Manfred Petrisch présente le destin particulier d’une profession au cœur du Système (expert financier) qui ne l’a pas empêché de rejoindre les rangs du combat antiSystème. Peut-être, qui sait, cette position de départ a-t-elle facilité cette évolution : il ne semble pas illogique de penser que c’est au cœur de la Bête que l’on mesure le mieux, quand on a le regard lucide, l’enjeu de la crise terrible qui déchire notre contre-civilisation.
PressTV.com l’a interviewé, ce 24 septembre 2012*. Petrisch a parfaitement saisi le sens de la bataille en cours, notamment illustré par l’épisode de Innocence of Muslims, comme il l’avait été auparavant par l’affaire Pussy Riot. Il ne s’agit nullement d’une attaque contre telle ou telle religion mais bien d’une bataille contre la spiritualité elle-même, une guerre totale sans aucun doute, et sans pitié, – «the whole war is against spirituality as a whole (toute cette guerre est contre la spiritualité dans son ensemble)», – qui ne se terminera que par une défaite totale de l’un des deux adversaires. Il faudra donc que les choses fassent en sorte que la défaite totale frappe qui doit être frappé.
Press TV: «1,3 milliards de... Musulmans. Et nous avons une nouvelle vague d'attaques contre l'Islam. Ces gens, ces pays occidentaux, ces peuples occidentaux, ceux qui attaquent l'Islam -Qui sont-ils et pourquoi font-ils cela?»
Petritsch: « Eh bien je crois qu'ils cherchent à.... Il faut voir cela dans le contexte global d'une guerre contre la spiritualité. Cela signifie qu'ils n'attaquent pas l'Islam en particulier, ils attaquent la spiritualité dans son ensemble. Le christianisme est attaqué depuis longtemps et il est plus ou moins détruit. Et donc, maintenant qu'ils en ont fini avec le christianisme, ils changent de cible et s'attaquent à l'Islam. Mais il s'agit en fait d'une guerre contre la spiritualité elle-même.
» Vous savez, ces attaques blasphématoires se produisent constamment contre le christianisme mais plus personne dans la société ne s'en émeut parce que ni la société ni les représentants de l'église chrétienne ne leur manifestent d'opposition. Ils ont perdu et maintenant le focus se déplace sur l'Islam pour tenter de détruire aussi leur spiritualité.»
Press TV: « Nous avons vu le film étasunien blasphématoire qui est à l'origine des tensions et des manifestations qui ont secoué la planète. L'ambassadeur étasunien en Libye a été tué; plus de 40 personnes ont été tuées dans le monde pendant ces manifestations. Et en plein milieu de toutes ces tensions et protestations, la France a autorité quelqu'un, un magazine, un rédacteur, à diffuser une autre série de publications blasphématoires, cette fois-ci des caricatures insultant le prophète de l'Islam. Et les autorités françaises n'ont rien fait pour l'en empêcher bien qu'elles soient conscientes du fait que cela pouvait engendrer encore plus de tensions dans le monde -elles ont laissé faire.
» Au même moment, elles ont interdit la publication par un magazine français de photos de nu de la princesse britannique. Alors qu'est-ce que cela veut dire? Que se passe-t-il? Pourquoi cette différence de traitement?»
Petritsch: « Eh bien, c'est un excellent révélateur du deux poids deux mesures que l'Occident pratique dans bien des domaines. Si c'est contre ce qu'ils souhaitent, alors bien sûr, ils l'interdisent, comme les photos de la princesse -et c'est en effet une faute de faire intrusion dans sa vie privée. Mais comment le fait d'insulter un religion entière peut-il être considéré comme moins grave que les sentiments personnels d'une seule personne?
» Voilà que, d'un côté le gouvernement ou le système de la France sanctionne un magazine à cause de photos de nu, et, de l'autre, il autorise la publication de caricatures qui attaquent une religion toute entière. Cela montre comment l'Occident pratique le deux poids deux mesures sur beaucoup de questions. Cela prouve que tout cela est une imposture.»
