La politique russe vis-à-vis de la crise syrienne pourrait concerner plus Groznyï que Tartous. Les critiques et analystes occidentaux, sous l'angle de la grave crise humanitaire en Syrie pour laquelle il semble qu'il n'y ait aucune lumière au bout du tunnel, ont été particulièrement prolixes quant à l'obstruction russe au Conseil de Sécurité de l'ONU.
En 20 mois depuis le début du soulèvement armé en Syrie, on a spéculé que les principaux intérêts de la Russie dans la protection du régime affaibli de Bachar el-Assad reposaient sur l'accord conclu par Moscou pour une base navale dans le port tempéré de Tartous - la seule installation russe de ce type en dehors de la sphère de l'ancienne Union soviétique - et le rôle de la Russie en tant que fournisseur essentiel de la Syrie en armes légères, en artillerie et en équipement militaire. Cependant, ainsi que la Russie en a bien conscience, les dictateurs qui engloutissent des caisses et des caisses de Kalachnikovs allaient et venaient tout au long de la de la Guerre froide. Les locations des bases post-soviétiques peuvent être renégociées à une date ultérieure avec les régimes successeurs.
Ce qui est en jeu de façon cruciale pour le gouvernement de Vladimir Poutine est sa politique choyée d' « affaires internes » d'un Etat-nation. Les élites actuellement au pouvoir en Russie, auxquelles on se réfère souvent sous le nom de siloviki[[1]]url:http://questionscritiques.free.fr/edito/AsiaTimesOnline/Russie_Poutine_Tartous_Tchetchenie_Groznyi_siloviki_Syrie_131212.htm#1n , se souviennent du chaos des années 1990 et de la brève perte, qui a heurté leur ego, de ce qui est devenu un Etat tchétchène quasi-indépendant au nord du Caucase. Un Boris Ieltsine affaibli négocia en position de faiblesse, en août 1996, avec le dirigeant nationaliste tchétchène Aslan Maskhadov la signature d'un accord de paix à Khassaviourt (République du Daguestan).
Poutine considère la signature des Accords de Khassaviourt comme un épouvantable point faible pour la Russie, auquel il remédierait en lançant la seconde guerre russo-thétchène en automne 1999. Poutine s'est donné les pleins pouvoirs à travers cette ré-invasion d'une Tchétchénie déjà dévastée et a exploité à son immense avantage cette crise d'autorité dans la Fédération Russe. Depuis lors, il a été au pouvoir de façon continue - comme président ou comme Premier ministre.
Une Russie économiquement et militairement rénovée sous le duo tournant de Poutine et de Dimitri Medvedev, renforcée par les ventes abondantes d'énergie aux Etats de l'Union Européenne et de métaux à la Chine, a quand même réussi à « perdre » l'Irak de Saddam Hussein et la Libye de Mouammar Kadhafi durant les mandats de Poutine-Medvedev. Ces deux-là ont juré que la Syrie de Bachar el-Assad - un client dévoué de la Russie qui remonte à l'ère soviétique - ne sera pas un nouveau domino dans les odieux programmes de changement de régimes orchestrés par les Occidentaux et fondés sur les vernis jumeaux de l'intervention humanitaire et de l'internationalisme libéral - des concepts qui rendent les siloviki russes très sceptiques.
Malgré le revers significatif dû aux représailles terroristes tchétchènes qui ont touché jusqu'à Moscou, couplées avec des attaques suicides intermittentes, le Kremlin a réussi à éviter toute forme d'intervention extérieure imposée en Tchétchénie.
Cette approche des puissances occidentales, basée sur la non-intervention, a laissé la main libre aux forces terrestres russes et à ses mandataires en Tchétchénie pour monter une campagne de la terre brûlée qui incluait de pulvériser la capitale tchétchène, Groznyï - pulvérisation comparable à la punition collective infligée par le régime d'Assad aux parties rétives de la Syrie, Homs, Alep, Idlib et Deraa.
Assad et son frère vindicatif, Maher, ont sans surprise utilisé une artillerie similaire, ou de provenance russe, à celle qui avait été utilisée contre la population en Tchétchénie.
Sous Poutine, les autorités russes et locales ont pratiquement réussi à supprimer l'accès de la presse à la République Tchétchène, à tel point que la cause tchétchène, reléguée au chaos des années 1990 post-soviétiques, est aujourd'hui largement oubliée à l'Ouest. Durant la négligence alcoolique de Ieltsine du conflit de 1994-1996, les journalistes occidentaux étaient pris de folie furieuse en Tchétchénie, faisant très librement des reportages sur cette catastrophe humanitaire. Lorsque Poutine a riposté contre les rebelles pendant trois ans, il a surtout compris, au vu de la mauvaise gestion de la guerre sous le mandat précédent, qu'il fallait contrôler l'accès des médias au front à tous les niveaux possibles.
Assad, sentant que les puissances occidentales étaient contre lui dès le début, a donné à la presse étrangère deux options qui rappellent beaucoup la tactique de Poutine : engagez-vous pour le cirque médiatique orchestré par le régime ou risquez la mort en entrant illégalement dans le territoire avec des bandes erratiques de combattants rebelles. Les tactiques de Poutine et d'Assad de contre-insurrection maladroites, brutales et non-élaborées ont eu un résultat similaire. Elles ont miné les commandant rebelles de tendance nationaliste et renforcé les combattants islamistes plus véhéments ou carrément salafistes-djihadistes.
Pour contrer la démolition de Groznyï et éliminer par conséquent la preuve visuelle de son histoire récente intensément douloureuse, Moscou a reconstruit la ville à la va-vite et de façon tape-à-l'œil. Mais alors que le Kremlin commençait à imposer de nouveau son emprise sur Groznyï, l'insurrection qu'il savait et pensait avoir vaincue de façon retentissante s'était décentralisée, se répandant loin dans toute la région. La Russie avait affaibli sans relâche le nationalisme ethnolinguistique tchétchène avec une efficacité terrible.
