jeudi 29 mars 2012


le siécle des  tunisiens

Mouvement qui prend de l'ampleur

Le 3 janvier 2011, des manifestations contre le chômage et la hausse du coût de la vie dégénèrent à Thala : deux cent cinquante personnes, pour la plupart des étudiants, défilent en soutien aux manifestants deSidi Bouzid mais sont dispersées par la police. En réponse, elles auraient mis le feu à des pneus et attaqué le bureau du Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti au pouvoir41.
Foule des manifestants devant le ministère de l'Intérieur, le 14 janvier 2011
Tir tendu de grenade lacrymogène à Tunis, le 14 janvier 2011
Affichette « Ben Ali dégage » à Tunis, le 14 janvier 2011
Panonceau « Ben Ali dehors » brandi à Tunis, le 14 janvier 2011
Les manifestations continuent et le mouvement se renforce progressivement des différentes composantes de la société tunisienne. Le 6 janvier, ce sont les avocats qui se mettent en grève par milliers pour protester contre les violences policières27. Le 8 janvier, un commerçant âgé de 50 ans s'immole à son tour à Sidi Bouzid42. Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre sont de plus en plus meurtriers : les 8 et 9 janvier, quatorze civils sont tués par balle à Thala, Kasserine et Reguebselon le gouvernement, vingt selon l'opposition, au moins vingt-trois selon le journal Le Monde43. Le 10 janvier, un jeune diplômé de Sidi Bouzid met fin à ses jours, portant à cinq le nombre de suicides depuis celui de Mohamed Bouazizi. Les affrontements se poursuivent dans le triangle Thala-Kasserine-Regueb : des marches funèbres à la mémoire des morts des jours précédents dégénèrent en nouveaux affrontements avec la police ; un nouveau bilan établi par un responsable syndical fait état d'au moins cinquante morts et le personnel de l'hôpital de Kasserine proteste officiellement « contre le nombre élevé de victimes et la gravité des blessures »44. À Tunis, les étudiants manifestent et la police anti-émeute assiège l'Université El Manar dans laquelle des centaines d'étudiants se sont retranchés45. À Ettadhamen-Mnihla, dans la banlieue de Tunis, des violents heurts éclatent entre les forces de l'ordre et les manifestants qui saccagent un magasin et incendient une banque46.
Des émeutes de cette ampleur sont rares dans ce pays : ce sont les troubles les plus importants auxquels le pays ait été confronté depuis les émeutes du pain, en 1984, ainsi que le rapporte le journal Le Monde24.
Le président Ben Ali reprend la parole le 10 janvier pour dénoncer les « voyous cagoulés aux actes terroristes impardonnables […] à la solde de l'étranger, qui ont vendu leur âme à l'extrémisme et au terrorisme ». Il annonce la création de trois cent mille emplois en deux ans et la fermeture temporaire de tous les établissements scolaires et universitaires47. Quelques minutes après le discours du président, des émeutes éclatent à Bizerte ou des manifestations lycéennes ont eu lieu dans la matinée. Les émeutiers affrontent les forces de l'ordre dans divers endroits de la ville et mettent le feu au bureau régional de l'emploi. Des scènes similaires sont enregistrés à Gafsa48.
Le 12 janvier, une grève générale est déclenchée à Sfax. Une manifestation ressemble environ 50 000 citoyens. Les slogans sont devenus clairement politiques. Le local du RCD est attaqué et brûlé49. Le Premier ministre Mohamed Ghannouchi annonce le limogeage du ministre de l'Intérieur Rafik Belhaj Kacem ainsi que la libération de toutes les personnes arrêtées depuis le début du conflit dans l'optique d'apaiser la révolte. L'après-midi des affrontements se produisent à Bizerte et à Jbeniana où les forces de l'ordre se retirent. À Bizerte, on assiste à des scènes de saccage de certains commerces. Les habitants de la ville soupçonnent des miliciens d'être derrière les pillages et commencent à s'organiser en groupes d'auto-défense50.
Les annonces ne calmant pas le mouvement, Zine el-Abidine Ben Ali annonce le 13 janvier au soir qu'il ne se représentera pas en 2014 au poste qu'il occupe ; il donne aussi l'ordre à la police de ne plus tirer sur les manifestants, promet la liberté pour la presse et Internet et annonce une baisse des prix de certains produits alimentaires de base51,52.
Le lendemain, l’armée est déployée à Tunis. En dépit de cela, de nouveaux affrontements, qui éclatent au cœur de Tunis, sont réprimés par les forces de l'ordre par le biais de tirs de gaz lacrymogènes. En fin d'après-midi, le leader communiste Hamma Hammami est arrêté à son domicile près de la capitale. À Douz, dans le sud du pays, deux civils sont tués53 dont un Français d'origine tunisienne54. Un autre mort est rapporté à Thala et cinq civils sont blessés par balle à Sfax53. Au matin du 13 janvier, la Fédération internationale des droits de l'homme affirme détenir une liste nominative de soixante-six personnes tuées depuis le début des événements55. Un jeune manifestant est tué par balles au cœur de Tunis dans l'après-midi alors que des troubles éclatent dans la station balnéaire d'Hammamet où un poste de police et une permanence du parti au pouvoir sont détruits ainsi que des résidences cossues, dont l'une appartiendrait selon des habitants à un proche du chef de l'État56.
Le 14 janvier 2011 à 15 h 15 GMT, le président Ben Ali annonce le limogeage du gouvernement et des élections législatives anticipées dans les six mois, puis à 16 heures GMT, décrète l'état d'urgence et le couvre-feu57,27.

