Le chef kurde emprisonné Abdullah Öcalan a appelé jeudi, à l'occasion du Nouvel an kurde, les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à cesser-le-feu et à se retirer du sol turc, une déclaration qui ravive l'espoir de mettre un terme à un conflit qui déchire la Turquie depuis 29 ans.
"Je le dis devant les millions de personnes qui écoutent mon appel, une nouvelle ère se lève où la politique doit prévaloir, pas les armes", a-t-il ajouté dans un message lu à Diyarbakir (sud-est) devant des centaines de milliers de personnes par un député du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, pro-kurde).
"Nous sommes arrivés à une phase dans laquelle les armes doivent se taire (...) et les éléments armés doivent se retirer en dehors des frontières de la Turquie", a lancé M. Öcalan dans son message.
La déclaration du chef historique du PKK a été acclamée par des centaines de milliers de personnes qui, depuis le lever du jour, s'étaient rassemblées pour l'écouter sur une immense esplanade de Diyarbakir, que les 12 à 15 millions de Kurdes de Turquie considèrent comme leur capitale.
Tout au long de la matinée, cette foule a patienté en agitant des banderoles proclamant "dans la paix comme dans la guerre, nous sommes avec toi, chef" ou en chantant "longue vie à notre chef Apo", le surnom d'Abdullah Öcalan.
"La période de la résistance armée a ouvert une porte à un processus de politique démocratique. Les sacrifices n'ont pas été fait en vain, les Kurdes y ont gagné leur véritable identité", a également indiqué Abdullah Öcalan en faisant référence aux quelques 45.000 morts causées depuis 1984 par le conflit kurde.
"Ce n'est pas la fin, c'est un nouveau départ", a-t-il insisté, "ce n'est pas la fin du combat, c'est le début d'un nouveau combat".
Le ministre turc de l'Intérieur, Muammer Güler, a salué jeudi l'appel au cessez-le-feu lancé par le chef rebelle kurde emprisonné Abdullah Öcalan.
"Le langage utilisé est celui de la paix", a indiqué M. Güler, cité par l'agence de presse Anatolie, ajoutant toutefois qu'il en attendait "les conséquences dans la pratique". "Nous allons évidemment voir ce qui va désormais se produire", a-t-il ajouté.
A quatre reprises déjà depuis le début de sa rébellion en 1984, Abdullah Öcalan a proclamé des cessez-le-feu unilatéraux. Jamais jusque-là ils n'ont permis de déboucher sur une solution à ce conflit qui a fait plus de 45.000 morts.
Cette fois, le gouvernement comme les rebelles semblent déterminés à parvenir à la paix. Avant l'appel de jeudi, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a répété de son côté qu'il était prêt à tout faire pour que les armes se taisent, même à "avaler du poison" ou à tirer un trait sur sa carrière politique.
Le fil de leur dialogue a été renoué à la fin de l'automne dernier, au terme d'une année de combats particulièrement meurtriers et d'une longue grève de la faim de détenus kurdes interrompue sur ordre du chef du PKK.
Depuis, les gestes de bonne volonté se sont enchaînés. Ankara a levé l'isolement imposé à Abdullah Öcalan et déposé au Parlement un "paquet" législatif qui doit permettre la remise en liberté de centaines de Kurdes incarcérés pour leurs liens avec le PKK.
En retour, le mouvement rebelle, considéré comme une organisation terroriste en Turquie et dans de nombreux pays occidentaux, a libéré la semaine dernière huit prisonniers turcs détenus en Irak.
Malgré ce climat favorable, les obstacles sur le chemin d'une paix restent très nombreux.
A commencer par le sort réservé à Abdullah Öcalan. Ankara a écarté toute idée d'amnistie générale mais les Kurdes insistent pour sa remise en liberté ou, à défaut, son assignation à résidence.
Le processus de paix ne fait pas non plus l'unanimité. Une majorité de Turcs rejettent l'idée d'une négociation directe avec Abdullah Öcalan, largement considéré comme un "terroriste" ou un "tueur d'enfants".
Malgré ses dénégations, l'opposition soupçonne aussi M. Erdogan d'arrière-pensées plus politiciennes. En clair, de vouloir accorder des droits aux Kurdes en échange de leur soutien à un projet de Constitution renforçant les pouvoirs du président. Contraint de quitter la tête du gouvernement en 2015, le Premier ministre ne cache pas son intention de briguer la magistrature suprême en 2014.
Signe que l'appel à la paix attendu du chef du PKK suscite des tensions dans ses propres troupes, des affrontements ont opposé jeudi matin les forces de l'ordre et des manifestants kurdes dans la ville de Sirnak, près de la frontière irakienne.
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La rédaction