Hollande sera-t-il décapité comme Louis XVI? |
Nul ne peut le dire, la certitude réside dans l’accumulation en France et en Europe des éléments pour un bouleversement majeur. Par le passé, et depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe et la France ont vécu une période relative de paix et de prospérité. Le traumatisme fut si grand, et l’hécatombe si importante que jusqu’à lors, avec la création de l’Union européenne, cette partie du monde est restée calme, malgré les menaces, malgré les guerres aux quatre coins du monde. Cette paix, cette République ne sont pas immortelles et seule l’idéologie sclérosée de personnages dont l’histoire ne se rappellera pas même le nom persiste à faire croire que le monde restera figé. En France, pourtant, en quelques semaines, depuis l’arrivée au pouvoir du socialiste François Hollande, les éléments d’une future révolution s’accumulent.
Le temps des espoirs de 1981 est bien loin, les espoirs se sont transformés en manipulations politiques, corruption du corps politique, mise à sac des finances, destruction des liens essentiels entre le Peuple et ses élus, laminage des libertés, infiltration et contrôle des médias : tous les indices français sont dans le rouge. Une étude menée par un journal anglo-saxon des meilleurs pays pour naître en 1988, plaçait la France en 2e position… en 2013 elle avait dégringolé à la 26e place. Les indicateurs ne sont pas meilleurs aux niveaux économique, politique, sécuritaire… Pour ce dernier point la Chine vient de classer la France parmi les pays dangereux pour ces ressortissants faisant du tourisme dans ce pays...
Le modèle français politique a également été sévèrement écorné à l’international. En moins de 30 ans, l’influence française a enregistré partout des reculs historiques, et pris part à des opérations ayant détruit sa crédibilité : abandon des minorités ayant combattu pour la France, tardives reconnaissances des pensions militaires des vétérans de l’ancien empire colonial, reculades face à des dictatures installées sur des territoires liés par traité avec la France (Laos et Cambodge), exploitation néocoloniale ou purement coloniale (Nouvelle-Calédonie), accueil et soutien de dictateurs avérés comme Bokassa ou l’Ayatollah Khomeini, affaire du Rainbow Warrior, première intervention en Irak, refus d’imposer son véto au Conseil de Sécurité de l’ONU à la deuxième intervention en Irak, essais nucléaires injustifiés dans le Pacifique, manipulations diverses en Afrique, notamment en Centrafrique, en Côte d’Ivoire, au Mali (et dans bien d’autres), opérations militaires diverses pas toujours justifiées notamment en Afghanistan et en Lybie après avoir courtisé ce dernier pays, aide aux islamistes et mercenaires en Syrie : tous les président de la Ve République ont trempé dans de sales affaires et sapé ses bases diplomatiques.
Depuis quelques temps, depuis la fin du mandat de Giscard d’Estaing, cette dégringolade s’est matérialisée sur le terrain social et sociétal. La crise frappe la France depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et la dette française année après année a atteint des milliers de milliards d’euros. Les administrations sont elles-mêmes sclérosées, le pouvoir inventif des autorités comme drainé vers le néant, aspiré dans les limbes pour ne faire place qu’à des placebos ou des mesures d’urgences, des pansements sur des fractures ouvertes : revenus de survie, emplois subventionnés pour les plus fragiles (jeunes et séniors), lente érosion des épargnes, appauvrissement des familles, pillage des successions et des héritages des Français, destruction des initiatives dans les créations d’entreprises, mise à mort de la recherche innovante etc. la liste est terriblement longue en 2013.
Et pour l’historien que je suis, l’évidence éclate aux yeux : en 1789 nous avions une France croulant sous l’impôt et devant l’austérité demandée, c’est aussi le cas en 2013. En 1789 les Français rejetaient les modèles de sociétés proposés, c’est aussi le cas en 2013. En 1789, les Français se plaignaient des péages et des taxes indirectes à la circulation des biens et des hommes, c’est le cas en 2013. En 1789, une classe politique au pouvoir dans les Parlements refusaient aux ministres les plus courageux les mesures de réformes essentielles pour la continuation du système, c’est aussi le cas en 2013, notamment à cause de la formation de lobbies gouvernementaux comme par l’exemple l’Education nationale. En 1789, la crise économique était aussi bien réelle et accompagnée d’une crise frumentaire, or en 2013, le nombre de personnes quémandant de l’aide, y compris alimentaire a atteint des records.
Désormais le régime en place pour survivre doit user d’artifices dangereux : initier des guerres extérieures comme le firent aussi des rois pour sauver leurs trônes, comme Charles X en 1830 avec la conquête d’Alger. Aujourd’hui nous avons d’autres expéditions du genre, il y eut l’Irak, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, la Lybie, le Mali… entre autre. Et de l’autre, nous observons une radicalisation des politiques, soit au sein des partis, soit dans les propositions sociétales de plus en plus avant-gardistes dans le souci de chercher des soutiens dans les moindres minorités et lobbies pourvu que l’illusion soit faite de progrès. Mais ces réformes de plus en plus audacieuses et de plus en plus inutiles creusent le fossé.
Elles creusent le fossé car elles ne nourrissent pas les hommes, elles n’apportent pas de croissance, elles ne donnent pas d’emplois. Au contraire, elles diluent l’énergie des politiciens à défendre des projets qui nécessitent des prises de position de plus en plus difficiles à défendre. Elles créent des scissions dans l’Etat et dans la société même qu’elles sont censées rénover, rendant irréconciliables les Français. Alors qu’il était question de diviser pour mieux régner il y a 30 ans, en attisant les extrêmes de gauche ou de droite afin d’assurer la domination des partis centristes, aujourd’hui il est question de verrouiller le système par la force si nécessaire. Car désormais la proportion des Français ne se déclarant pas pour ces partis est majoritaire. Elle forme une majorité que les assemblées parlementaires ne représentent plus.
Des millions de Français, du FN, du Front de Gauche, des Verts, des groupes centristes libéraux, des libertaires et des syndicalistes divers ne sont pas représentés dans le Sénat ou dans l’Assemblée nationale. Dès lors nous assistons aussi à la création d’un Tiers Etat sous-représenté face à des élites des partis de pouvoir que sont le PS ou l’UMP (comparable au clergé, le PS, ou à l’aristocratie, l’UMP). Avec une minorité des suffrages, ils dominent par la construction biaisée du système démocratique, cette République, ou du moins l’illusion d’une République. Dès lors, c’est une question de temps. L’élite au pouvoir est face au peuple et contre le peuple. Ce grand mouvement est en marche, déjà. Il aura fallu neuf années pour qu’il arrive à maturité entre 1783 et 1792. A la première démonstration massive de force des Français, tout le système sautera… Pour le meilleur et pour le pire et qu’en sera-t-il de l’Europe ?
Laurent Brayard
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