Le résultat avait donné naissance à une insurrection islamiste beaucoup plus large auto-baptisée Emirat du Caucase, menée par un commandant islamiste ambitieux, l' « Emir » Dokou Oumarov. Le Kremlin est parvenu à étouffer le rêve d'un Etat tchétchène indépendant et sa victoire a donné naissance au rêve d'un Etat islamique s'étirant de la Mer Caspienne presque jusqu'aux côtes de la Mer Noire.
Dans la Syrie d'aujourd'hui, une rébellion qui a commencé avec des hommes prétendant combattre pour une nouvelle Syrie libérée de la dictature baasiste partage de plus en plus le champ de bataille avec des hommes qui cherchent à construire un Etat islamique strictement sunnite dans une Syrie traditionnellement pluraliste.
La Russie, avec ses décennies de combat d'insurrections islamistes bien financées, en Afghanistan et en Tchétchénie, pense aussi que les décideurs politiques occidentaux sont naïfs quant à la véritable dynamique politico-religieuse du monde musulman et que la Russie comme l'Ouest se retrouveront face à un revers terroriste salafiste-djihadiste imprévu issu des soulèvements arabes collectifs.
La Russie et la Chine, dans leurs rôles d'empires historiques territoriaux ont eu des périphéries perpétuellement fragiles en proie aux minorités irréductibles avec des mouvements nationalistes récurrents, et n'accepteront probablement pas quelque initiative d'intervention que ce soit menée par les Occidentaux.
Pour les spectateurs, Moscou et Pékin peuvent sembler montrer de la solidarité avec leurs homologues autoritaires ou simplement craindre la perte d'intérêts économiques établis. Ces deux pays se considèrent toutefois comme des défenseurs du précepte infaillible de la souveraineté nationale contre la menace qu'ils perçoivent de projets internationalistes d'intervention - en gardant un œil sur leurs colonies en Tchétchénie et au Tibet. Préserver le statut quo en Syrie est devenu leur nouvelle « ligne rouge ».
Que Poutine ait été le premier dirigeant mondial à téléphoner à George W. Bush après les attaques du 11 septembre à New York n'est pas un hasard ! Les dirigeants russes étaient pressés de regrouper leur guerre en cours contre les séparatistes dans le Caucase agité avec l'apparition de la soudaine « guerre contre la terreur » sans bornes menée par les Américains. Les Etats-Unis ont beaucoup tempéré leurs critiques des tactiques brutales de la Russie en Tchétchénie en échange de la coopération russe dans cette nouvelle guerre globale.
La Russie cherche à écarter toute forme d'intervention militaire partout dans sa sphère d'influence actuelle ou passée, avec la Syrie qui fait désormais notamment partie de ses intérêts. Jusqu'à présent, la Chine a suivi le mouvement avec sa politique établie de non-ingérence en Syrie, ce qui indique sa propre angoisse concernant l'ingérence extérieure dans les questions obsédantes à Taiwan et au Tibet.
Les effets délétères des deux guerres tchétchènes résonnent jusqu'à ce jour dans les reportages de presse en Syrie, avec des rapports non vérifiés de « Tchétchènes » parmi les combattants étrangers affluant vers les lignes de front en Syrie. Le gouvernement russe et ses services de sécurité ont propagé pendant des années l'idée que les Tchétchènes font partie des djihadistes transnationaux les plus terribles et les plus dispersés.
Des généraux pakistanais qui décrivent des récits de Tchétchènes morts, identifiés à la suite d'opération de contre-insurrection au Nord-Waziristân, aux Marines américains qui combattaient des nationaux tchétchènes dans le gouvernorat d'al-Anbar en Irak, le cliché du combattant tchétchène sans frontières et assoiffé de sang s'est répandu à présent à la Syrie.
Ce que ces rapports oublient souvent de mentionner est que la Syrie, à l'instar de l'Irak, de la Jordanie et de la Turquie, a une diaspora tchétchène qui remonte à la conquête tsariste du Caucase qui a eu lieu au XIXe siècle et dans laquelle les Tchétchènes furent repoussés dans les territoires de l'ancien empire ottoman.
Fin janvier de cette année, Asia Times Online a rencontré un « magouilleur » de l'Armée Libre Syrienne à Antakya, en Turquie, qui était un ethnique tchétchène autochtone du Nord-Ouest de la Syrie. Il était doublement fier d'être à la fois syrien et tchétchène. Dans la région très fractionnée du Levant, une telle rencontre n'est pas inhabituelle.
Malgré les rapports émanant du nord de la Syrie, l'archétype du djihadiste tchétchène errant a peut-être finalement survécu à son utilité. Dans la période précédent les Jeux Olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, à l'ouest de la Tchétchénie, le Kremlin s'est donné beaucoup de mal pour décrire la Tchétchénie comme une république constitutive stable et revitalisée, dirigée par Ramzan Kadyrov, l'homme fort de Poutine dans le Caucase. Néanmoins, le mimétisme congénital de la « trace tchétchène », mis en avant pendant des années par le FSB, l'organisation qui a succédé au KGB, persiste.
Tandis que la Russie a été effectivement chassée d'Irak durant l'invasion anglo-américaine de 2003, subissant des pertes financières énormes en termes d'armes et d'énergie, elle essaye de revenir en Irak par l'intermédiaire de son principal exportateur étatique de systèmes d'armements, Rosoboronexport. Un récent contrat d'armement d'une valeur estimée à 4,2 milliards de dollars avec le gouvernement du Premier ministre Nouri al-Maliki a été en négociation, ce qui démontre le fort désir de Moscou d'influencer le nouvel ordre arabe.