Renversement du régime[modifier]

Fuite de Ben Ali[modifier]

Le président déchu Ben Ali avec en arrière-plan le portrait d'Habib Bourguiba
Cependant, la contestation prend encore de l'ampleur tandis que l'armée refuse de suivre Ben Ali et protège les manifestants contre les policiers, ce qui contraint le président tunisien à quitter le pays à l'instar d'une partie de ses proches58 et à se rendre en Arabie saoudite après une escale à Malte59. Ce départ se fait dans l'espoir d'un retour rapide que devait susciter le chaos orchestré par les services de l'intérieur et la police présidentielle, dans un plan imaginé par le général Ali Seriati, chef du renseignement et patron de la garde présidentielle, Abdelwahab Abdallah, proche conseiller de Ben Ali et dont l'épouse préside la Banque de Tunisie, ainsi que parAbdelaziz Ben Dhia, directeur de cabinet du président60.
Plusieurs membres de la famille Trabelsi sont arrêtés avant de pouvoir fuir le pays. Une rumeur prétend qu'Imed Trabelsi, symbole de la corruption de l'ancien régime61, a trouvé la mort dans les troubles62, ce qui sera démenti plusieurs jours plus tard par les autorités faisant état de son arrestation63 puis de sa fuite à l'étranger64.
Aux alentours de 18 heures, le Premier ministreMohamed Ghannouchi, annonce qu'il entend assurer la présidence par intérim au nom de l'article 56 de la constitution65. Mais dès le lendemain, le président du Parlement tunisien, Fouad Mebazaa, est proclamé Président de la République tunisienne par intérim par le Conseil constitutionnelen vertu de l'article 57 de la Constitution, écartant ainsi la possibilité d'un retour à la tête de l'État de Zine el-Abidine Ben Ali, contrecarrant ainsi le plan de retour imaginé par la garde rapprochée présidentielle60. Fouad Mebazaa est chargé d'organiser l'élection présidentielle à venir, que la Constitution prévoit normalement dans un délai de soixante jours.

