vendredi 27 juillet 2012

Choisis ta France, camarade !

Choisis ta France, camarade !:
François Hollande a prononcé son discours sur la Shoah et, à l’instar de quelque enthousiaste journaliste, il semblerait inconvenant de ne pas se congratuler devant sa simple répétition du propos de Chirac. Il place ses pas « dans les pas de Chirac« , complices pour faire de la présidence Sarkozy rien de plus qu’une parenthèse. Incidemment, la première initiative historique de Nicolas Sarkozy fut de mettre en valeur la jeunesse idéaliste et résistante, et il fut conspué pour cela. Pour leur premier message, Jacques Chirac comme François Hollande choisissent de pointer « les fautes de la France » et ils recueillent des louanges unanimes. Ainsi va la France en cette époque.

François Hollande réitère donc l’erreur de son prédécesseur. Mais qui sera surpris que le socialiste et le rad-soc, aussi inconsistants et démagogues l’un que l’autre, adoptent la même analyse ?

« Ces bonnes consciences que l’on polit sur l’infamie des autres me font horreur » écrivait Hélie de Saint-Marc qui, avant d’être putschiste, fut un jeune résistant de 19 ans déporté à Buchenwald. François Hollande, après Jacques Chirac, donne cette désagréable impression de fournir d’autant plus de gages qu’ils sont d’une génération qui n’a combattu ni Pétain ni le nazisme. Leurs galons dans les livres d’Histoire, ils les obtiennent par la dénonciation des autres. Pour marquer leur monde, c’est à la France, rien moins qu’à la France, qu’ils ont la lâcheté d’imputer les crimes de Vichy. Et pour y mettre sa patte, François Hollande a appliqué la louche qu’il fallait : c’est « le crime commis en France par la France » qu’il dénonce.

Oh oui, comme leur image se trouve bien polie ! On les ferait résistants voire même Justes d’exception.

Mais pour cela, quels que soient les rappels de leurs discours, il leur a fallu fouler au pied la mémoire de ces hommes et ces femmes qui ont couru les plus grands risques, enduré le pire pour que, justement, la France, ce ne soit pas Vichy. Oublier les marins de l’Ile de Sein. Oublier Jacques Baumel. Oublier Jean Moulin. Oublier Pierre Brossolette, torturé pendant deux jours et demi, et qui se jeta dans le vide pour ne pas parler. Oublier les étudiants qui manifestèrent le 11 novembre 1940. Oublier tous les anonymes qui ont traversé la France pour rejoindre Londres. Oublier tous ceux qui ont répondu à l’appel d’une « certaine idée de la France ».

Comme l’écrit l’autre, et il l’écrit fort bien :

« Mais si le peuple de France (cette belle expression qu’on emploie uniquement pour le barnum électoral et disparaît aussi vite) n’a pas d’étoiles assez hautes à tenter de décrocher, alors il dépérit. (…) C’est l’intuition fondamentale du gaullisme : la France n’est pas un pays, elle est une idée.« 

Il serait bien vu aujourd’hui de moquer l’évocation romantique d’une « France éternelle ». C’est pourtant parce que certains avaient au cœur cette France-là qu’ils ne se sont pas trompés de camp. Sont-ils morts pour rien ? C’est parce que De Gaulle a eu ce culot déraisonnable de prétendre représenter la France véritable que la France n’est pas ressortie totalement déshonorée de la Seconde Guerre Mondiale. Leur vision de la France était plus amoureuse que juridique ou historique, mais c’est à ces gens-là que l’on doit d’avoir sauvé le peu d’honneur qui pouvait encore l’être.

Le pouvoir de Vichy était-il légitime, juridiquement fondé ? La thèse ne manque pas d’arguments, qu’il s’agisse des modalités de vote des pleins pouvoirs - voir ici, l’article 8 de la loi de 1875 et le compte-rendu intégral des débats de la séance du 10 juillet 1940 - ou de l’instauration d’un régime autoritaire, l’ »Etat Français » supplantant la « République Française », alors que « la loi de 1884 édicte que la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision ». Mais sans même débattre de la légitimité de Vichy, prétendre que Vichy, c’est la France…

Il n’y a bien sûr aucun doute, aucune hésitation à avoir : Vichy, le Vel d’Hiv, c’est une tache, une honte, d’une rare intensité dans l’Histoire de France. Il est probablement important de le répéter à ceux qui, précisément, hésiteraient. Mais non, ce n’est pas cela, la France.

Les discours de Chirac et de Hollande – d’une trame si identique que le discours du second n’est au bout du compte qu’une pâle paraphrase du premier – traduisent d’ailleurs une même confusion dans leur souci si politique de donner à manger à tout le monde.

« Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France, droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n’a jamais été à Vichy. Elle n’est plus, et depuis longtemps, à Paris. Elle est dans les sables libyens et partout où se battent des Français libres. Elle est à Londres, incarnée par le Général de Gaulle. Elle est présente, une et indivisible, dans le coeur de ces Français, ces « Justes parmi les nations » qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l’écrit Serge Klarsfeld, les trois-quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce qu’elle a de meilleur. Les valeurs humanistes, les valeurs de liberté, de justice, de tolérance qui fondent l’identité française et nous obligent pour l’avenir. » (Chirac)

« L’honneur de la France était incarné par le général de Gaulle qui s’était dressé le 18 juin 1940 pour continuer le combat. L’honneur de la France était défendu par la Résistance, cette armée des ombres qui ne se résigna pas à la honte et à la défaite. La France était représentée sur les champs de bataille, avec notre drapeau, par les soldats de la France libre. Elle était servie aussi par des institutions juives, comme l’œuvre de secours aux enfants, qui organisa clandestinement le sauvetage de plus de 5.000 enfants et qui accueillit les orphelins à la Libération. » (Hollande)

Ainsi donc, Vichy c’est la France, et la France est à Londres ?

Le Vel d’Hiv, c’est la France et c’est un crime contre la France ?

C’est un crime contre la France, parce que la France ce n’est pas le Vel d’Hiv, mais le Vel d’Hiv c’est la France ?

La France est, une et indivisible, là et ailleurs ?

Misère… Politiques, lâchez donc les cuisses de l’Histoire !

Lorsqu’une partie de la France prend les armes contre une autre, lorsque des Français en livrent d’autres à l’ennemi, lorsque des soldats français livrent bataille à d’autres soldats français, il est bien hasardeux de placer la France dans un camp ou dans un autre.

Mais si, par impossible, cela devait se reproduire, soyez aimables de ne pas me reprocher ma vision amoureuse de la France. Grâce à elle, peut-être ferai-je le bon choix.

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