Press TV: « Pensez-vous que les attaques vont continuer -les attaques contre l'Islam?»
Petritsch: « Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'une guerre contre la spiritualité... Vous voyez, beaucoup de gens croient que le film est la cause de toutes ces manifestations. Mais je pense que ce n'est pas le film, le film n'a été que le déclencheur.
»Un cocktail explosif était déjà prêt à détoner à cause de la politique étrangère des Etats-Unis et de l'Occident tout entier contre les nations islamiques; la guerre qu'ils mènent; le deux poids deux mesures qu'ils pratiquent; les drones tueurs qui assassinent des centaines de civils. Et c'est le film qui a allumé la mèche de ce cocktail explosif qui n'attendait que ça. Par conséquent, je ne crois pas que les gens protestent tout spécialement contre le film, ils protestent contre le comportement tout entier de l'Occident envers les pays islamiques.»
L’analyse de Petrisch rencontre bien évidemment notre conception. Lorsque nous disons et répétons souvent que le Système est par sa nature même déstructurant et dissolvant, qu’il n’a de pire ennemi que le Principe, c’est à une notion de la Tradition, nécessairement spirituelle, que nous nous référons. Cette notion dépasse les religions, ou plutôt les transcende, et c’est elle que les religions, chacune à leur façon, entendent célébrer. (Bien entendu, il n’y a pas que la religion qui puisse permettre une telle célébration.) Il n’est de pire piège que d’accepter l’idée que le Système mène une bataille contre une ou plusieurs religions, car c’est diriger la bataille vers les arguments de l’arsenal moderniste (anticléricalisme, laïcité, etc.), lequel a déjà montré son efficacité dans la mesure où ces arguments sont eux-mêmes complètement propices à la manipulation que le Système leur fait subir. Pour nous, il n’existe qu’une seule certitude terrestre, “laïque” si l’on veut : le Système tel qu’il est devenu et tel que nous l’observons aujourd’hui, et mesurons ses effets concrets, mesurables autant par l’expérience que par la perception et l’intuition, ne produit plus que du mal et ne peut plus produire que du mal ; à cet égard, le Système est arrivé à son point de fusion où il se révèle dans sa totalité, dans le même temps où sa dynamique de surpuissance se transmue en dynamique d’autodestruction exactement à l’image des effets qu’il produit, qui sont, désormais, exclusivement du domaine de la subversion et de la destruction.
Employant d’autres termes, moins “laïques” effectivement, nous dirions, et nous disons en fait que le Système est désormais complètement le Mal incarné, c’est-à-dire le produit du “déchaînement de la Matière”, et sa destination déstructurante s’est découverte comme absolument la nature de sa perversion, avec le Principe, ou “la spiritualité”, comme objectif avéré. Dans cet exposé clair des antagonismes, la religion doit être écartée de toute position centrale, à cause de sa situation présente où l’on retrouve ses ambiguïtés, ses compromissions, ses rapports avec l’histoire, la façon dont elle est manipulée et instrumentée, etc., toutes ces choses qui sont aujourd’hui particulièrement puissantes à cause de la puissance omniprésente du système de la communication. Ce n’est ni condamner ni absoudre la religion, c’est prendre acte d’une situation contingente que l’on peut chaque jour considérer, fixant par conséquent la religion comme n’étant pas l’enjeu central de la guerre en cours, mais plutôt un acteur “de complément”, d’ailleurs soumis à nombre de manipulations. Ce point est évident si l’on suit le discours du Système : sa hargne à désigner une religion comme ennemie (et d’ailleurs l’une ou l’autre, ici l’islam avec Innocence of Muslims, là le christianisme orthodoxe avec Pussy Riot) montre à suffisance qu’il est bien plus à l’aise avec cet ennemi-là qu’avec “la spiritualité”, ou “le Principe”, qui dénonce par antinomie et antithèse sa propre nature de pure matière au sens destructeur et entropique du terme, et, par conséquent, sa fonction d’être le Mal et rien que cela. Il est très important de voir progresser cette observation qu’expose Petrisch, qui prive le Système de son arme principale, sa capacité de subversion par le fait de l’interprétation et de l’assimilation faussaires ; cette observation permettant d’éviter le piège constant du Système qu’on pourrait décrire comme une manœuvre de “déflection” dans ce sens où le sens de l’attaque antiSystème, aussi bien son orientation que sa signification, est modifié par lui, c’est-à-dire changé spatialement et historiquement, et subverti dans son essence, pour pouvoir faire en sorte que l’attaque soit mieux réduite, sinon complètement détruite.