Le 10 novembre, Reuters a rapporté une histoire à propos de la nature byzantine du contrat avec Rosoboronexport, déclarant que le cabinet de Maliki avait annulé ou du moins reporté ce contrat alors qu'il examinait des accusations de corruption ; au même moment, le ministre de la défense par intérim, Sadoon al-Dulaimi, insistait sur le fait que ce contrat devait se poursuivre comme prévu.
Selon Voice of America, Dulaimi a ensuite déclaré lors d'une conférence de presse que l'Irak avait besoin de « diversifier ses sources [d'approvisionnement] » afin d'éviter de dépendre trop lourdement d'un seul fournisseur (c'est-à-dire les Etats-Unis), et de saper l'influence des milices politiques bien armées qui sont endémiques dans le système politique irakien divisé en factions.
Avec la Syrie qui est déjà très dépendante de l'héritage des marques et des modèles d'armes soviétiques, il n'y a rien qui indique que Moscou ne continuerait pas de vendre des systèmes d'armements à Damas après Assad, comme elle essaye de le faire dans l'Irak post-Saddam. Maliki est assis entre deux chaises entre l'expansionnisme militaire américain au Moyen-orient et la lutte du Kremlin pour rester pertinent dans un monde arabe qui se réorganise radicalement.
Contrairement à l'Iran, l'Irak ne peut pas se tenir inflexiblement à 100% derrière la cause d'Assad parce que Bagdad est toujours bien tenu en laisse par le complexe militaro-industriel des Etats-Unis. Washington est toujours le fournisseur d'armes numéro un du gouvernement de Maliki, loin devant Moscou. Toutefois, au sein de la bureaucratie américaine, ces priorités entre l'humanitarisme idéologique et la froide realpolitik militaire entre au bout du compte en collision.
Tandis que le Congrès des Etats-Unis peut activement dénigrer et sanctionner une entité comme Rosoboronexport pour le fait d'armer les régimes syrien et iranien, les maquereaux du Pentagone n'ont pas un tel luxe idéologique parce qu'ils ont besoin de leurs ennemis de la Guerre froide pour fournir à l'armée de l'air afghane bancale des hélicoptères Mi-17 afin de permettre aux Américains de sortir d'Afghanistan.
Le 9 mai, Bloomberg News citait Darym Kimball, le directeur exécutif de l'Arms Control Association à Washington DC, décrivant la fissure très contre-productive à propos de l'énigme de Rosoboronexport, entre un Congrès content de sanctionner et un Pentagone désespérément pragmatique, comme « [.] un dilemme embarrassant ».
L'architecture actuelle en matière de sécurité qui s'est construite sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale assurera que - avec le schisme de tranchée entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, d'une part, et la Russie (suivie par la Chine), d'autre part - la guerre syrienne deviendra aussi intraitable que possible avant de parvenir à ce qui sera probablement une résolution très sanglante.
Elle a également la possibilité d'atteindre une dimension régionale plus problématique et d'entraîner officiellement dans les périphéries des Etats voisins, tels que le Liban et la Turquie, quelque chose d'analogue à la diffusion de l'insurrection, très enracinée dans un nationalisme tchétchène, et d'entraîner les républiques voisines au nom de la formation d'un émirat islamique dans l'ensemble du nord du Caucase.
Et exactement comme les activistes djihadistes dans les monarchies du Golfe persique ont acheminé de l'argent et des combattants wahhabites dans le Caucase pour combattre les « infidèles » russes dans les années 1960 et au début des années 2000, ils le font maintenant avec la Syrie ; la différence essentielle étant peut-être que cela est fait à présent au grand jour avec leurs appareils étatiques de sécurité couplés avec le consentement des agences de renseignement occidentales.
Avec la montée de la violence politique et sectaire dans les gouvernorats du Nord du Liban et de la Bekaa, les obus qui sont tirés au-dessus des provinces méridionales vulnérables de la Turquie et la montée en flèche de l'activité du PKK dans toute cette région, ce scénario effrayant pourrait déjà être en cours de réalisation.
Derek Henry Flood est un journaliste indépendant spécialisé dans le Moyen-Orient et l'Asie Centrale et du Sud. Il a couvert un grand nombre des conflits du monde depuis le 11 septembre 2001, en tant que reporter sur les lignes de front.
Derek Henry Flood
article original : "Moscow's Damascus road goes via Grozny"
Copyright 2012 - Asia Times Online / Traduction JFG-QuestionsCritiques - Tous droits réservés.
Note :
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[[1]]url:http://questionscritiques.free.fr/edito/AsiaTimesOnline/Russie_Poutine_Tartous_Tchetchenie_Groznyi_siloviki_Syrie_131212.htm#n1 Siloviki :
Au sein de l'administration de Vladimir Poutine, il y avait trois factions principales rivalisant pour le pouvoir : les technocrates, les libéraux et les siloviki. Jusqu'en juin 2008, le président russe, Dimitri Medvedev, était le dirigeant de fait du parti technocratique. Parmi ces trois groupes, celui des siloviki était le plus puissant durant l'administration de Poutine.
Le terme siloviki provient de silovye struktury, qui veut dire en russe : « structures de la force ». Ces « structures de la force » étaient les agences de renseignements, les services armés et les agences de maintien de l'ordre. Siloviki signifie littéralement un officiel, actuel ou passé, de l'une des agences de l'époque. Toutefois, tous les membres de haut niveau de la silovye struktury n'appartenaient pas aux siloviki et tous les siloviki n'étaient pas le produit de la solovye struktury. Ce mot a commencé à être utilisé en développant une signification familière faisant référence aux membres de l'une des divisions bureaucratiques centrée sur Viktor Ivanov, l'un des conseiller de Poutine, sur Nikolaï Patruchov, le directeur du service de sécurité fédéral, ou sur Igor Sechin, le directeur adjoint de l'administration présidentielle. Ces trois hommes formaient le noyau et exerçaient la plus grande influence sur les décisions prises dans l'administration de Poutine. Le deuxième niveau était constitué de ceux qui étaient membres de bureaucraties plus petites et moins importantes ainsi que d'entreprises privées. Le troisième niveau était constitué de ceux qui gravissaient tous les échelons des systèmes bureaucratiques, ou qui étaient dans le gouvernement régional et leurs adjoints. A partir de 2006, plus de dix agences au sein du gouvernement russe étaient contrôlées par les siloviki, qui contrôlaient aussi partiellement sept autres agences.
