lundi 17 septembre 2012
Fondateur des talibans en visite a Moscou
Asad Durrani, considéré comme l'un des fondateurs des talibans afghans, s'est récemment rendu à Moscou. Il dirigeait, au début des années 1990, le renseignement militaire pakistanais–ISI (Inter-Services Intelligence ou Direction pour le renseignement interservices).
Le renseignement verbal
L'ISI est une organisation "légendaire", selon Dmitri Trenine, directeur du centre Carnegie de Moscou où Asad Durrani, 71 ans, aujourd’hui à la retraite, est intervenu le 10 septembre. Quoique cette définition soit discutable, il est difficile de la réfuter complètement: le phénomène taliban en Afghanistan a largement contribué au tableau actuel du monde, de toute évidence dramatique, et le renseignement pakistanais est directement impliqué dans cette situation.
Les talibans ne sont pas bien vus à Moscou. Qui plus est, les extrémistes afghans et leurs créateurs sont tenus pour responsables de l'apparition d’une menace terroriste le long des frontières sud de la Russie. Néanmoins Viatcheslav Troubnikov, ex-directeur du Service russe des renseignements extérieurs (SVR), venu rencontrer son ancien homologue, estime que le centre d'experts PolitContact a fait venir à Moscou "la bonne personne au bon moment".
En effet, la visite du vétéran des renseignements pakistanais à Moscou n'est certainement pas fortuite. Le général Ashfaq Parvez Kayani, commandant de l'armée de terre pakistanaise, se rendra dans la capitale russe ces prochains jours. Considéré comme un personnage-clé dans l'armée pakistanaise après avoir remplacé, au poste de commandant, le président Pervez Musharraf en 2007, le général Kayani est un fervent partisan de la lutte contre le terrorisme.
De toute évidence, les rencontres que l'ex-directeur de l'ISI a eues au sein du QG des Forces armées russes peuvent également être interprétées comme une procédure de "renseignement verbal" en prévision de la visite du général Kayani.
Première visite du président russe à Islamabad
Mais l'événement le plus signifiant pour les relations russo-pakistanaises aura lieu dans deux mois, lorsque le président russe Vladimir Poutine arrivera à Islamabad, capitale du Pakistan.
Il s'agira de la première visite d'un président russe dans ce pays, ce qui pourrait signifier un "redémarrage" de leurs relations bilatérales. Jusqu’à aujourd’hui, les deux pays s'observent à travers un prisme d'hostilité en raison du conflit historique entre l'Inde et le Pakistan, où les sympathies de Moscou étaient traditionnellement portées vers New Delhi.
Cette hostilité est devenue encore plus marquée après l'invasion de l'Afghanistan par les troupes soviétiques à la fin de 1979. A l'époque, Islamabad soutenait les moujahidin afghans ayant lancé une guerre sainte contre les "souravis" – surnom des soldats soviétiques en Afghanistan.
Mais les temps ont changé et aujourd'hui, la Russie et le Pakistan partagent des intérêts communs même si la glace de la méfiance qui gèle les relations entre les deux pays, depuis un tiers de siècle, n'a pas encore fondu.
Ce "froid historique" s’est encore ressenti pendant les derniers jours de discussions du général Durrani avec les experts et militaires russes. Il était d'autant plus important d'entendre son interprétation du système de valeurs et de priorités qui guident le Pakistan dans son attitude envers le monde extérieur - où la Russie gagne progressivement de l'importance pour Islamabad.
Qui devrait voir un psy
"Si quelqu'un disait savoir ce que les Afghans s'apprêtent à faire sur le long terme, je lui conseillerais d’aller consulter un psychiatre", a déclaré Asad Durrani en partageant son impression du pays, dont ses ancêtres étaient ressortissants au XIXème siècle.
"J'ai une certaine idée des talibans", a ajouté le général non sans coquetterie. Mais il n'a donné aucune précision sur le fondement de ses arguments… Peut-être qu'aujourd'hui effectivement est moins intéressant que demain, dès lors qu’il s’agit des talibans et de leur rôle en Afghanistan dans les prochaines années. Du moins selon les pères du mouvement.