Exactions et pillages[modifier]

Interventions de militaires tunisiens, le 15 janvier 2011
Dès le soir du 14 janvier et les jours suivants, des bandes de fidèles du régime benaliste, armés et utilisant des 4x4, parcourent les rues de Tunis puis des autres villes de Tunisie, afin de semer la terreur et le désordre66,67. Le 16 janvier, à la suite des nombreuses exactions et pillages opérés par des bandes armées de miliciens, un mandat d'arrêt est lancé contre le général Ali Seriati, chef de la sécurité de Ben Ali, accusé de fomenter ces manœuvres de déstabilisation68 et de « complot contre la sécurité intérieure de l'État ». Ce dernier est arrêté alors qu'il tente de fuir en Libye. Les Tunisiens s’organisent en comités de quartier pour se protéger : selon Benoît Delmas, la révolution s’est joué dans ces cinq jours-là. Ben Ali n’est pas revenu, mais l’union nationale ne s’est pas créée66.
Par ailleurs, Kaïs Ben Ali, neveu du président déchu et potentat de M'saken y est interpellé par l'armée69Rafik Belhaj Kacem, le dernier ministre de l'Intérieur de Ben Ali, limogé le 12 janvier, est à son tour arrêté dans sa région natale de Béja70.
Barrage routier mis en place par un comité de quartier, 17 janvier 2011
Le diplomate et écrivain Mezri Haddad, ambassadeur tunisien démissionnaire auprès de l'Unesco, accuse Ben Ali d’avoir « prémédité l’anarchie » en vue de reprendre le pouvoir, fournissant des armes et de l'argent à sa garde rapprochée afin de provoquer la guerre civile tout en sollicitant une intervention militaire libyenne71. Le gendre de Ben Ali, Slim Chiboub, affirme que huit cents voitures remplies d'explosifs ont été disséminées à travers tout le pays par les dirigeants de la police tunisienne, principalement à Tunis72. L’action des milices pro-benalistes est soutenue par le dictateur libyen Kadhafi, qui les accueille selon Pierre Vermeren dans l’émission présentée par Marie-France Chatin, « Les révoltes arabes, six mois après », Radio France internationale, 26 juin 2011</ref> et les laisse installer des bases en Libye73.
Dans la capitale et en province, les citoyens s'organisent — parfois avec le soutien de l'UGTT — en comités de vigiles pour défendre leurs quartiers face aux pillards qui ont désorganisé les circuits de distribution des denrées de première nécessité, occasionnant un début de pénurie dans la capitale74.

Troubles dans les prisons[modifier]