On observe combien les remarques de Petrisch n’ont rien à voir, ni avec celles d’un “croyant”, ni avec celle d’un “religieux”, ce qui montre indirectement qu’il assume complètement la signification de ses remarques. Pour présenter ce qui est, selon notre propre observation, un exemple de ces remarques, on se reportera aux propos du président égyptien Morsi, tels qu’ils sont commentés par nous le 25 septembre 2012. (Nous parlons bien de ses propos seuls et dans cette circonstance, en les ôtant de leur contexte politique interprétatif, de leur contexte de situation, etc., c’est-à-dire de tout ce qui fait la conjoncture mouvante d’une évolution dans un contexte général où le Système et la lutte antiSystème ont tous deux leurs places et varient de position, de puissance et d’efficacité selon les circonstances.) Morsi, qui est un Frère Musulman dont l’origine, la formation, l’évolution, etc., se réfèrent à la religion (musulmane, qu’importe), parle avec un ton et selon des références implicites qui sont “spirituelles” et absolument pas “religieuses”. En effet, Morsi parle, comme nous l’avons entendu, en employant un “ton gaullien” qui implique nécessairement la forme et la puissance de la référence ; on comprend que cette référence est nécessairement du domaine de la spiritualité, sans aucun rapport pour ce cas avec la religion, puisqu’il s’agit de la référence à des principes (souveraineté, légitimité, etc.), renvoyant eux-mêmes à la forme structurante du Principe de la Tradition qui est effectivement la situation spirituelle que le Système producteur de dissolution et d’entropisation cherche tout aussi nécessairement à détruire. «Le Morsi qui a parlé avec une fermeté remarquable a employé, du point de vue égyptien et du point de vue arabe, un ton “gaullien” dans la mesure où le général de Gaulle s’est toujours affirmé le défenseur des principes de la souveraineté, de l’indépendance et de la légitimité…», écrivions-nous. Nous ajouterions que, si de Gaulle défendait cela au travers de sa défense de la France et de ses conceptions de catholique, il le fit fondamentalement et d’une façon intelligible, par la durée et la forme de son action, hors de toute référence nécessaire à la France et, surtout, au catholicisme ; d’ailleurs, ses propres références à sa religion (catholicisme), pourtant très intense chez lui, ont toujours été extrêmement discrètes sinon absentes, alors que ses références principielles sont constantes.
Pour poursuivre le cas Morsi tel que nous le citons en le transcrivant dans la réalité, ou dans l'actualité immédiate, on trouve la même idée que nous exprimons lorsque M K Bhadrakumar fait ces remarques, dans un article du 25 septembre 2012 sur Atimes.com**. Il y apprécie comme fondamentales pour tout l’arrangement stratégique de la région l’arrivée de Morsi et son orientation résolument affirmée (les références de M K Bhadrakumar vont essentiellement à l’interview de Morsi par le New York Times) :
« En conclusion, les remarques amicales de Morsi sur l'Iran indiquent qu'un réalignement régional stratégique, que pratiquement aucun expert occidental (ou turc) n'aurait pu prévoir, est en train de se produire à une échelle historique sous l'air rance des schismes sectaires. Et ce n'est qu'une question de temps avant que les relations entre l'Egypte et l'Iran ne se rétablissent complètement, mettant fin à 30 ans de rupture.
