mardi 4 septembre 2012

A l’origine de la medressa Asfouria: Le grammairien andalou Ibn Asfour

A l’origine de la medressa Asfouria: Le grammairien andalou Ibn Asfour: Aboul Hassen Ali Ibn Moumen Ben Mohamed ben Asfour Al Ichbili Al Hadhrami est en l’un des plus grands grammairiens du 7ème siècle H en Andalousie. Il aurait par contre eu dans sa vie privée une histoire assez trouble que nous nous proposerons plus loin de raconter. Proche des sultans hafsides de Tunis son séjour parmi nous fait que l’un des monuments les plus connus du pays, à savoir la Khaldounia ait à un certain moment porté son nom. L’idée de la création de la Khaldounia avait en effet été de l’attacher d’une part à certaines références symboliques de succès et de prospérité dans le domaine scientifique, et il ne fait pas de doute que la grammaire est une science, et d’autre part de retrouver les traces itinérantes de personnalités historiques ayant humé les senteurs de cette bâtisse, future annexe de la Zitouna, dont autant les professeurs et les cheikhs qui y ont enseigné que les élèves et les étudiants qui y ont suivi des cours ont constitué des tremplins vers la compréhension de l’esprit de réforme qui a animé la Tunisie au début du 20ème siècle… Il est connu qu’à l’époque Béchir Sfar avait proposé le nom de la Khaldounia mais aussi que la princesse égyptienne Nazli qui en avait été membre d’honneur avait effectué une visite de la Asfouria peu avant l’inauguration de la Khaldounia en 1896, alors que le Cheikh Mohamed el Karoui en avait été le premier président.
A l’origine de la medressa Asfouria: Le grammairien andalou Ibn Asfour
Ibn Asfour esit né à Séville en 1200 (597 H) et y a grandi. Il a recueilli les sciences et les connaissances de son époque par l’intermédiaire de savants dont la réputation a dépassé l’Andalousie. Parmi ces derniers il en existe deux ayant laissé une grande trace dans sa formation scientifique. Ce sont Abou Ali Echaloubine (D- 645H- 1257) qui a enseigné la grammaire pendant soixante ans. Il est l’auteur de la « Taoutiâ » (le préambule), et « Charh Al Jouzoulia ». Il a aussi fait des commentaires sur « Al Kiteb » (le livre) de Sibawaih (757-796). Ibn Asfour a été de ses disciples pendant dix ans pendant lesquelles il a achevé de lui dispenser l’enseignement de Sibawaih …Jusqu’à ce qu’une altercation les ait opposés, provoquant entre eux une rupture. Son second Cheikh avait été Abul Hassen Ibn Al Dabbaj décédé en 1258-646 H, enseignant grammairien ayant enseigné la littérature arabe pendant 50 ans.



Quant Ibn Asfour a terminé son cursus auprès de ses professeurs, il a occupé la Chaire d’enseignant à Séville. Ses nombreux étudiants étaient regroupés autour de lui en grand cercle. Mais il n’a pas tardé à quitter Séville pour se déplacer dans d’autres villes espagnoles en vue d’y étudier. Il est entré à « Cherich » Jerez de la Frontera (Cherry), puis « Choudhoun » ensuite Malaga puis Lorca (région de Murcie), puis Murcie elle-même, villes dans lesquelles il est resté chacune plusieurs mois. Les étudiants sont allés le voir partout où il a résidé et il dictait sans lire ses notes. Il a dicté au cours de cette itinérance des explications de « Al Joumal » (les phrases) de Zujaji, et Al Idhah (les clarifications) de Abi Ali Al Farissi, Al Jouzoulia de Echaloubine et Kitab Sibawaih.

Après cela, Asfour aurait quitté l’Espagne vers la Tunisie et y aurait séjourné dans l’aisance auprès du prince Munstasir Billah Abu Abdullah Muhammad fils de Abi Hafsi Zakaria le Sultan régnant.

Quand Montassir s’était déplacé en 1241 (638 H) à Bougie (Béjaia) où il était devenu gouverneur, il l’y aurait suivi et en aurait été très proche. Mais il n’aurait pas prolongé son séjour chez cet émir. Il serait retourné à Tunis et de nouveau en Andalousie. Il aurait séjourné à Lorca puis à Salé au Maroc, et il semble que son retour en Andalousie ait eu lieu après 1248 (646 H), l'année où la ville de Séville est tombée aux mains des Espagnols, et c’est ce qui expliquerait peut-être l’abandon de son idée de retour vers Séville.

Quelle que soit le cas, sa résidence à Salé n’aurait pas duré. Il serait retourné en Tunisie à l'invitation du Prince Montassir, et il y serait resté jusqu'à sa mort.