By  | January 15, 2011  | PoliticsSociety | 16 comments
Le soulèvement populaire qui secoue l’ensemble de la Tunisie depuis près de trois semaines étonne et surprend le monde entier par sa nature spontanée, sa propagation rapide et la radicalité de ses revendications. C’est lentement et en silence que le combustible de cette contestation a été accumulé et alimenté par le régime en place depuis 23 ans. Une souffrance que le peuple a supporté comme un prix à payer pour accéder à une meilleure vie. La science politique avait pourtant, et depuis longtemps, mis en garde contre le maintien des régimes autoritaires qui ne répondraient pas aux besoins réels de la société dont ils s’autorisent à confisquer les libertés civiles et les droits individuels. Cette confiscation était vue (imposée par les conseillers étatiques, les experts analystes, les agences internationales, FMI, BM, G20, ONU etc.) comme un mal passager pour réaliser un bien durable qui est le développement économique.
Depuis lors on a découvert que le mal se reproduit lui-même et ne fait pas de place pour le bien. On a découvert surtout que les dictatures étaient coûteuses, néfastes et destructrices. Les pays d’Amérique Latine ont presque tous été conduits sur ces chemins sans issues. Les peuples du Chili, d’Argentine, du Brésil, d’Urugway et les autres, ont fini par se libérer du joug des dictatures sanglantes. Dans un premier temps, ils ont procédé à des transitions de diverses formes qui les ont aidé à chasser les dictateurs, l’un après l’autre. Dans un deuxième temps, ils ont décidé de traduire tous les criminels en justice, les têtes dirigeantes ainsi que tous ceux qui se sont impliqués dans les pratiques inhumaines de torture, d’assassinats, d’enlèvements, de viols, de disparitions et de destruction de vie et de biens. Bon nombre de ces bourreaux ont été condamné à la prison pour le restant de leurs jours.
En Tunisie, en 23 ans de règne le régime de Ben Ali n’aura été qu’une dictature défaillante qui a étouffé la vie sociale sans jamais réussir un développement économique audacieux, harmonieux, créateur de richesse et d’une prospérité véritable, durable, rassurante pour le présent et le futur de toute sa population.
Contrairement à sa propagande, au lieu de dynamiser la vie des tunisiens, son régime l’a implosée. À travers la planète bien des pays se sont développés au point de concurrencer les grandes puissances, la Corée du Sud, après le Japon, Singapour, Taïwan, la Chine, la Turquie, l’Indonésie et bientôt le Vietnam avec bien d’autres peuples dont les Brésiliens et les Indiens se sont développés parfois en des temps records. Pendant ce temps le régime Ben Ali s’est donné pour spécialité le travestissement de la vérité, le maquillage du pays et la répression de toutes les forces vives et le petit peuple. Fidèle à lui-même, qui se teint les cheveux pour paraître jeune, son régime a maquillé le bord de mer du pays en y installant d’innombrables hôtels et terrains de golf alors que l’intérieur du pays a été ignoré, cédé aux petits pillards et à la milice du parti RCD. L’intérieur de la Tunisie, à partir du nord, son centre et son sud sont restés exsangues, en proie à une vie de misère et de pauvreté sans aucun espoir de jours meilleurs. À l’opposé, dans le pays urbain et côtier, Ben Ali a développé un univers factice où le paraître devient plus important que l’être où la médiocrité et le mauvais goût sont célébrés comme des réussites, des miracles. La remise en cause, le doute, la plainte voire même le gémissement, deviennent intolérables, synonymes de trahison, de complot, de sabotage ou d’atteinte aux «intérêts supérieurs du pays» Intérêts que le dictateur, lui seul, détermine et adapte à ses besoins personnels et ceux de ses protégés aux dépens du reste de la société.
L’homme est prévoyant, il est allé jusqu’à se faire voter, par l’assemblée nationale tunisienne, une immunité perpétuelle pour lui et sa famille. La tradition destourienne bien établie aidant, celle de l’adoration et du culte du chef, le dictateur n’a eu aucun mal à s’installer dans une sorte de sacralité maladive. La crainte qu’il inspire à tous ceux qui l’entourent l’a rendu implacable, inapte à la négociation, incapable de céder à qui que ce soit sur quoi que ce soit. Toute concession doit revêtir obligatoirement l’apparence d’une décision bienveillante, apparaître comme l’émanation de la générosité personnelle du «mâle le plus dominant parmi les dominants». Les ingrédients de la tragédie de Ben Ali, qui sont l’insignifiance et la brutalité, font que ce qu’il réclame du peuple, obéissance et soumission, il le demande comme un dû, un acquis de droit divin sacré et inviolable. C’est un homme du passé, du passé historique en général et de son passé personnel en particulier. Il n’a pas été longtemps à l’école mais a longtemps vécu dans les casernes. Or la Tunisie n’est pas une caserne et ne l’a jamais été. Elle est, au pire, une sorte de lycée ou d’université dans les recoins de laquelle s’aglutine une jeunesse instruite, responsable, ouverte sur le monde et consciente des défis et exigences de son époque. Au contraire du pays réel et bien vivant, le régime en place depuis 23 ans n’a jamais habité le temps du monde, l’époque actuelle et ce qu’elle requiert de tous pour réaliser une vie meilleure, digne et sans sacrifices atroces d’une partie de sa jeunesse.
