mardi 3 avril 2012

Moyen-Orient n° 14

Moyen-Orient n° 14:

Moyen-Orient n° 14,

Avril-Juin 2012

« Allah, Al-Watan, Al-Malik ». En français : « Dieu, la nation, le roi ». Au Maroc, il n’existe rien de plus sacré que ces trois termes ; parfois, ils apparaissent dessinés avec des pierres blanches à flanc de colline. Même le souffle de liberté du « printemps arabe » ne doit pas les remettre en cause. Le royaume alaouite n’a toutefois pas échappé aux manifestations qui exigeaient des réformes politiques et économiques urgentes. Rien à voir cependant avec les « émeutes du pain » des années 1980 qui, sous le règne de fer du roi Hassan II (1961-1999), s’opposaient aux augmentations du coût de la vie. Cette fois, il fallait réformer. Après les chutes de Zine el-Abidine ben Ali et de Hosni Moubarak, Mohammed VI a fait siennes des revendications menaçant le cœur même du Makhzen, l’appareil de décision entourant la monarchie. Critiqué pour son immobilisme depuis son arrivée sur le trône en 1999, le roi du Maroc a décidé de mettre son pays sur les rails de la démocratie : il a accordé plus de pouvoir au Parlement et au gouvernement, a lancé des plans de développement économique… Objectif : conserver l’autorité d’une dynastie qui règne sur le Maroc depuis le XVIIe siècle. Mohammed VI apparaît dès lors comme l’un des grands gagnants de ce « printemps marocain » si particulier, offrant aux yeux du monde l’image d’une monarchie stable face à des républiques arabes sclérosées et totalitaires.

Le royaume alaouite se trouve ainsi à un moment décisif de son histoire politique. Partenaire privilégié des Occidentaux (France et États-Unis en tête), le Maroc ne peut plus reculer. On le voit bien dans la presse marocaine dite « libérale » qui rappelle, par exemple, que la prochaine étape est l’instauration d’une monarchie parlementaire comme en Espagne. Pour le gouvernement de Rabat, dirigé pour la première fois par des islamistes, la priorité est tout autre que de repenser le rôle du roi : s’ils ne parviennent pas à présenter un bilan positif, en matière notamment de lutte contre la corruption et la pauvreté, ils risquent de sombrer dans le discrédit, tout comme les formations des régimes déchus des États voisins. Sommes-nous donc face au réel réveil démocratique de la monarchie alaouite ? Le royaume n’a pas le choix, l’autoritarisme ne constitue une option viable dans aucun pays du Moyen-Orient.

Dans ce contexte, le Maroc fait donc figure d’« exception », terme que l’on retrouve volontiers dans la presse française, mais qui demeure très critiqué en Espagne, où les journaux sont traditionnellement plus sceptiques envers le Makhzen et ses volontés d’ouverture. Lors de l’élaboration de ce numéro, il a d’ailleurs été difficile de trouver le ton juste et de ne pas céder au manichéisme qui semble être à l’œuvre dès lors que l’on parle de la monarchie alaouite. Dessiner, par exemple, une carte du pays comportant la frontière du Sahara occidental peut être interprété comme une offense à l’intouchable Al-Watan. Pourtant, ce n’est pas le fruit d’une opinion, mais bel et bien un fait, reconnu par les Nations unies…
Retrouvez la rédaction de Moyen-Orient le mercredi 9 mai 2012 à 18 h à Paris pour une table ronde consacrée au thème « Les islamistes au Maroc : l’épreuve du pouvoir » et organisée par l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (IREMMO).

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