Ici se présente la une des questions les plus intéressantes de la biographie d’Asfour. Si comme le dit son biographe Nabil Abou Amsha (1) c’est le prince Montassir qui l’a invité et non le Roi Montassir, c’est une année avant qu’il ait succédé à son père Abou Zakarya soit en septembre 1249. Il aurait eu alors 41 ans d’âge. Montassir avait alors pris le titre d’émir des croyants et fait de Tunis un port méditerranéen prospère en parant plusieurs monuments. De même que les royaumes d Fès et de Tlemcen avaient reconnu sa suzeraineté
Le décès du grammairien andalou Asfour serait intervenu en 1271 (669 H). Il aurait été enterré à l'entrée de souk el Gmech à Tunis, et la Mederssa Asfouri aurait pris son nom pour devenir plus tard la medressa Khaldounia.
Il aurait été jeté dans le puits du Jardin du palais d'el montasser par les auxiliaires du sultan pour l'avoir contrarié lors d'une discussion antérieure. Il serait mort trois jours plus tard.
En effet, selon certaines sources (2) non toujours conformes avec la date supposée réelle de la survenance de cet évènement, en 1267 (selon son biographe Nabil Abou Amsha, Ibn Asfour serait décédé en 1271), le grammairien est entré un jour pour rencontrer le Sultan auquel il était comme nous l’avons évoqué plus haut lié par une longue amitié, d’autant plus qu’ils étaient tous deux sensiblement du même âge. Le Sultan se trouvait alors dans son jardin connu de « Riadh Abi Fahr » à l’Ariana. L’émir avait dit à Ibn Asfour, alors qu’il était admiratif de la splendeur et de la magnificence de son état : « Notre royaume est devenu grandiose ». Le Cheikh Ibn Asfour lui avait répondu : « A cause de nous et de nos semblables ». Cette manière de s’exprimer aurait influé sur l’humeur du sultan mais il aurait caché son amertume d’être placé par son ami au même rang que lui. Quand il avait pris congé de lui après un instant, et qu’Ibn Asfour se serait apprêté à partir, le Sultan aurait ordonné à sa soldatesque de le pousser dans le puits du jardin lorsqu’il le longerait et ainsi en aurait-il été. Et à cause de cela Ibn Asfour serait mort (le Cheikh Chemmam dit que cela était arrivé après trois jours) et il fut enterré à Souk El Attarine dans la médina de Tunis.
De cette histoire et de celles qui s’y apparentent, Ibn Khaldoun semblait dans le vrai quand il disait que les savants « étaient le plus éloignés de la politique ».
En fait la famille des sultans hafsides était habituée aux coups bas et Abou Zakarya, le précédent Roi et propre père de Montassir avait écarté en le renversant son propre frère du pouvoir. Ibn Khaldoun avait prévenu sur le risque pour les civilisations et les peuples de l’absolutisme royal…
Ce décès d’Ibn Asfour est intervenu une année avant le déclenchement de la huitième croisade de Saint Louis qui s’était achevée par un désastre pour les croisés et la mort du roi. Selon certaines sources une ambassade tunisienne était venue à la cour de France à l’automne 1269 mais on ne connaît pas la teneur des tractations. Il a été avancé que le sultan Montassir de Tunis était prêt à recevoir le baptême si une force militaire chrétienne était présente pour lui éviter le courroux de son peuple. Si cela s’était vraiment réalisé, l’approvisionnement de l’Égypte, en partie assurée par Tunis, aurait été amoindri et Tunis aurait peut-être pu être une base terrestre pour attaquer l’Égypte.
Les deux armées adverses étaient décimées par les épidémies et notamment a dysenterie. Mais Charles d’Anjou ne souhaitait apparemment pas la prise de la ville et l’émir de Tunis, Montassar aurait lui-même souhaité, négocier. Un accord aurait été conclu le 30 octobre. L’émir aurait versé une indemnité de 210 000 onces d’or, repris le versement du tribut dû au roi de Sicile, chassé les partisans gibelins de sa cour, accordé la liberté de commerce aux marchands chrétiens et le droit de prêcher et de prier publiquement dans les églises aux religieux chrétiens. En échange, l’armée croisée avait évacué Tunis. Le 10 novembre 1270, le prince héritier Édouard d’Angleterre était arrivé sur les lieux mais, voyant que la paix avait été conclue, serait reparti immédiatement en Terre Sainte mener la neuvième croisade. L’armée avait embarqué le 11 novembre et fait relâche le 14 devant Trapani. Dans la nuit du 15 au 16, une tempête particulièrement violente se serait déchaînée et une quarantaine de navires auraient sombré. Les croisés auraient convenu de rentrer en France pour se préparer à une nouvelle croisade qui ne verra en fait jamais le jour.

Le règne de Montassar finit en 1277. Après sa mort, et la période relative de prospérité que connut la Tunisie pendant son règne, des troubles éclatèrent et durèrent 40 ans.
La paix ne serait réellement revenue qu’avec le règne à partir de 1318 d’Abu Bakr el Moutawakkel. Suivit en 1332 la naissance d’Ibn Khaldoun qui tira durant ce règne des leçons incomparables de sociologie politique des avatars dynastiques qui s’étaient succédé et lui-même en avait souffert plus tard puisqu’il avait été obligé de s’exiler en Egypte. Une année après la naissance d’Ibn Khaldoun l'Imam Mohamed Ibn Abdesselem , dont Ibn Khaldoun a été l’élève accéda au poste de Cadhi Jemmaâ à la Zitouna, une grande figure qui participa à la fabrication de l’image somptueuse de la Khaldounia sur lequel nous reviendrons dans un prochain article.
HK


(1) Voir http://www.arab-ency.com/index.php?module=pnEncyclopedia&func=display_term&id=8018&m=1
(2) Voir la biographie du Cheikh Ismail Témimi p. 409 de l’ouvrage du Cheikh M’hamed Belkhodja : « Safahat Min Tarih Tunis » Dar Al Gharb Al ‘Islami Beyrouth 1986 ET Aalem Min Al Zeitouna du Cheikh Mahmoud Chemmam P.8




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