De ce point de vue, les appréciations du général paraissent extrêmement importantes car le public russe, influencé par certains hommes politiques et autres militaires, est habitué à diaboliser les talibans. Rappelons qu'au milieu des années 1990, le général russe Alexandre Lebed appelait à stopper les talibans à temps derrière les frontières lointaines, au risque qu’ils pénètrent "bientôt jusqu'à Samara"…
Le silence des Afghans veut dire non
Une nouvelle fois, avec une lassitude non feinte - à force de répéter cette antienne évidente pour lui - Asad Durrani a rappelé que "les talibans sont un mouvement purement afghan de par son caractère" et que "les Afghans ne combattront jamais au-delà des frontières de leur pays".
Il a rappelé que le talibans n'avaient pas répondu à la demande des dirigeants pakistanais de prendre le côté d'Islamabad dans le contentieux territorial pakistano-indien portant sur les territoires de Jammu et du Cachemire. "Le silence des Afghans veut dire non", a souligné l'ex-directeur de l'ISI.
D'autre part, Asad Durrani tient à noter la différence entre les "anciens" talibans, qui ont combattu avant 2001, et les "nouveaux", apparus après le lancement de l'opération militaire des Etats-Unis et de l'Otan en Afghanistan. Cette distinction est importante pour le risque que représentent ces "nouveaux" en Asie centrale, comme le craignent certaines chefs militaires et experts à Tachkent, Douchanbé, Astana et Bichkek. Surtout, ces nouveaux talibans s'opposent à l'occupation étrangère et non pas aux ennemis intérieurs, les moujahidin afghans.
Selon le général pakistanais, c'est précisément ce qui fait des talibans actuels un mouvement national de libéralisation - rappelons que cette définition devient de plus en plus populaire auprès des experts russes également - qui ne cessera pas (et il insiste) tant que les soldats étrangers ne quitteront pas l'Afghanistan.
"Une fois le retrait effectué, affirme Asad Durrani, les talibans perdront leur influence auprès des Afghans. Un leader comme le mollah Omar a de l'autorité en tant que chef militaire mais en temps de paix, les Afghans ne toléreront par de leader unique: on ne peut gouverner ce pays que grâce au consensus".
Apparemment, il était important pour le général à la retraite de tester la réaction de l'élite russe face à la thèse qui guide Islamabad dans sa politique afghane: la présence militaire des Etats-Unis et de leurs alliés en Afghanistan est totalement inacceptable et représente un facteur déstabilisant dans la région.
"Les talibans et ceux qui rejoindront leurs rangs lutteront jusqu'au bout contre les Américains", répète M.Durrani. "Washington en est parfaitement conscient", déclare-t-il en se référant à son expérience diplomatique. En effet, après sa démission du renseignement, le général a travaillé pendant de nombreuses années en tant qu'ambassadeur du Pakistan en Allemagne et en Arabie saoudite.
Les USA ont-ils besoin d'un "brin d'instabilité"?
"Mon analyse me pousse à conclure que le maintien de la stabilité n'est pas dans l'intérêt des Etats-Unis", déclare l'ex-chef de l'ISI. "Ils ont besoin d'un brin d'instabilité", précise le général.
Sinon, pourquoi les Américains auraient-ils l'intention de conserver autant de soldats à leurs bases en Afghanistan après 2014? Ils sont pourtant bien conscients que leurs bases feront toujours l'objet d'attaques des talibans, "ce qui contribuera au niveau élevé de risque terroriste dans l'ensemble du pays et en dehors de l'Afghanistan", livre l'ex-directeur du renseignement.
Asad Durrani a exposé à Moscou une théorie, plutôt partagée par l'élite russe, du "chaos contrôlé" qui est, selon lui, professée par les décideurs américains. Le Kremlin et le ministère russe des Affaires étrangères ont exprimé à maintes reprises leur inquiétude concernant les plans de Washington, qui souhaite maintenir sa présence militaire en Afghanistan après le retrait de la majeure partie de son contingent en 2014, affirmant qu'ils sont en droit d'avoir une "réponse honnête" à cette question de la part de leurs partenaires américains. D’autant que ces derniers bénéficient de l'assistance de Moscou pour le transit via le territoire russe.
Toutefois, le gouvernement russe insiste sur le fait qu'avant de retirer leurs troupes, les Etats-Unis devront
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La rédaction