» Le plus grand bénéficiaire de ce changement de paradigme au Moyen-Orient sera l'Iran. On peut déjà dire qu'une attaque israélienne contre l'Iran n'aura pas lieu, quoiqu'en dise Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien qui se bat contre les moulins à vent. Dans l'atmosphère surchauffée actuelle, le Moyen-Orient musulman s'enflammerait avec une violence incontrôlable si les Israéliens (ou les Etasuniens) attaquaient l'Iran.»
…L’on voit bien ce qu’il en est : ce qui devait séparer à l’avantage du Système l’Égypte et l’Iran, selon les “experts” du bloc BAO, ou experts-Système, c’était le schisme sectaire, ou supposé antagonisme chiite-sunnite, c’est-à-dire une affaire à référence essentiellement religieuse. Cela se retrouve également dans le désaccord des deux pays sur la Syrie. Mais tout cela ne pèse guère face à la rencontre de deux pays qui sont des puissances à grande tradition historique, qui doivent appuyer naturellement leur politique, leurs exigences, etc., sur la référence principielle, – sur les principes de souveraineté, d’indépendance et de légitimité. Dans ce cas, effectivement, l’interprétation, hors de la référence religieuse qui est manipulée par le Système pour accentuer sa pression dissolvante, renvoie à cette “spiritualité” du Principe qui gouverne les choix exposés dans cette nouvelle situation. La référence principielle gouverne tout et permet aux situations politiques et aux équilibres stratégiques de prendre leur place naturelle… Comme l’observe justement M K Bhadrakumar, cette évolution met évidemment en lumière la grotesque infamie que constituerait une attaque contre l’Iran et rend celle-ci désormais infiniment périlleuse pour le Système, voire même comme l’acte d’autodestruction ultime.
Note:
* http://www.presstv.com/detail/2012/09/25/263412/muslims-protesting-wests-war-on-islam/
** http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/NI25Ak02.html
Pour consulter l'original: http://www.dedefensa.org/article-le_syst_me_en_guerre_contre_la_spiritualit__26_09_2012.html
Traduction des parties en Anglais: Dominique Muselet
PressTV.com l’a interviewé, ce 24 septembre 2012*. Petrisch a parfaitement saisi le sens de la bataille en cours, notamment illustré par l’épisode de Innocence of Muslims, comme il l’avait été auparavant par l’affaire Pussy Riot. Il ne s’agit nullement d’une attaque contre telle ou telle religion mais bien d’une bataille contre la spiritualité elle-même, une guerre totale sans aucun doute, et sans pitié, – «the whole war is against spirituality as a whole (toute cette guerre est contre la spiritualité dans son ensemble)», – qui ne se terminera que par une défaite totale de l’un des deux adversaires. Il faudra donc que les choses fassent en sorte que la défaite totale frappe qui doit être frappé.
Press TV: «1,3 milliards de... Musulmans. Et nous avons une nouvelle vague d'attaques contre l'Islam. Ces gens, ces pays occidentaux, ces peuples occidentaux, ceux qui attaquent l'Islam -Qui sont-ils et pourquoi font-ils cela?»
Petritsch: « Eh bien je crois qu'ils cherchent à.... Il faut voir cela dans le contexte global d'une guerre contre la spiritualité. Cela signifie qu'ils n'attaquent pas l'Islam en particulier, ils attaquent la spiritualité dans son ensemble. Le christianisme est attaqué depuis longtemps et il est plus ou moins détruit. Et donc, maintenant qu'ils en ont fini avec le christianisme, ils changent de cible et s'attaquent à l'Islam. Mais il s'agit en fait d'une guerre contre la spiritualité elle-même.
» Vous savez, ces attaques blasphématoires se produisent constamment contre le christianisme mais plus personne dans la société ne s'en émeut parce que ni la société ni les représentants de l'église chrétienne ne leur manifestent d'opposition. Ils ont perdu et maintenant le focus se déplace sur l'Islam pour tenter de détruire aussi leur spiritualité.»