On a pensé que la montée des siloviki s'est produite parallèlement à la destruction de Ioukos, la plus grosse société pétrolière de toute la Russie, qui fut accusée, poursuivie en justice et condamnée pour évasion fiscale. Le fondateur de Ioukos, l'oligarque Mikhaïl Khodorkovsky, fut condamné à dix années d'emprisonnement. On a pensé que cette société a été détruite afin que ces restes puissent être repris par une société détenue par le gouvernement et que certains siloviki puissent prendre Mikhaïl B. Khodorkovsky pour cible. Le fondateur était connu pour donner de l'argent et soutenir des partis politiques de gauche et, en tant qu'oligarque, il était une cible des siloviki.
Les siloviki avaient montré qu'ils étaient un groupe très soudé, qui soutenait même les mariages entre diverses familles de siloviki. Le lien qui les unit est la philosophie politique qu'ils partagent et un sens du devoir selon lequel leur travail est d'aider la Russie. Comme cela a été écrit dans une brochure par Viktor Cherkesov, un siloviki de tout premier plan, « Nous [les siloviki] devons comprendre que nous sommes un tout. L'histoire a décidé que le poids de soutenir l'Etat russe retombait sur nos épaules. Je crois en notre capacité, lorsque nous sentons le danger, de mettre de côté toute mesquinerie et de rester fidèles à notre serment ».
Les siloviki croyaient en un système très centralisé de structure de pouvoir politique et économique. Ils privilégiaient un Etat stable dirigé par la loi et l'ordre plutôt qu'un Etat doté d'une société civile et démocratique très active. La croyance de ce groupe est qu'il fallait posséder de grandes organisations de sécurité et de défense. L'Etat devrait avoir une forte emprise sur les affaires économiques, les secteurs stratégiques devant être sous son contrôle. La mondialisation était considérée comme une tendance dangereuse et les sociétés devaient être protégées des possibles dangers résultant de la concurrence mondiale. Les investissements étrangers dans les ressources naturelles devaient être limités.
Les siloviki veulent aussi être débarrassés des oligarques qui sont devenus extrêmement riches durant les années 1990. Ainsi que Poutine l'a dit, il devraient être « éliminés en tant que classe ». Une grande partie de la population russe était mécontente des oligarques et a commencé à soutenir les siloviki dans leurs tentatives de réduire leur influence ou de les éliminer. Ce groupe est également parvenu à toucher la corde sensible du peuple, en ceci que les Russes ont tendance à beaucoup attendre de leurs dirigeants. Selon Inna Solovyova, historienne de la culture russe, les Russes gravitent historiquement vers des dirigeants qui sont réservés, fermes, légèrement mystérieux et autoritaires.
Au niveau international, les siloviki ont soutenu un retour à la gloire et au respect que l'Union Soviétique exigeait. A leurs yeux, l'OTAN est restée une menace extérieure qui continue dans ses tentatives de saper la Russie et de forcer l'effondrement de l'Etat, même après la chute de l'Union Soviétique. Pour la protéger de cette menace, ils ont soutenu une armée forte et de pointe, de même qu'ils ont poussé les anciennes nations soviétiques à rester autant que possible incorporées dans la Russie.
Ils avaient tendance à être très nationalistes, xénophobes et occasionnellement antisémites, ce qui les conduisit à avoir des points de vue très conservateurs en matière d'immigration. Concernant le rôle de l'église dans les affaires de l'Etat, les siloviki ont adopté le point de vue des membres plus conservateurs au sein de l'Eglise orthodoxe russe. Ces groupes soutenaient l'Eglise orthodoxe russe et son intégration dans la vie quotidienne et lui ont donné de très grosses sommes d'argent. « A côté de l'immeuble du FSB, sur la place de la Loubianka, se dresse l'église du XVIIe siècle de la Sainte Sagesse [Sainte Sophie], 'restaurée en août 2001 avec l'aide zélée du FSB', dit une plaque. A l'intérieur, des icônes fraîchement peintes brillent d'or. 'Dieu Merci il y a le FSB. Tout le pouvoir vient de Dieu et est donc le leur' », dit le Père Alexander, le chef des services dans cette église.
Historiquement, les siloviki ont souffert du fait qu'ils n'avaient pratiquement aucune expérience des procédures électorales et de la démocratie, ce qui les a légèrement limités dans leur capacité à y participer et à concourir. Etant donné leur passé dans la silovye struktury, ils avaient également peu d'expérience en matière de relations publiques ou comment gérer correctement une entreprise, bien qu'ils représentaient des positions puissantes dans certaines des entreprises les plus grandes et les plus influentes en Russie.
Cependant, l'avenir de la puissance des siloviki n'était plus aussi certaine après la présidence de Poutine que durant son mandat. Ils avaient perdu du pouvoir parce que Poutine avait choisi Medvedev pour la présidence. On a pensé que Poutine avait le sentiment que les siloviki devenaient trop puissants, et que, par conséquent, pour équilibrer leur pouvoir, il a choisi Medvedev, un technocrate et aussi quelqu'un à l'esprit très libéral. Ceci dit, Poutine a été investi du rôle de Premier ministre et une telle capacité a exercé un énorme pouvoir sur la manière dont les fonds d'Etat sont alloués et il a continué à être très bien disposé à l'égard des siloviki. Etant donné que beaucoup de membres du cabinet de Poutine se sont retrouvés dans l'administration Medvedev, il était hautement probable que les siloviki conservent une bonne part de pouvoir dans l'administration Medvedev et après.
