Son père, modeste paysan des environs d'El Hamma dans le sud de la Tunisie, est un homme pieux qui connaît le Coran par cœur ; trois de ses huit enfants deviendront des intellectuels, dont Rached2.
Formation[modifier]
Il suit son instruction primaire à El Hamma avant de se rendre à Gabès pour suivre son instruction secondaire. Son brevet, obtenu dans une école coranique, il monte à Tunis où il poursuit ses études à l'Université Zitouna jusqu'à l'obtention d'un diplôme en théologie, le tatoui3 (arabe : التطويع).
Devenu instituteur à Gafsa, il y enseigne pendant deux ans avant de partir en Égypte, en 1964, pour poursuivre une formation à la faculté d'agriculture de l'Université du Caire, d'autant plus qu'il est alors un admirateur du nassérisme4. Mais il n'y reste pas longtemps et se rend à Damas où il obtient unelicence en philosophie en 19683. Il fait alors sa première rencontre avec des islamistes et commence à élaborer sa propre pensée. Ghannouchi se rend en France dans le but de poursuivre ses études à la Sorbonne. Il commence par des cours gratuits de perfectionnement de la langue française pour les étrangers à l'Alliance française. Là, il débute son activisme parmi les étudiants arabes et musulmans et rejoint la Jamaat Tabligh4. Il est alors actif dans les activités de prédication de l'organisation dans les quartiers peuplés d'immigrés nord-africains.
Activisme[modifier]
Vers la fin des années 1960, Ghannouchi rentre en Tunisie où le président Habib Bourguiba a pris des mesures tendant à la laïcisation de la société. Ghannouchi commence alors à prêcher dans les écoles secondaires, les universités et les mosquées avec un groupe de jeunes dont Abdelfattah Mourou, Habib Mokni et Salah Karker qui vont former la Jamâa Al-Islamiya.
Cette association commence par organiser son congrès constitutif en avril 1972 dans une ferme de Mornag, bourgade située à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Tunis. Une quarantaine de militants prennent part à ce conclave clandestin.
Deux ans plus tard, les intellectuels du groupe commencent à s'exprimer publiquement dans les pages du mensuel Al-Maarifa dont le premier numéro paraît en 19745. Ces derniers forment un groupe islamiste qui sera à la base de la formation, au début des années 1980, du Mouvement de la tendance islamique (MTI) dont Ghannouchi devient président (émir) en 1981. Roland Jacquard fait de Rached Ghannouchi un « inspirateur » d'actes violents commis au nom de l'islamisme qui refuse de se déclarer ouvertement : « Selon la plupart des services de renseignement occidentaux, ces prédicateurs, qui inspirent la conduite de la nébuleuse islamique, mais qui refusent de s'affirmer en tant que chefs, sont aujourd'hui au nombre de six : Omar Abdul Rahmane, Mohamed Hussein Fadlallah, Rachid Ghannouchi,Gulbulddine Hekmatyar, Hassan Al-Tourabi et le mollah Omar »6.
Conflits avec le pouvoir[modifier]
Rached Ghannouchi lors d'un meeting.
Toutefois, le mouvement est rapidement la cible de la répression et Ghannouchi est conduit à plusieurs reprises devant les tribunaux. Condamné à onze ans de prison (trois ans purgés) en 19815, il est à nouveau condamné aux travaux forcés à perpétuité le 27 septembre 19877. Néanmoins, cette condamnation n'est pas considérée comme suffisante par le président Bourguiba qui ordonne un nouveau procès destiné à obtenir la peine de mort5. Il n'a pas lieu en raison de la destitution de Bourguiba et Ghannouchi est gracié par le nouveau président Zine el-Abidine Ben Ali le 14 mai 19888. En remerciement, il lui exprime sa confiance dans une interview publiée le 17 juillet par le journal Assabah9. Par ailleurs, il rejette la violence, promet le fait que les islamistes ne s'infiltreront plus dans l'armée et la policeet reconnaît le Code du statut personnel comme étant « dans l'ensemble [...] un cadre propre à organiser les relations familiales »10. En effet, Salah Karker, l'un des hauts dirigeants d'Ennahda, a reconnu que l'organisation avait commandé un coup d'État pour le 8 novembre 1987 en infiltrant l'armée :
« Les sympathisants du MTI au sein de l'armée préparaient un coup d'État, prévu pour le 8 novembre suivant. Cette décision a été adoptée par le bureau politique du mouvement islamiste [...] Nous n'avions pas d'autre issue [...] le régime nous avait déclaré la guerre11. »
En 1994, Ghannouchi explique cette tentative de coup d'État de la manière suivante :
« Quant à la tentative [de coup d'État] militaire, elle n'était qu'une initiative pour faire face à un régime qui avait déclaré qu'il voulait éradiquer le mouvement [...] Ce plan [de tentative de coup d'État] s'est mis en route en-dehors du mouvement et en l'absence de la plupart de ses institutions, bien que certains éléments de la direction y aient pris part12. »
Face au nouveau contexte politique, il dépose début 1989 une demande pour légaliser le MTI devenu plus tard Ennahda13 mais celle-ci est refusée en juin de la même année14.
