Mein Kampf est en tête de gondole parmi les livres « recommandés » chez Virgin au Qatar et au Barhein. Dans son essai (*) commenté par Véronique Chemla (1) Antoine Vitkine évoque l’accueil de Mein Kampf dans le monde musulman. Extraits de l'article de Véronique Chemla.
Mein Kampf est un « bréviaire grand public » en Turquie.
« Il faut comprendre ce qui se joue derrière le succès de Mein Kampf dans le monde Arabe, déclarait Antoine Vitkine en avril 2008.
Dans le monde Arabe, c'est ancien, puisque c'est le Grand Mufti Husseini qui dans les années 1930 publie la première traduction d'extraits de Mein Kampf. Il y a deux raisons principales qui expliquent la présence de Mein Kampf dans le monde arabe. D'abord c'est un contre-symbole adressé à l'Occident, c'est le symbole de ce que l'Occident rejette et c'est donc un moyen de rejeter l'Occident.
La deuxième raison c'est que c'est le symbole de l'extermination des Juifs par les nazis, et que de la part d'opinions publiques foncièrement hostiles à Israël, c'est une manière, sans doute provocatrice, de se situer par rapport à Israël.
Mais je dois dire que j'ai été très surpris quand même. Je ne le raconte pas dans le film, mais je suis allé en Turquie cet été, et je me suis rendu compte que ceux qui achetaient Mein Kampf ne le faisaient pas uniquement par provocation. Dans de nombreux cas le livre était vraiment lu, peut-être pas intégralement, mais il était compris, son message était entendu.
Une autre raison qui fait que Mein Kampf a du succès en Turquie, c'est que c'est un symbole ultra-nationaliste : « tout pour sa patrie, sa race ». Le message ultra-nationaliste très agressif qui fait qu'on se définit contre le reste du monde, cela peut séduire. Le monde musulman est aujourd'hui traversé par cette tentation de repli identitaire, et évidemment dans ce contexte là, Mein Kampf et l'idéologie national-socialiste constituent un modèle.
Voilà, cela ne veut pas dire forcément qu'on adhère à tout et qu'on veut exterminer les Juifs, mais le modèle ultra-nationaliste existe toujours… ».
Antoine Vitkine en tire sept conclusions : 1) ne pas « sous-estimer les projets politiques fanatiques et violents ». 2) ne pas voir la réalité contemporaine au travers du prisme des années 1930. 3) l’inaction des autorités politiques ne tient pas à la méconnaissance du livre, mais au manque de volonté. 4) le nazisme a utilisé les failles et faiblesses de la démocratie. 5) ce livre est le « trait d’union entre Auschwitz et l’antisémitisme européen ». 6) Mein Kampf nie la démocratie, les libertés et principes fondamentaux, et 7) mieux vaut le décoder que l’interdire car il « contient en lui son antidote ».
© Jean Patrick Grumberg pour Dreuz.info et sources citées.
* Antoine Vitkine, Mein Kampf, histoire d'un livre. Ed. Flammarion Lettres, coll. EnQête, 2009. 350 pages. 21 euros. ISBN : 978-2081210516
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La rédaction