Press TV: « Nous avons vu le film étasunien blasphématoire qui est à l'origine des tensions et des manifestations qui ont secoué la planète. L'ambassadeur étasunien en Libye a été tué; plus de 40 personnes ont été tuées dans le monde pendant ces manifestations. Et en plein milieu de toutes ces tensions et protestations, la France a autorité quelqu'un, un magazine, un rédacteur, à diffuser une autre série de publications blasphématoires, cette fois-ci des caricatures insultant le prophète de l'Islam. Et les autorités françaises n'ont rien fait pour l'en empêcher bien qu'elles soient conscientes du fait que cela pouvait engendrer encore plus de tensions dans le monde -elles ont laissé faire.
» Au même moment, elles ont interdit la publication par un magazine français de photos de nu de la princesse britannique. Alors qu'est-ce que cela veut dire? Que se passe-t-il? Pourquoi cette différence de traitement?»
Petritsch: « Eh bien, c'est un excellent révélateur du deux poids deux mesures que l'Occident pratique dans bien des domaines. Si c'est contre ce qu'ils souhaitent, alors bien sûr, ils l'interdisent, comme les photos de la princesse -et c'est en effet une faute de faire intrusion dans sa vie privée. Mais comment le fait d'insulter un religion entière peut-il être considéré comme moins grave que les sentiments personnels d'une seule personne?
» Voilà que, d'un côté le gouvernement ou le système de la France sanctionne un magazine à cause de photos de nu, et, de l'autre, il autorise la publication de caricatures qui attaquent une religion toute entière. Cela montre comment l'Occident pratique le deux poids deux mesures sur beaucoup de questions. Cela prouve que tout cela est une imposture.»
Press TV: « Pensez-vous que les attaques vont continuer -les attaques contre l'Islam?»
Petritsch: « Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'une guerre contre la spiritualité... Vous voyez, beaucoup de gens croient que le film est la cause de toutes ces manifestations. Mais je pense que ce n'est pas le film, le film n'a été que le déclencheur.
»Un cocktail explosif était déjà prêt à détoner à cause de la politique étrangère des Etats-Unis et de l'Occident tout entier contre les nations islamiques; la guerre qu'ils mènent; le deux poids deux mesures qu'ils pratiquent; les drones tueurs qui assassinent des centaines de civils. Et c'est le film qui a allumé la mèche de ce cocktail explosif qui n'attendait que ça. Par conséquent, je ne crois pas que les gens protestent tout spécialement contre le film, ils protestent contre le comportement tout entier de l'Occident envers les pays islamiques.»
L’analyse de Petrisch rencontre bien évidemment notre conception. Lorsque nous disons et répétons souvent que le Système est par sa nature même déstructurant et dissolvant, qu’il n’a de pire ennemi que le Principe, c’est à une notion de la Tradition, nécessairement spirituelle, que nous nous référons. Cette notion dépasse les religions, ou plutôt les transcende, et c’est elle que les religions, chacune à leur façon, entendent célébrer. (Bien entendu, il n’y a pas que la religion qui puisse permettre une telle célébration.) Il n’est de pire piège que d’accepter l’idée que le Système mène une bataille contre une ou plusieurs religions, car c’est diriger la bataille vers les arguments de l’arsenal moderniste (anticléricalisme, laïcité, etc.), lequel a déjà montré son efficacité dans la mesure où ces arguments sont eux-mêmes complètement propices à la manipulation que le Système leur fait subir. Pour nous, il n’existe qu’une seule certitude terrestre, “laïque” si l’on veut : le Système tel qu’il est devenu et tel que nous l’observons aujourd’hui, et mesurons ses effets concrets, mesurables autant par l’expérience que par la perception et l’intuition, ne produit plus que du mal et ne peut plus produire que du mal ; à cet égard, le Système est arrivé à son point de fusion où il se révèle dans sa totalité, dans le même temps où sa dynamique de surpuissance se transmue en dynamique d’autodestruction exactement à l’image des effets qu’il produit, qui sont, désormais, exclusivement du domaine de la subversion et de la destruction.
