mardi 18 septembre 2012

Cinéma:Ce que le jour doit à la nuit d'Alexandre Arcady avec Nora Arnezeder, Anne Parillaud.



Algérie, années 1930. Younès a 9 ans lorsqu'il est confié à son oncle pharmacien à Oran. Rebaptisé Jonas, il grandit parmi les jeunes de Rio Salado dont il devient l'ami. Dans la bande, il y a Emilie, la fille dont tous sont amoureux. Entre Jonas et elle naîtra une grande histoire d'amour, qui sera bientôt troublée par les conflits qui agitent le pays.

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1°)AVIS
Ce pays qui est le sien.
Alexandre Arcady n’a jamais pu quitter l’Algérie, celle du temps jadis que l’on appelait l’Algérie française et que les fonctionnaires avaient découpé en départements. Alors que le réalisateur du "Coup de Sirocco" et du "Grand Pardon" vogue vers les eaux calmes de la vieillesse, il profite de l’adaptation du roman éponyme de Yasmina Khadra pour revenir encore une fois sur sa terre natale par pellicules interposées. Et comme la vraie reste inaccessible, les nouveaux maîtres du pays n’ont ni l’envie, ni la grandeur de signer la paix des braves, il la réinvente près de trois heures durant.
La moindre voiture, le plus petit élément du décor se doit de faire rejaillir sur l’écran tout un monde oublié, aussi enfoui dans les sables qu’un Pompéi. Se greffe sur cet arrière-plan, une tragédie des plus classiques, un amour impossible entre deux êtres que le destin cherche à séparer. Cela peut paraitre bien naïf aux cyniques, pas assez militant aux adversaires irréconciliables, partisans du FLN ou nostalgiques de l’OAS, toujours est-il que le vrai mérite de l’œuvre est d’offrir un spectacle grandiose de sang, de larmes et de rire, une fresque comme nous en offrait naguère la machine à rêves hollywoodienne.
L’angle de tir des critiques les plus virulentes n’est pas difficile à deviner ; qu’elles avancent à terrain découvert ou non d’ailleurs. Certains chroniqueurs ont pris la sinistre habitude de s’attaquer à la forme afin d’éviter une charge frontale du contenu idéologique. Ce n’est pas être grand clerc que de devancer l’argumentation fallacieuse qui consistera à s’attaquer violemment au jeu des comédiens plutôt que de décrypter le point de vue d’un metteur en scène qui depuis son premier long métrage précédemment cité ("Le Coup de Sirocco") jusqu’au "Grand Carnaval" se veut le chantre officiel de toute une communauté. Entendre la voix d’un pied noir parler d’une jeunesse davantage soucieuse de vivre ses premiers émois sentimentaux plutôt que de « casser de l’arabe» à l’heure où le brûlot de Mehdi Boucharef "Hors-la-loi" passe pour certaines élites intellectuelles comme un travail honnête reflétant la réalité historique peut paraitre incongru. N’empêche que "Ce que le jour doit à la nuit" a au moins l’avantage de nous sortir du manichéisme le plus pervers.
Rejeter en bloc le témoignage d’Arcady, c’est aussi faire fi du chemin parcouru par le jeune rapatrié de 1962 depuis l’indépendance. De la quasi absence du musulman dans le "Coup de Sirocco", à l’exception notable de la scène du rachat de la boutique du père, jusqu’au couple mixte Fellag/Consigny, le chemin vers un rapprochement communautaire s’est fait. Même les prémices de l’éveil du nationalisme algérien sont finement évoquées à travers l’amour du personnage du pharmacien joué par l’incontournable Mohamed Fellag envers Messali Hadj, le fondateur du MNA. Dans "Hors-la-loi", les scénaristes, en bon apologistes du FLN, faisaient  des membres de ce parti, à la pointe du combat indépendandiste, un vulgaire ramassis de proxos (belle honnêteté intellectuelle non ?).
Et que dire de l’écho aux dernières paroles du "Grand Carnaval" (« ce pays qu’ils croyaient le leur parce qu’ils l’avaient construit ») quasiment repris à l’identique ici par Vincent Perez mais qui se prolongent par la réponse de l’autochtone. Ce sont ces détails qui confèrent de la majesté à l’œuvre, nous aimerions qu’aux sanglots de l’homme blanc, pour paraphraser Pascal Bruckner, réponde une auto critique du «libéré», l’aveu que dans son patrimoine certaines pierres des fondations proviennent de l’autre rive de la Méditerranée.
Et si l’on ne devait garder qu’une seule trace de ce film, que ce soit celle de la performance de Tayed Belmihoud, incarnation sublime du paysan déraciné, qui loin de sa terre volée par le cacique inique s’étiole dans la rage et la colère, qui brûle dans l’alcool cette douleuréternelle. Tayed Belmihoud, ex joueur de football professionnel, écrivain et à l’aube d’une grande carrière de comédien aura livré tout son talent dans ce film.
N’est-ce pas suffisant pour en faire un moment important ?
Régis Dulas

2°)AVIS
Alexandre revient à ses amours : l'Algérie, la famille, l'amour du cinéma américain, qu'il cultive depuis ses débuts cinématographiques : "Le Grand Pardon" (1982), "Le grand carnaval" (1983), "Pour Sacha" (1991) ou encore "Là-bas mon pays" (1999), pour ne citer qu'une partie d'entre eux. En adaptant le roman éponyme de Yasmina Kadra (Ce que le jour doit à la nuit), il rêvait sans doute de réaliser un "Autant en emporte le vent" à la sauce franco-algérienne.
L'histoire pouvait se prêter à la réalisation de ce rêve : Dans l'Algérie des années 1930, Younes a 9 ans lorsqu'il est confié à son oncle pharmacien à Oran. Là il devient Jonas, il grandit parmi les jeunes de Rio Salado, se constituant au fil des années un groupe d'amis. Au sein de cette bande, il y a Emilie, la fille dont tous sont amoureux. Entre Jonas et elle naîtra une grande histoire d'amour, qui sera bientôt perturbée en raison des évènements qui vont agiter le pays.
L'histoire est servie par des acteurs attachants (Fellag en pharmacien, Anne Consigny son épouse, Vincent Perez en viticulteur,...) Certes, de nombreux éléments sont bien présents dans son film : une histoire d'amour impossible, les grands espaces, la guerre, etc. Le directeur de la photographie a su magnifier la beauté des paysages. Mais il manque au film d'Arcady l'ampleur, le souffle, que savent lui injecter les américains. Le sujet pouvait donner naissance à une oeuvre ample, dense, forte, à l'instar de "1900", film réalisé en 1976 par Bernardo Bertolucci, qui a su peindre la fresque que nécessitait le sujet de son film, évoquant en 5heures et 20 minutes l'histoire de deux hommes tout au long de la première du XXème siècle en Italie, transformant leur devenir en véritable épopée, bouleversée par les soubresauts de l'histoire.
Dans le film d'Arcady, bien que l'on développe les situations sur près de 70 années, et bien que le film dure 2 heures et 40 minutes, on reste à la surface des choses, tout en cultivant une nostalgie doublée d'un sentimentalisme à chaque seconde de ce film.
Christian Szafraniak

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