mercredi 21 novembre 2012

"Nos ancêtres nous ont appris le langage de l'universalité et nous continuerons à transmettre ce message"

Hatem el Karoui, écrivain francophone tunisien, spécialisé dans le créneau de la fiction historique, en est à sa 5ème œuvre dans cette gamme. Nous avons souhaité l'interroger pour en savoir davantage sur sa dernière création.
1ère question:
La présentation de votre livre à la 4ème de couverture sous entend que vous l'avez écrit, presque dans l'urgence. En quoi était-il urgent de l'écrire maintenant?
Réponse à la 1ère question:
En fait, je ne m'attendais pas d'écrire ce livre aussi rapidement. Je planchais sur d'autres thèmes qui avaient plus d'orientation vers l'essai que vers le roman. Je pensais en particulier à rédiger, et j'avais commencé à le faire, un ouvrage sur la Tunisie des années 1930, avec comme protagonistes des membres de ma propre famille, qui sont mon grand père maternel le Cheikh Mohamed Slah Ben M'rad et sa fille, qui est en même temps ma tante, la militante féministe B'chira Ben M'rad , mais j'avais ensuite commencé à écrire une série d'articles sur Internet à propos du Bey Hammouda Pacha El Husseini, du Cheikh Tjjani Sidi Ibrahim Riahi, du Soufi Sidi Belhassen Chedli, du savant andalou Ibn Asfour , du Cadhi Mohamed Ibn Abdesslem, et sa participation à la succession mouvementée du sultan Hafside Abu Bakr el Hafsi, puis je suis tombé par hasard sur un article relatant la visite de l'émissaire du Sultan Hammouda Pacha aux Etats Unis du temps du Président Jefferson et j'avais fait le rapprochement entre les évènements récents en Tunisie comme l'attaque de l'ambassade américaine et l'incendie du Mausolée de Lella Saida Manoubia qui coïncidait avec la montée inquiétante du mouvement radical islamiste d'obédience salafiste et wahhabite et le conflit qu'avait eu le Monarque Hammouda Pacha dans la régence au début du 19ème siècle avec les Wahhabites et les Saoud, qui avaient essayé de le déstabiliser à cause de ses liens assez étroits avec l'empire ottoman auquel à l'époque les Saoud étaient eux-mêmes opposés…Et cela avait donné l'idée d'une fiction qui collait avec la réalité actuelle.
2ème question:
Par conséquent, les événements que vous décrivez dans votre roman sont réels et authentiques?
Réponse à la 2ème question:
Oui, bien sûr, jusqu'à un certain point, où alors ils sont combinés avec des éléments imaginaires pour donner plus d'entrain au roman. Mais j'ai pour habitude dans mes œuvres à ne jamais travestir l'Histoire avec un grand H. Les éléments imaginaires que j'introduis ne contredisent jamais l'histoire officielle et ne risquent pas de la déformer. Vous savez l'histoire est traditionnellement assez ardue et rébarbative pour le lecteur avec ses dates précises. Avec le roman historique elle devient plus humaine et l'anecdote y prend davantage d'importance tout en rendant les événements "plus comestibles" par celui ou celle qui veut y accéder et les comprendre.
3ème question:
Mais on sent quand même, puisque vus aviez ajourné la réalisation d'autres œuvres, que celle-ci était plus importante pour vous?
Réponse à la 3ème question:
Exactement. Ecoutez: nous avons tous vécu ensemble les deux dernières années de cette révolution tunisienne. Au départ c'était des revendications économiques et sociales , et tout à coup certaines minorités avaient commencé à contester le droit du Tunisien à vivre sa foi comme il l'entendait

On voulait embrigader le peuple, lui faire adopter des attitudes uniformes et on se prétendait être un tuteur qui avait affaire à un peuple de mineurs pour lui expliquer ce qu'était l'Islam véritable! Cela avait tous les attributs de la dictature…On ne s'était pas débarrassé d'une dictature pour plonger la tête baissée dans une autre dictature? Le Tunisien contrairement à ce que certains ignares pensent possède beaucoup de maturité et connait ses intérêts. Il tient aux droits acquis qu'il a grignotés lentement mais sûrement et à conserver son libre arbitre sans avoir besoin de gourous pour lui apprendre la manière de se comporter. Mon roman comme toutes les œuvres littéraires engagées répond à cet objectif: Consolider les repères du Tunisien et lui faire rappeler que deux siècles auparavant ses ancêtres avaient eu à lutter contre l'obscurantisme et s'en étaient débarrassé.
4ème question:
Vous combinez ce volet de votre travail qui s'attache à la recherche de l'identité avec la fenêtre que vous ouvrez sur "le Nouveau Monde" ou l'Amérique. Pourquoi?
Réponse à la 4ème question:
Justement; Il s'agit de comprendre que notre identité est multiple, et qu'avant tout c'est une identité humaine…Les autres qui ne croient pas comme nous ne sont pas nos ennemis. Ils sont certes critiquables dans leur comportement et nous le relevons mais nous devons aussi faire notre autocritique…L'idée sur laquelle nous devrions travailler tous c'est celle de la tolérance et de l'acceptation de la différence de l'autre. Une fois nous nous sommes libérés de l'idée que nous devons faire des autres des copies conformes de notre image, nous pourrions progresser et nous atteler à des réalisations plus importantes. Pourquoi devrions nous nous résigner à l'idée que le monde s'arrête avec l'océan atlantique et qu'il n'existe rien d'autre au-delà? C'est cette idée de rupture avec la curiosité, donc avec le progrès qui avait empêché la pensée des Arabes et des Musulmans d'évoluer. Je montre dans le roman que les Musulmans d'Andalousie ont largement contribué à la découverte du "Nouveau Monde"…Mais ils n'avaient pas osé franchir le Rubicon..Il existe les obstacles géographiques à la découverte de l'autre et de sa manière de vivre et de penser, mais il existe aussi et surtout les obstacles inhibiteurs de la réflexion et de la pensée. En fait la tolérance ne s'apprend pas uniquement envers les autres religions mais aussi et surtout vis-à-vis de la pratique interne à l'intérieur du monde musulman de la religion. C'est ce que nos ancêtres nous ont appris, c'est ce que nous continuerons à apprendre et à faire apprendre… Le langage de l'universalité.
5ème question:
Est-ce que vous aller éditer votre livre en Tunisie et quand va-t-il paraitre?
Réponse à la 5ème question:

Je suis en contact avec quelques éditeurs pour le faire paraitre en France. Il va sortir Inchallah au début de l'année prochaine.



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