Employant d’autres termes, moins “laïques” effectivement, nous dirions, et nous disons en fait que le Système est désormais complètement le Mal incarné, c’est-à-dire le produit du “déchaînement de la Matière”, et sa destination déstructurante s’est découverte comme absolument la nature de sa perversion, avec le Principe, ou “la spiritualité”, comme objectif avéré. Dans cet exposé clair des antagonismes, la religion doit être écartée de toute position centrale, à cause de sa situation présente où l’on retrouve ses ambiguïtés, ses compromissions, ses rapports avec l’histoire, la façon dont elle est manipulée et instrumentée, etc., toutes ces choses qui sont aujourd’hui particulièrement puissantes à cause de la puissance omniprésente du système de la communication. Ce n’est ni condamner ni absoudre la religion, c’est prendre acte d’une situation contingente que l’on peut chaque jour considérer, fixant par conséquent la religion comme n’étant pas l’enjeu central de la guerre en cours, mais plutôt un acteur “de complément”, d’ailleurs soumis à nombre de manipulations. Ce point est évident si l’on suit le discours du Système : sa hargne à désigner une religion comme ennemie (et d’ailleurs l’une ou l’autre, ici l’islam avec Innocence of Muslims, là le christianisme orthodoxe avec Pussy Riot) montre à suffisance qu’il est bien plus à l’aise avec cet ennemi-là qu’avec “la spiritualité”, ou “le Principe”, qui dénonce par antinomie et antithèse sa propre nature de pure matière au sens destructeur et entropique du terme, et, par conséquent, sa fonction d’être le Mal et rien que cela. Il est très important de voir progresser cette observation qu’expose Petrisch, qui prive le Système de son arme principale, sa capacité de subversion par le fait de l’interprétation et de l’assimilation faussaires ; cette observation permettant d’éviter le piège constant du Système qu’on pourrait décrire comme une manœuvre de “déflection” dans ce sens où le sens de l’attaque antiSystème, aussi bien son orientation que sa signification, est modifié par lui, c’est-à-dire changé spatialement et historiquement, et subverti dans son essence, pour pouvoir faire en sorte que l’attaque soit mieux réduite, sinon complètement détruite.
On observe combien les remarques de Petrisch n’ont rien à voir, ni avec celles d’un “croyant”, ni avec celle d’un “religieux”, ce qui montre indirectement qu’il assume complètement la signification de ses remarques. Pour présenter ce qui est, selon notre propre observation, un exemple de ces remarques, on se reportera aux propos du président égyptien Morsi, tels qu’ils sont commentés par nous le 25 septembre 2012. (Nous parlons bien de ses propos seuls et dans cette circonstance, en les ôtant de leur contexte politique interprétatif, de leur contexte de situation, etc., c’est-à-dire de tout ce qui fait la conjoncture mouvante d’une évolution dans un contexte général où le Système et la lutte antiSystème ont tous deux leurs places et varient de position, de puissance et d’efficacité selon les circonstances.) Morsi, qui est un Frère Musulman dont l’origine, la formation, l’évolution, etc., se réfèrent à la religion (musulmane, qu’importe), parle avec un ton et selon des références implicites qui sont “spirituelles” et absolument pas “religieuses”. En effet, Morsi parle, comme nous l’avons entendu, en employant un “ton gaullien” qui implique nécessairement la forme et la puissance de la référence ; on comprend que cette référence est nécessairement du domaine de la spiritualité, sans aucun rapport pour ce cas avec la religion, puisqu’il s’agit de la référence à des principes (souveraineté, légitimité, etc.), renvoyant eux-mêmes à la forme structurante du Principe de la Tradition qui est effectivement la situation spirituelle que le Système producteur de dissolution et d’entropisation cherche tout aussi nécessairement à détruire. «Le Morsi qui a parlé avec une fermeté remarquable a employé, du point de vue égyptien et du point de vue arabe, un ton “gaullien” dans la mesure où le général de Gaulle s’est toujours affirmé le défenseur des principes de la souveraineté, de l’indépendance et de la légitimité…», écrivions-nous. Nous ajouterions que, si de Gaulle défendait cela au travers de sa défense de la France et de ses conceptions de catholique, il le fit fondamentalement et d’une façon intelligible, par la durée et la forme de son action, hors de toute référence nécessaire à la France et, surtout, au catholicisme ; d’ailleurs, ses propres références à sa religion (catholicisme), pourtant très intense chez lui, ont toujours été extrêmement discrètes sinon absentes, alors que ses références principielles sont constantes.