(Source: Globalsecurity.org)
En 20 mois depuis le début du soulèvement armé en Syrie, on a spéculé que les principaux intérêts de la Russie dans la protection du régime affaibli de Bachar el-Assad reposaient sur l'accord conclu par Moscou pour une base navale dans le port tempéré de Tartous - la seule installation russe de ce type en dehors de la sphère de l'ancienne Union soviétique - et le rôle de la Russie en tant que fournisseur essentiel de la Syrie en armes légères, en artillerie et en équipement militaire. Cependant, ainsi que la Russie en a bien conscience, les dictateurs qui engloutissent des caisses et des caisses de Kalachnikovs allaient et venaient tout au long de la de la Guerre froide. Les locations des bases post-soviétiques peuvent être renégociées à une date ultérieure avec les régimes successeurs.
Ce qui est en jeu de façon cruciale pour le gouvernement de Vladimir Poutine est sa politique choyée d' « affaires internes » d'un Etat-nation. Les élites actuellement au pouvoir en Russie, auxquelles on se réfère souvent sous le nom de siloviki[[1]]url:http://questionscritiques.free.fr/edito/AsiaTimesOnline/Russie_Poutine_Tartous_Tchetchenie_Groznyi_siloviki_Syrie_131212.htm#1n , se souviennent du chaos des années 1990 et de la brève perte, qui a heurté leur ego, de ce qui est devenu un Etat tchétchène quasi-indépendant au nord du Caucase. Un Boris Ieltsine affaibli négocia en position de faiblesse, en août 1996, avec le dirigeant nationaliste tchétchène Aslan Maskhadov la signature d'un accord de paix à Khassaviourt (République du Daguestan).
Poutine considère la signature des Accords de Khassaviourt comme un épouvantable point faible pour la Russie, auquel il remédierait en lançant la seconde guerre russo-thétchène en automne 1999. Poutine s'est donné les pleins pouvoirs à travers cette ré-invasion d'une Tchétchénie déjà dévastée et a exploité à son immense avantage cette crise d'autorité dans la Fédération Russe. Depuis lors, il a été au pouvoir de façon continue - comme président ou comme Premier ministre.
Une Russie économiquement et militairement rénovée sous le duo tournant de Poutine et de Dimitri Medvedev, renforcée par les ventes abondantes d'énergie aux Etats de l'Union Européenne et de métaux à la Chine, a quand même réussi à « perdre » l'Irak de Saddam Hussein et la Libye de Mouammar Kadhafi durant les mandats de Poutine-Medvedev. Ces deux-là ont juré que la Syrie de Bachar el-Assad - un client dévoué de la Russie qui remonte à l'ère soviétique - ne sera pas un nouveau domino dans les odieux programmes de changement de régimes orchestrés par les Occidentaux et fondés sur les vernis jumeaux de l'intervention humanitaire et de l'internationalisme libéral - des concepts qui rendent les siloviki russes très sceptiques.
Malgré le revers significatif dû aux représailles terroristes tchétchènes qui ont touché jusqu'à Moscou, couplées avec des attaques suicides intermittentes, le Kremlin a réussi à éviter toute forme d'intervention extérieure imposée en Tchétchénie.
Cette approche des puissances occidentales, basée sur la non-intervention, a laissé la main libre aux forces terrestres russes et à ses mandataires en Tchétchénie pour monter une campagne de la terre brûlée qui incluait de pulvériser la capitale tchétchène, Groznyï - pulvérisation comparable à la punition collective infligée par le régime d'Assad aux parties rétives de la Syrie, Homs, Alep, Idlib et Deraa.
Assad et son frère vindicatif, Maher, ont sans surprise utilisé une artillerie similaire, ou de provenance russe, à celle qui avait été utilisée contre la population en Tchétchénie.
Sous Poutine, les autorités russes et locales ont pratiquement réussi à supprimer l'accès de la presse à la République Tchétchène, à tel point que la cause tchétchène, reléguée au chaos des années 1990 post-soviétiques, est aujourd'hui largement oubliée à l'Ouest. Durant la négligence alcoolique de Ieltsine du conflit de 1994-1996, les journalistes occidentaux étaient pris de folie furieuse en Tchétchénie, faisant très librement des reportages sur cette catastrophe humanitaire. Lorsque Poutine a riposté contre les rebelles pendant trois ans, il a surtout compris, au vu de la mauvaise gestion de la guerre sous le mandat précédent, qu'il fallait contrôler l'accès des médias au front à tous les niveaux possibles.
Assad, sentant que les puissances occidentales étaient contre lui dès le début, a donné à la presse étrangère deux options qui rappellent beaucoup la tactique de Poutine : engagez-vous pour le cirque médiatique orchestré par le régime ou risquez la mort en entrant illégalement dans le territoire avec des bandes erratiques de combattants rebelles. Les tactiques de Poutine et d'Assad de contre-insurrection maladroites, brutales et non-élaborées ont eu un résultat similaire. Elles ont miné les commandant rebelles de tendance nationaliste et renforcé les combattants islamistes plus véhéments ou carrément salafistes-djihadistes.
Pour contrer la démolition de Groznyï et éliminer par conséquent la preuve visuelle de son histoire récente intensément douloureuse, Moscou a reconstruit la ville à la va-vite et de façon tape-à-l'œil. Mais alors que le Kremlin commençait à imposer de nouveau son emprise sur Groznyï, l'insurrection qu'il savait et pensait avoir vaincue de façon retentissante s'était décentralisée, se répandant loin dans toute la région. La Russie avait affaibli sans relâche le nationalisme ethnolinguistique tchétchène avec une efficacité terrible.