Ce décalage entre le pays réel et ceux qui le dirigent fait partie du combustible qui nourrit le soulèvement d’un peuple contre l’insignifiance et la brutalité. Toute légitimité pour ce régime est perdue, depuis longtemps, toute confiance en ses promesses a été épuisée, depuis longtemps aussi. Pour les observateurs qui suivent la réalité tunisienne, le bouleversement actuel aurait du se produire au moins dix ans plus tôt. Les politiques de terreur qui ont secoué la planète, avec Georges Bush et la droite américaine, ont permis de retarder cette échéance. Mais comme on peut le voir aujourd’hui, il n’aura fallu que le geste sans bavure et sans appel, posé par un homme sans malice mais ô combien noble et courageux, qui, dans la noirceur ambiante a distingué le bouton d’allumage, le bâton d’allumette, pour enflammer tout le pays, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, depuis le 17 décembre 2010. Cet homme s’appelle Mohammed Bouazizi de Sidi Bouzid. Tout le pays s’est soulevé comme un seul homme, une certitude s’est emparée des exclus et des autres : c’est le temps de changer de vie, c’est le temps d’arracher les libertés, toutes les libertés confisquées.
Ils se sont mis en marche contre tous les oppresseurs et les usurpateurs quel que soit leur nombre, quels que soient leurs moyens de réplique, le citoyen a divorcé avec la peur, il veut en finir avec son instrument.
Le mouvement, de compassion et de solidarité, a été spontané comme une simple déduction de bon sens et d’instinct, tirée du réel.
Après tout, ce qui est arrivé à Bouazizi peut arriver à tout le monde, à tous les sans travail, sans pistons, sans rêves ni destinées, il y en a plein les cafés. La douleur sincère pour le sort du jeune père de famille devient indissociable d’une indignation profonde envers le régime, ses clans, ses petites mafias et ses méfaits. Puis le gouvernement défaillant, habitué à ne rien voir ni entendre des cris de détresse, trop sûr de ses moyens et de ses méthodes, aveugle devant la réalité sociale de la population, va jeter encore plus de combustible sur le feu qui embrase déjà les cœurs et les esprits.
Vers où nous allons?
Le mouvement populaire spontané dans son déclenchement, restera spontané dans son évolution et son déploiement. Cette affirmation tirée du réel ne signifie pas qu’il se limitera à l’expression de slogans et de cris de rejet de la dictature. Au contraire il est dynamique, fécond et riche de sa liberté par rapport aux organisations et les structures d’encadrement qui pourraient le détourner de son cours. Désormais la révolte spontanée se nourrit de l’action du régime lui-même, que celle-ci soit de répression ou d’apaisement. La répression relance l’action populaire qui vise à la faire reculer ou cesser. La répression augmente le nombre des participants à la révolte en amenant vers ses rangs plus de personnes et plus de revendications latentes que le régime a pris coutume d’ignorer. Les mesures d’apaisement sonneront faux, désormais, elles sont le signe qu’enfin la rue a une prise, un impact sur une machine froide et sans âme qui a broyé les rêves de sa jeunesse des années durant. Les promesses ne signifient plus rien de fiable pour réparer des dégâts accumulés sur plus de deux décennies. L’homme est un menteur. Le rappel des échecs répétés du passé, confirment la pertinence, la nécessité et l’urgence de l’effort à consentir pour mettre un terme final à ce qui a trop duré, la dictature de Ben Ali et de son entourage.
Un destin grandiose
L’activité spontanée n’a pas de chef ni d’objectif préétabli ce qui la rend plus dangereuse pour les régimes contestés, bien plus que les formes de lutte traditionnelles comme les grèves et les protestations organisées. Dans ces cadres traditionnels les mots d’ordre, les slogans, les objectifs et les étapes, sont décidés d’avance. Les organisateurs de ces mouvements se donnent pour responsabilité de circonscrire tout débordement, voire tout mot d’ordre non programmé. À l’heure actuelle, en Tunisie, le mouvement se poursuit en dehors de ces contraintes. Il y a peu de chance, voire très peu, pour qu’une organisation quelconque vienne prendre la direction de ce mouvement aux foyers multiples, pour lui dicter une limite. C’est la nouveauté du soulèvement tunisien, improvisation et spontanéité vont ensemble et tout indique aujourd’hui qu’un retour vers le statu-quo anté est simplement impossible. Un nouvel état de situation existe, l’édifice érigé par le dictateur est en train de se fissurer et de craquer sous le poids du doute quant à l’issue de la confrontation avec un peuple sans peur et sans contraintes d’aucune sorte. Ce n’est pas l’anarchie, la culture millénaire, les valeurs de respect de dignité de solidarité et de fraternité sont un acquis social préservé contre la dictature et ses menées d’acculturation et de déracinement identitaire. Des valeurs nobles qui ont traversé les siècles garantissent le présent de ce soulèvement et et le futur de la Tunisie et de son peuple.