Exil[modifier]
C'est alors que Ghannouchi s'exile à Alger, muni d'un passeport diplomatique soudanais, tout en restant à la tête du mouvement15. En 1991, il s'installe à Acton, dans la banlieue ouest de Londres, et obtient le statut de réfugié politique en août 1993. À Tunis, le Tribunal militaire le condamne par contumace, le 28 août 1992, comme d'autres leaders du mouvement à la détention à perpétuité pour complot contre le président16.
À la fin des années 1990, la direction connaît des dissensions opposant Mourou, cofondateur du mouvement et partisan de la normalisation, à Ghannouchi17.
L'entrée de plusieurs pays, dont les États-Unis, l'Égypte et le Liban, lui sont interdites. En mars 1995, il est expulsé du territoire espagnol après avoir participé à Cordoue à une conférence sur le thème Islam face à la modernité[réf. nécessaire].
À partir de 2005, Ghannouchi est de plus en plus ouvertement contesté au sein de son mouvement. Cette contestation met en opposition la ligne du chef d'Ennahdha, qui prône l'opposition frontale au régime de Ben Ali, à la ligne de la « réconciliation nationale » prôné aussi bien par une partie des troupes nahdhaouis que par des figures historiques du mouvement comme Mourou et Doulatli18.
Retour[modifier]
Le 30 janvier 2011, il rejoint pour la première fois son pays d'origine après la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali. Il déclare ne pas être candidat à la présidentielle, ni à aucun autre poste de responsabilité politique, la priorité étant la reconstruction d'Ennahda. Il reste flou quant à ses intentions aux élections législatives19.
Après l'élection de l'assemblée constituante, le 23 octobre 2011, il déclare que s'il ne lui reste plus rien à faire en Tunisie, le monde musulman est vaste et qu'il pourrait y jouer un rôle en tant que vice-président de l'organisation mondiale des savants musulmans20.
Rached Ghannouchi en visite en Libye, en décembre 2011.
Cependant, après la victoire d'Ennahda aux élections, Rached Ghannouchi multiplie les visites dans les pays voisins (Algérie21 et Libye22) et au Qatar23 — où il est à chaque fois reçu par les plus hauts responsables de ces pays — ainsi qu'aux États-Unis24. Il prend aussi une position claire en faveur du Conseil national syrien25.
Au terme du congrès du parti, tenu du 12 au 16 juillet 2012, Ghannouchi est confirmé comme président du nouveau bureau exécutif. Il obtient à Londres, avec le président de la République Moncef Marzouki, le prix Chatham House 2012 décerné par le Royal Institute of International Affairs.
Vie privée[modifier]
Rached Ghannouchi est marié et père de quatre filles et deux garçons, Bara26 et Mouadh (arabe : معاذ). Parmi ses filles on distingue Yusra, docteur enastrophysique et porte-parole d'Ennahda à l'international et qui intervient régulièrement sur la chaîne anglaise Channel 4 et Intissar, diplômée en droit de Cambridgeet de la London School of Economics27 exerçant le métier d'avocate spécialisée dans la défense des droits de l'homme28.
Soumaya, diplômée de philosophie et chercheuse à la School of Oriental and African Studies de Londres, qui signe régulièrement des articles dans le quotidien The Guardian dès 2006 ; elle est mariée avec Rafik Abdessalem29,30, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jebali. Son fils Mouadh est économiste et accompagne son père à des sommets internationaux comme au Forum de Davos de 2012.
Lire aussi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Nous vous invitons ici à donner votre point de vue, vos informations, vos arguments. Nous refusons les messages haineux, diffamatoires, racistes ou xénophobes, les menaces, incitations à la violence ou autres injures. Merci de garder un ton respectueux et de penser que de nombreuses personnes vous lisent.
La rédaction