Le résultat avait donné naissance à une insurrection islamiste beaucoup plus large auto-baptisée Emirat du Caucase, menée par un commandant islamiste ambitieux, l' « Emir » Dokou Oumarov. Le Kremlin est parvenu à étouffer le rêve d'un Etat tchétchène indépendant et sa victoire a donné naissance au rêve d'un Etat islamique s'étirant de la Mer Caspienne presque jusqu'aux côtes de la Mer Noire.
Dans la Syrie d'aujourd'hui, une rébellion qui a commencé avec des hommes prétendant combattre pour une nouvelle Syrie libérée de la dictature baasiste partage de plus en plus le champ de bataille avec des hommes qui cherchent à construire un Etat islamique strictement sunnite dans une Syrie traditionnellement pluraliste.
La Russie, avec ses décennies de combat d'insurrections islamistes bien financées, en Afghanistan et en Tchétchénie, pense aussi que les décideurs politiques occidentaux sont naïfs quant à la véritable dynamique politico-religieuse du monde musulman et que la Russie comme l'Ouest se retrouveront face à un revers terroriste salafiste-djihadiste imprévu issu des soulèvements arabes collectifs.
La Russie et la Chine, dans leurs rôles d'empires historiques territoriaux ont eu des périphéries perpétuellement fragiles en proie aux minorités irréductibles avec des mouvements nationalistes récurrents, et n'accepteront probablement pas quelque initiative d'intervention que ce soit menée par les Occidentaux.
Pour les spectateurs, Moscou et Pékin peuvent sembler montrer de la solidarité avec leurs homologues autoritaires ou simplement craindre la perte d'intérêts économiques établis. Ces deux pays se considèrent toutefois comme des défenseurs du précepte infaillible de la souveraineté nationale contre la menace qu'ils perçoivent de projets internationalistes d'intervention - en gardant un œil sur leurs colonies en Tchétchénie et au Tibet. Préserver le statut quo en Syrie est devenu leur nouvelle « ligne rouge ».
Que Poutine ait été le premier dirigeant mondial à téléphoner à George W. Bush après les attaques du 11 septembre à New York n'est pas un hasard ! Les dirigeants russes étaient pressés de regrouper leur guerre en cours contre les séparatistes dans le Caucase agité avec l'apparition de la soudaine « guerre contre la terreur » sans bornes menée par les Américains. Les Etats-Unis ont beaucoup tempéré leurs critiques des tactiques brutales de la Russie en Tchétchénie en échange de la coopération russe dans cette nouvelle guerre globale.
La Russie cherche à écarter toute forme d'intervention militaire partout dans sa sphère d'influence actuelle ou passée, avec la Syrie qui fait désormais notamment partie de ses intérêts. Jusqu'à présent, la Chine a suivi le mouvement avec sa politique établie de non-ingérence en Syrie, ce qui indique sa propre angoisse concernant l'ingérence extérieure dans les questions obsédantes à Taiwan et au Tibet.
Les effets délétères des deux guerres tchétchènes résonnent jusqu'à ce jour dans les reportages de presse en Syrie, avec des rapports non vérifiés de « Tchétchènes » parmi les combattants étrangers affluant vers les lignes de front en Syrie. Le gouvernement russe et ses services de sécurité ont propagé pendant des années l'idée que les Tchétchènes font partie des djihadistes transnationaux les plus terribles et les plus dispersés.
Des généraux pakistanais qui décrivent des récits de Tchétchènes morts, identifiés à la suite d'opération de contre-insurrection au Nord-Waziristân, aux Marines américains qui combattaient des nationaux tchétchènes dans le gouvernorat d'al-Anbar en Irak, le cliché du combattant tchétchène sans frontières et assoiffé de sang s'est répandu à présent à la Syrie.
Ce que ces rapports oublient souvent de mentionner est que la Syrie, à l'instar de l'Irak, de la Jordanie et de la Turquie, a une diaspora tchétchène qui remonte à la conquête tsariste du Caucase qui a eu lieu au XIXe siècle et dans laquelle les Tchétchènes furent repoussés dans les territoires de l'ancien empire ottoman.
Fin janvier de cette année, Asia Times Online a rencontré un « magouilleur » de l'Armée Libre Syrienne à Antakya, en Turquie, qui était un ethnique tchétchène autochtone du Nord-Ouest de la Syrie. Il était doublement fier d'être à la fois syrien et tchétchène. Dans la région très fractionnée du Levant, une telle rencontre n'est pas inhabituelle.
Malgré les rapports émanant du nord de la Syrie, l'archétype du djihadiste tchétchène errant a peut-être finalement survécu à son utilité. Dans la période précédent les Jeux Olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, à l'ouest de la Tchétchénie, le Kremlin s'est donné beaucoup de mal pour décrire la Tchétchénie comme une république constitutive stable et revitalisée, dirigée par Ramzan Kadyrov, l'homme fort de Poutine dans le Caucase. Néanmoins, le mimétisme congénital de la « trace tchétchène », mis en avant pendant des années par le FSB, l'organisation qui a succédé au KGB, persiste.
Tandis que la Russie a été effectivement chassée d'Irak durant l'invasion anglo-américaine de 2003, subissant des pertes financières énormes en termes d'armes et d'énergie, elle essaye de revenir en Irak par l'intermédiaire de son principal exportateur étatique de systèmes d'armements, Rosoboronexport. Un récent contrat d'armement d'une valeur estimée à 4,2 milliards de dollars avec le gouvernement du Premier ministre Nouri al-Maliki a été en négociation, ce qui démontre le fort désir de Moscou d'influencer le nouvel ordre arabe.
Le 10 novembre, Reuters a rapporté une histoire à propos de la nature byzantine du contrat avec Rosoboronexport, déclarant que le cabinet de Maliki avait annulé ou du moins reporté ce contrat alors qu'il examinait des accusations de corruption ; au même moment, le ministre de la défense par intérim, Sadoon al-Dulaimi, insistait sur le fait que ce contrat devait se poursuivre comme prévu.
