoires de même sexe. En cas d’impossibilité, un paravent devra être tendu entre un professeur femme et ses étudiants masculins…Des propositions qui paraissent insensées en Europe sont également débattues en public comme la question du rétablissement de la polygamie ou de la nécessité de l’excision clitoridienne, mutilation d’origine orientale n’ayant pourtant jamais eu cours en Tunisie.
Engagés dans une politique destinée à réduire au silence leurs opposants, les islamistes ont crée des milices de nervis qui font régner la terreur. Mardi 4 décembre 2012, la Ligue de protection de la Révolution, milice dépendant du parti Ennahdha, a ainsi attaqué le siège national de l’UGTT au moment où ses adhérents commémoraient le 60° anniversaire de l’assassinat de leur leader charismatique, Farhat Hached. Cette action faisant suite à plusieurs autres, l’UGTT a décidé une grève générale pour toute la journée du 13 décembre. Depuis l’indépendance de la Tunisie, l’UGTT n’a appelé qu’à deux autres occasions à la grève générale, la première fois le 26 janvier 1978 et la seconde fois le 12 janvier 2011, à 48 heures de la chute du régime Ben Ali.
Les grévistes ont été prévenus par les islamistes, Sadok Chourou, député du parti Ennahdha ayant déclaré: « (qu’ils) soient punis de mort, par crucifixion, démembrement ou bannissement, car ils sont les ennemis de Dieu et de son Prophète». De son côté, Hocine Abassi, secrétaire général de l’UGTT a précisé : « la porte des affrontements est ouverte, c’est eux (les islamistes) qui l’ont voulu ».
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Nous savons maintenant comment s’est terminée ce bras de fer entre l’UGTT et Ennahda : par un deal entre Rached Ghannouchi et Houcine Abassi ! C’est la mort lente de la Tunisie, en attendant la naissance rapide de Tunistan.
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