Pour poursuivre le cas Morsi tel que nous le citons en le transcrivant dans la réalité, ou dans l'actualité immédiate, on trouve la même idée que nous exprimons lorsque M K Bhadrakumar fait ces remarques, dans un article du 25 septembre 2012 sur Atimes.com**. Il y apprécie comme fondamentales pour tout l’arrangement stratégique de la région l’arrivée de Morsi et son orientation résolument affirmée (les références de M K Bhadrakumar vont essentiellement à l’interview de Morsi par le New York Times) :
« En conclusion, les remarques amicales de Morsi sur l'Iran indiquent qu'un réalignement régional stratégique, que pratiquement aucun expert occidental (ou turc) n'aurait pu prévoir, est en train de se produire à une échelle historique sous l'air rance des schismes sectaires. Et ce n'est qu'une question de temps avant que les relations entre l'Egypte et l'Iran ne se rétablissent complètement, mettant fin à 30 ans de rupture.
» Le plus grand bénéficiaire de ce changement de paradigme au Moyen-Orient sera l'Iran. On peut déjà dire qu'une attaque israélienne contre l'Iran n'aura pas lieu, quoiqu'en dise Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien qui se bat contre les moulins à vent. Dans l'atmosphère surchauffée actuelle, le Moyen-Orient musulman s'enflammerait avec une violence incontrôlable si les Israéliens (ou les Etasuniens) attaquaient l'Iran.»
…L’on voit bien ce qu’il en est : ce qui devait séparer à l’avantage du Système l’Égypte et l’Iran, selon les “experts” du bloc BAO, ou experts-Système, c’était le schisme sectaire, ou supposé antagonisme chiite-sunnite, c’est-à-dire une affaire à référence essentiellement religieuse. Cela se retrouve également dans le désaccord des deux pays sur la Syrie. Mais tout cela ne pèse guère face à la rencontre de deux pays qui sont des puissances à grande tradition historique, qui doivent appuyer naturellement leur politique, leurs exigences, etc., sur la référence principielle, – sur les principes de souveraineté, d’indépendance et de légitimité. Dans ce cas, effectivement, l’interprétation, hors de la référence religieuse qui est manipulée par le Système pour accentuer sa pression dissolvante, renvoie à cette “spiritualité” du Principe qui gouverne les choix exposés dans cette nouvelle situation. La référence principielle gouverne tout et permet aux situations politiques et aux équilibres stratégiques de prendre leur place naturelle… Comme l’observe justement M K Bhadrakumar, cette évolution met évidemment en lumière la grotesque infamie que constituerait une attaque contre l’Iran et rend celle-ci désormais infiniment périlleuse pour le Système, voire même comme l’acte d’autodestruction ultime.
Note:
* http://www.presstv.com/detail/2012/09/25/263412/muslims-protesting-wests-war-on-islam/
** http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/NI25Ak02.html
Pour consulter l'original: http://www.dedefensa.org/article-le_syst_me_en_guerre_contre_la_spiritualit__26_09_2012.html
Traduction des parties en Anglais: Dominique Muselet
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La rédaction