Selon Voice of America, Dulaimi a ensuite déclaré lors d'une conférence de presse que l'Irak avait besoin de « diversifier ses sources [d'approvisionnement] » afin d'éviter de dépendre trop lourdement d'un seul fournisseur (c'est-à-dire les Etats-Unis), et de saper l'influence des milices politiques bien armées qui sont endémiques dans le système politique irakien divisé en factions.
Avec la Syrie qui est déjà très dépendante de l'héritage des marques et des modèles d'armes soviétiques, il n'y a rien qui indique que Moscou ne continuerait pas de vendre des systèmes d'armements à Damas après Assad, comme elle essaye de le faire dans l'Irak post-Saddam. Maliki est assis entre deux chaises entre l'expansionnisme militaire américain au Moyen-orient et la lutte du Kremlin pour rester pertinent dans un monde arabe qui se réorganise radicalement.
Contrairement à l'Iran, l'Irak ne peut pas se tenir inflexiblement à 100% derrière la cause d'Assad parce que Bagdad est toujours bien tenu en laisse par le complexe militaro-industriel des Etats-Unis. Washington est toujours le fournisseur d'armes numéro un du gouvernement de Maliki, loin devant Moscou. Toutefois, au sein de la bureaucratie américaine, ces priorités entre l'humanitarisme idéologique et la froide realpolitik militaire entre au bout du compte en collision.
Tandis que le Congrès des Etats-Unis peut activement dénigrer et sanctionner une entité comme Rosoboronexport pour le fait d'armer les régimes syrien et iranien, les maquereaux du Pentagone n'ont pas un tel luxe idéologique parce qu'ils ont besoin de leurs ennemis de la Guerre froide pour fournir à l'armée de l'air afghane bancale des hélicoptères Mi-17 afin de permettre aux Américains de sortir d'Afghanistan.
Le 9 mai, Bloomberg News citait Darym Kimball, le directeur exécutif de l'Arms Control Association à Washington DC, décrivant la fissure très contre-productive à propos de l'énigme de Rosoboronexport, entre un Congrès content de sanctionner et un Pentagone désespérément pragmatique, comme « [.] un dilemme embarrassant ».
L'architecture actuelle en matière de sécurité qui s'est construite sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale assurera que - avec le schisme de tranchée entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, d'une part, et la Russie (suivie par la Chine), d'autre part - la guerre syrienne deviendra aussi intraitable que possible avant de parvenir à ce qui sera probablement une résolution très sanglante.
Elle a également la possibilité d'atteindre une dimension régionale plus problématique et d'entraîner officiellement dans les périphéries des Etats voisins, tels que le Liban et la Turquie, quelque chose d'analogue à la diffusion de l'insurrection, très enracinée dans un nationalisme tchétchène, et d'entraîner les républiques voisines au nom de la formation d'un émirat islamique dans l'ensemble du nord du Caucase.
Et exactement comme les activistes djihadistes dans les monarchies du Golfe persique ont acheminé de l'argent et des combattants wahhabites dans le Caucase pour combattre les « infidèles » russes dans les années 1960 et au début des années 2000, ils le font maintenant avec la Syrie ; la différence essentielle étant peut-être que cela est fait à présent au grand jour avec leurs appareils étatiques de sécurité couplés avec le consentement des agences de renseignement occidentales.
Avec la montée de la violence politique et sectaire dans les gouvernorats du Nord du Liban et de la Bekaa, les obus qui sont tirés au-dessus des provinces méridionales vulnérables de la Turquie et la montée en flèche de l'activité du PKK dans toute cette région, ce scénario effrayant pourrait déjà être en cours de réalisation.
Derek Henry Flood est un journaliste indépendant spécialisé dans le Moyen-Orient et l'Asie Centrale et du Sud. Il a couvert un grand nombre des conflits du monde depuis le 11 septembre 2001, en tant que reporter sur les lignes de front.
Derek Henry Flood
Asia Times Online, le 15 décembre 2012
article original : "Moscow's Damascus road goes via Grozny" Note :
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[[1]]url:http://questionscritiques.free.fr/edito/AsiaTimesOnline/Russie_Poutine_Tartous_Tchetchenie_Groznyi_siloviki_Syrie_131212.htm#n1 Siloviki :
Au sein de l'administration de Vladimir Poutine, il y avait trois factions principales rivalisant pour le pouvoir : les technocrates, les libéraux et les siloviki. Jusqu'en juin 2008, le président russe, Dimitri Medvedev, était le dirigeant de fait du parti technocratique. Parmi ces trois groupes, celui des siloviki était le plus puissant durant l'administration de Poutine.
Le terme siloviki provient de silovye struktury, qui veut dire en russe : « structures de la force ». Ces « structures de la force » étaient les agences de renseignements, les services armés et les agences de maintien de l'ordre. Siloviki signifie littéralement un officiel, actuel ou passé, de l'une des agences de l'époque. Toutefois, tous les membres de haut niveau de la silovye struktury n'appartenaient pas aux siloviki et tous les siloviki n'étaient pas le produit de la solovye struktury. Ce mot a commencé à être utilisé en développant une signification familière faisant référence aux membres de l'une des divisions bureaucratiques centrée sur Viktor Ivanov, l'un des conseiller de Poutine, sur Nikolaï Patruchov, le directeur du service de sécurité fédéral, ou sur Igor Sechin, le directeur adjoint de l'administration présidentielle. Ces trois hommes formaient le noyau et exerçaient la plus grande influence sur les décisions prises dans l'administration de Poutine. Le deuxième niveau était constitué de ceux qui étaient membres de bureaucraties plus petites et moins importantes ainsi que d'entreprises privées. Le troisième niveau était constitué de ceux qui gravissaient tous les échelons des systèmes bureaucratiques, ou qui étaient dans le gouvernement régional et leurs adjoints. A partir de 2006, plus de dix agences au sein du gouvernement russe étaient contrôlées par les siloviki, qui contrôlaient aussi partiellement sept autres agences.