À cet égard l’inplication de n’importe quelle force étrangère de répression ne sera que veine et sans effet. La fissuration de la dictature ne manquerait pas de paralyser les appareils de l’État, ceux, en particulier, chargés de la répression tout comme les autres qui complètent son ossature. Si d’aventure une puissance étrangère se porte à la rescousse de sa médiocre créature pour la protéger du peuple, ce serait un événement qui précipiterait la révolution populaire. Ce geste impensable apporterait au peuple un renfort de forces militaires et policières dissidentes, il soulèverait le reste du monde contre sa politique et son action. La lutte du peuple tunisien pour la liberté, la justice, le travail et la dignité va triompher du dictateur malgré et peu importe les appuis étrangers et leur espèce.
La spontanéité du mouvement des masses reste encore garante de son extension et sa continuité. Elle réduit la marge de manœuvre du dictateur et de son entourage de requins qui finiront par le sacrifier. Ils diront alors qu’il était la source de leurs malheurs, la cause unique des problèmes et qu’ils ne l’avaient jamais envisagé comme partie de la solution. Ce sera conforme à leur nature de menteurs.
Dès lors qu’une partie de cette classe politique piteuse, avec la variété de ses secteurs, fera apparaître son désaccord avec la main de fer du régime, parce que neutralisé par les masses et rendue inefficace face au mouvement populaire, il n’y aura plus de régime Ben Ali. Ce sera Nismit el horriya, Mabrouk ya bladi. Le changement radical deviendrait réalité.
Le futur est moins incertain que le passé
Tous ceux qui prétendent encore et toujours que l’opposition tunisienne n’est pas une alternative crédible, devront se taire.
Les hommes et les femmes qui n’ont jamais plié devant le tyran et sa terreur durant la totalité de son règne, ces hommes et ces femmes sont ce qu’il y a de plus honorable et respectable parmi les intellectuels et les instruits et honnêtes gens de ce pays. Ils sont à la disposition du peuple en marche. Ils sauront nettoyer le pays de toute la crasse dont l’a comblé le médiocre militaire, sa famille et ses proches. En Tunisie je ne citerais que Mohammed Abbou et Radhia Nasraoui qui pourraient constituer un gouvernement de transition avec la garantie que le mouvement social se reconnaîtra en eux. Mais Marzouki, Chebbi, Jribi, Hammami, Larayedh, Hajji, Ghannouchi, Ben Sedrine et autres cadres syndicaux, des centaines d’autres, sont autant d’hommes et de femmes dignes, probes, courageux et compétents. Si notre pays a besoin d’une chose c’est bien de la fin de la dictature, l’avenir de la Tunisie ne sera jamais aussi horrible que son passé non lointain. Le temps du monde et l’évolution des peuples à travers l’univers où nous vivons, nous indiquent le chemin. Le peuple tunisien a besoin d’hommes et de femmes de la trompe d’un Lula ou d’un Mandela, nous avons besoin des meilleurs et il y en a beaucoup parmi lesquels choisir.
L’opposition marginalisée, laminée, étouffée, emprisonnée, torturée et affamée, par Ben Ali et sa propagande, reste vivante au service du peuple en révolte elle est un réservoir des meilleures ressources humaines. Toutes autres prétentions sont propagande et brouillage. L’opposition dans la diversité de ses composantes reste le meilleur allié du peuple, elle est celui qui protégera ses acquis et défendra les fondements démocratiques et populaires qu’il aura choisi.
Un nouvel ordre politique, social, culturel et économique devra voir le jour d’ici peu. Il serait accouché sur les décombres de la dictature et du néocolonialisme qui ont étouffé la Tunisie et la vaste majorité de ses habitants. Les conditions de ce dénouement pourraient comporter d’autres sacrifices et d’autres destructions de la part d’un dictateur et sa clientèle, locale et étrangère, aux abois. L’on ne devrait pas oublier cependant que comme tout accouchement la douleur atroce restera supportable parce qu’elle est chargée de délivrance pour la mère (patrie) et de bien des espoirs pour le nouveau-né, l’ordre nouveau.
Vive le peuple tunisien, Vive la révolution de la jeunesse!”

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