A contre-courant des jivaros philosophiques
Le pape Benoît XVI est souvent décrié par les médias qui aimeraient que l’Eglise s’aligne complaisamment sur les modes idéologiques des philosophes postmodernes. C’est mal percevoir cet intellectuel allemand de premier ordre qu’est Joseph Ratzinger, grand spécialiste de la Tradition théologique et mystique, et fin connaisseur de la réforme luthérienne. A contre-courant des jivaros philosophiques, il assume avec brio son rôle de guide et d’éveilleur au service des membres de son Eglise universelle, et il défend avec conviction un type de liberté spirituelle utile à tous.
Une foi – quelle qu’elle soit – dès qu’elle se fait irrationnelle, conduit à des exactions
Benoît XVI donne une place prioritaire à la dimension biblique de la foi ; il a démontré dans ses ouvrages de réflexion sur Jésus qu’il maîtrisait parfaitement les options des différentes écoles exégétiques ayant minutieusement analysé l’enracinement hébraïque du Nouveau Testament. Le pape prend en compte la dimension spirituelle de la foi sans occulter le rôle de la raison. Il a développé cet aspect depuis des années dans son magistère, en particulier à la conférence de Ratisbonne et à celle des Bernardins. Selon lui, une foi – quelle qu’elle soit – dès qu’elle se fait irrationnelle ou déraisonnable, conduit à des exactions, dont les illustrations terroristes ne manquent pas dans l’actualité.
Dans ses interventions hebdomadaires, Benoît revient souvent sur cette réalité du lien entre foi et raison, car dit-il, si la théologie est une science de la foi, cela pose question, du fait que l’on présente si souvent la science et la foi comme antagonistes ! La foi cesserait-elle d’être foi lorsqu’elle devient science ? Et la science perdrait-elle sa crédibilité dès qu’elle est au service d’une meilleure expression de la foi ?
Ce dilemme a mobilisé les esprits au Moyen-Age et a suscité des interrogations fécondes et créatives dans le champ de l’intellectualité. Avec le concept moderne de « science », sacralisé au 19ème siècle, l’approche de la théologie connaît d’autres hésitations. Certains auraient tendance à limiter celle-ci à la seule historicité, minimisant dangereusement la véracité de la symbolique et de la mystique omniprésentes dans le message judéo-chrétien. Le risque serait alors d’entrer dans une approche réductrice du message, laissant de côté toute une dimension riche de potentiel spirituel ; ainsi, en édulcorant la proposition de la foi, on rendrait celle-ci insignifiante. L’enjeu est de savoir bénéficier intelligemment de l’apport des sciences humaines dans les problématiques théologiques, sans perdre de vue que le contenu même de la foi reste l’objectif essentiel de la recherche.
Foi et raison sont en interaction
L’évangile selon St Jean présente le Christ comme « Logos », vérité éclairante. L’être humain en quête de sens a lui aussi son propre logos, sa raison, qui n’est pas en contradiction avec le Logos christique. Foi et raison sont en interaction.
Dans son « commentaire sur les Sentences », Saint Bonaventure distingue entre deux types de raison, une raison constructive et une raison négatrice. Il désigne d’abord la « violentia rationis » la raison tyrannique qui veut tout contrôler, tout définir selon ses seuls critères. Ce mode de fonctionnement de la raison est inconciliable avec la foi et conduit aux abus d’une dictature des idées qui dégénère vite en totalitarisme politique ou religieux.
Le psaume 95 de la Bible hébraïque offre un éclairage à cette impasse babélienne… Lorsque D.ieu dit à son peuple : « Dans le désert, vos pères m’éprouvaient, me mettaient au défi, alors qu’ils voyaient mes actions… ». Cela indique que les croyants ont « vu » D.ieu, et qu’ils ressentent son action bienfaitrice, cependant cela ne suffit pas, ils veulent le « mettre à l’épreuve », c’est à dire soumettre sa présence à leur désir, subordonner son message à leur expérimentation.
La pensée unique sévit également par l’exigence de légitimation scientifique
Dans les mentalités modernes, ce diktat de l’expérience est devenu banal. Ce qui ne peut être scientifiquement vérifié est considéré comme sans valeur. Il ne s’agit pas ici de nier les avancées de la science et de la technique, mais d’émettre certaines réserves. Car la pensée unique sévit également par l’exigence de légitimation scientifique, et la tentation est grande d’en faire une caution univoque à des positions éthiques périlleuses.
L’amour vrai ne rend pas aveugle, au contraire il rend voyant !
Certains veulent aussi appliquer cette méthode de légitimation au domaine de la foi, de la symbolique et de la mystique. Or, l’expérience spirituelle nous montre que D.ieu n’est pas un objet de recherche humaine, il est le sujet principal, c’est pourquoi il se manifeste dans la relation ; c’est le propre d’un D.ieu de l’alliance, D.ieu de relation qui se dévoile dans la gratuité d’un vis-à-vis. C’est là le deuxième mode d’existence de la raison dont parle Saint Bonaventure. Le moteur de la démarche, c’est l’amour. L’amour véritable cherche à mieux connaître, c’est alors que se vérifie le fait que – contrairement au dicton – l’amour vrai ne rend pas aveugle, au contraire il rend voyant !
La foi vivante dotée de cette faculté de percevoir la réalité ultime est stimulée par la raison, et elle incite la raison à s’ouvrir au divin. C’est ainsi que la raison est guidée par l’amour de la vérité qui dépasse inévitablement les limites de l’expérience humaine. Là réside la double garantie du respect du Saint Nom et simultanément, de la dignité humaine.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour www.Dreuz.info
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La rédaction