On a pensé que la montée des siloviki s'est produite parallèlement à la destruction de Ioukos, la plus grosse société pétrolière de toute la Russie, qui fut accusée, poursuivie en justice et condamnée pour évasion fiscale. Le fondateur de Ioukos, l'oligarque Mikhaïl Khodorkovsky, fut condamné à dix années d'emprisonnement. On a pensé que cette société a été détruite afin que ces restes puissent être repris par une société détenue par le gouvernement et que certains siloviki puissent prendre Mikhaïl B. Khodorkovsky pour cible. Le fondateur était connu pour donner de l'argent et soutenir des partis politiques de gauche et, en tant qu'oligarque, il était une cible des siloviki.
Les siloviki avaient montré qu'ils étaient un groupe très soudé, qui soutenait même les mariages entre diverses familles de siloviki. Le lien qui les unit est la philosophie politique qu'ils partagent et un sens du devoir selon lequel leur travail est d'aider la Russie. Comme cela a été écrit dans une brochure par Viktor Cherkesov, un siloviki de tout premier plan, « Nous [les siloviki] devons comprendre que nous sommes un tout. L'histoire a décidé que le poids de soutenir l'Etat russe retombait sur nos épaules. Je crois en notre capacité, lorsque nous sentons le danger, de mettre de côté toute mesquinerie et de rester fidèles à notre serment ».
Les siloviki croyaient en un système très centralisé de structure de pouvoir politique et économique. Ils privilégiaient un Etat stable dirigé par la loi et l'ordre plutôt qu'un Etat doté d'une société civile et démocratique très active. La croyance de ce groupe est qu'il fallait posséder de grandes organisations de sécurité et de défense. L'Etat devrait avoir une forte emprise sur les affaires économiques, les secteurs stratégiques devant être sous son contrôle. La mondialisation était considérée comme une tendance dangereuse et les sociétés devaient être protégées des possibles dangers résultant de la concurrence mondiale. Les investissements étrangers dans les ressources naturelles devaient être limités.
Les siloviki veulent aussi être débarrassés des oligarques qui sont devenus extrêmement riches durant les années 1990. Ainsi que Poutine l'a dit, il devraient être « éliminés en tant que classe ». Une grande partie de la population russe était mécontente des oligarques et a commencé à soutenir les siloviki dans leurs tentatives de réduire leur influence ou de les éliminer. Ce groupe est également parvenu à toucher la corde sensible du peuple, en ceci que les Russes ont tendance à beaucoup attendre de leurs dirigeants. Selon Inna Solovyova, historienne de la culture russe, les Russes gravitent historiquement vers des dirigeants qui sont réservés, fermes, légèrement mystérieux et autoritaires.
Au niveau international, les siloviki ont soutenu un retour à la gloire et au respect que l'Union Soviétique exigeait. A leurs yeux, l'OTAN est restée une menace extérieure qui continue dans ses tentatives de saper la Russie et de forcer l'effondrement de l'Etat, même après la chute de l'Union Soviétique. Pour la protéger de cette menace, ils ont soutenu une armée forte et de pointe, de même qu'ils ont poussé les anciennes nations soviétiques à rester autant que possible incorporées dans la Russie.
Ils avaient tendance à être très nationalistes, xénophobes et occasionnellement antisémites, ce qui les conduisit à avoir des points de vue très conservateurs en matière d'immigration. Concernant le rôle de l'église dans les affaires de l'Etat, les siloviki ont adopté le point de vue des membres plus conservateurs au sein de l'Eglise orthodoxe russe. Ces groupes soutenaient l'Eglise orthodoxe russe et son intégration dans la vie quotidienne et lui ont donné de très grosses sommes d'argent. « A côté de l'immeuble du FSB, sur la place de la Loubianka, se dresse l'église du XVIIe siècle de la Sainte Sagesse [Sainte Sophie], 'restaurée en août 2001 avec l'aide zélée du FSB', dit une plaque. A l'intérieur, des icônes fraîchement peintes brillent d'or. 'Dieu Merci il y a le FSB. Tout le pouvoir vient de Dieu et est donc le leur' », dit le Père Alexander, le chef des services dans cette église.
Historiquement, les siloviki ont souffert du fait qu'ils n'avaient pratiquement aucune expérience des procédures électorales et de la démocratie, ce qui les a légèrement limités dans leur capacité à y participer et à concourir. Etant donné leur passé dans la silovye struktury, ils avaient également peu d'expérience en matière de relations publiques ou comment gérer correctement une entreprise, bien qu'ils représentaient des positions puissantes dans certaines des entreprises les plus grandes et les plus influentes en Russie.
Cependant, l'avenir de la puissance des siloviki n'était plus aussi certaine après la présidence de Poutine que durant son mandat. Ils avaient perdu du pouvoir parce que Poutine avait choisi Medvedev pour la présidence. On a pensé que Poutine avait le sentiment que les siloviki devenaient trop puissants, et que, par conséquent, pour équilibrer leur pouvoir, il a choisi Medvedev, un technocrate et aussi quelqu'un à l'esprit très libéral. Ceci dit, Poutine a été investi du rôle de Premier ministre et une telle capacité a exercé un énorme pouvoir sur la manière dont les fonds d'Etat sont alloués et il a continué à être très bien disposé à l'égard des siloviki. Etant donné que beaucoup de membres du cabinet de Poutine se sont retrouvés dans l'administration Medvedev, il était hautement probable que les siloviki conservent une bonne part de pouvoir dans l'administration Medvedev et après.
(Source: Globalsecurity.org)
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