« Montrouge, we’ve got a problem ». C’est bien facile, les gars de La Croix, de me coller de présidentielle (et je vous en remercie)… mais vous avez vu ce qu’ils nous en font ?! Ils nous gâtent le métier. Tout le monde le répète, et Dany l’ex-Rouge le dit crûment, elle « n’intéresse pas les Français ». Et Français, je le suis. Mercredi, voyant poindre la fin de semaine, j’ai saisi fébrilement la télécommande : il était là, peut-être, le sujet d’intérêt qui m’avait échappé ailleurs. J’ouvre Public Sénat. Le thème de l’émission ? « La campagne n’intéresse pas les Français ». Vous m’en direz tant. Et puis, il y a eu ce bonhomme, là, qui a dit cette phrase : « il n’y a plus de rêve possible ».
Ce n’était même pas un regret. C’était un constat.
Plus de rêve possible. Hollande a remisé sa prétention de « réenchanter le rêve français ». D’abord parce que « le rêve » et puis que « réenchanter »… On élit un président, pas la fée Clochette. Il en reste donc au »président normal ». Pour être un président normal, on fait le candidat normal. Sans plus. Sans fioriture. Sans surprise, sans aspérité ni fantaisie. Sans flamme. Tranche d’imposition à 75%, fusion IR-CSG, quotient familial, euthanasie, laïcité et, dernièrement, filière numérique : à chaque proposition qu’il voudrait un peu forte, il saisit la gomme, le rabot, il s’empresse de faire machine arrière. Il est (lui aussi) dans un tel contrôle, une telle précaution, qu’il escamote son identité. Sa « spontanéité » a « laissé place à une communication amidonnée« . Son souci de ne pas être Nicolas Sarkozy est tel qu’il en oublie d’être François Hollande. Il est l’anti, juste l’anti.
Même son affiche est une réplique. Nicolas Sarkozy a-t-il célébré plusieurs fois le « manteau de cathédrales sur la France » ? François Hollande le revendique : il a biffé les clochers de nos terroirs.
Son affiche est dite « pompidolienne« , façon aimable de dire « bourgeoise et dépassée », et elle ferait du candidat « un homme sans qualités particulières« . Pourtant, c’est pas qu’il sache pas ce que c’est, une campagne présidentielle. Il le déclare : « L’élection présidentielle est une rencontre. Entre un moment, une espérance portée par notre pays, et un homme ou une femme pour l’incarner ». François, elle est où ton espérance ?
Et l’autre. L’autre, on sent bien le frémissement. « Pour gagner, il faudra être soulevé par une vague qui vient des profondeurs du pays. Cette vague, c’est vous », dit-il. Je vais vous faire une confidence : j’aimerais bien être. Parce que j’aime bien l’engagement, que je rêve d’enthousiasme. C’est lui qui ne veut pas de moi. En tout cas, pas maintenant. Après le premier tout, je serai bien aimable de faire le supplétif. Pour le moment, on parle sécurité, immigration et frontière. Face à la crise, on joue le repli. Et le repli ne fait rêver personne, outre le fait qu’il est de courte vue.
Il n’y a plus de rêve possible, par la faute des candidats. Il n’y a plus rêve possible, parce qu’on ne peut plus rien dépenser, comprend-on. Les politiques en sont donc rendus là. Il n’y aurait de politique possible que si l’on allonge des moyens. Bien sûr, nous avons des raisons de nous méfier des simples discours. Mais un pays a besoin d’un projet et aucun des deux candidats entre lesquels se jouera l’élection ne porte un projet. Aucun des deux ne fournit un cap, aucun des deux ne propose une cohérence.
Serait-ce une erreur politique, serait-ce de la naïveté, que de faire une campagne sur les atouts indéniables et persistants de la France ? Sur un Etat relayant l’initiative privée, l’engagement citoyen, puisque les comptes publics imposent de ne plus se reposer sur l’Etat ? Sur l’instauration d’une société de la confiance, de la considération ? Chacun la mérite et chacun rêve de la voir reconnaître : le jeune de banlieue, le patron, l’enseignant, la caissière, l’agriculteur… De proposer le rêve d’un pays qui se ressoude pour rayonner encore ? On me dira que ce ne sont que des mots. Cela peut pourtant partir de simples projets communs, à l’instar du projet d’exposition universelle à Paris en 2025.
Le rêve est encore possible. Nos comptes publics ne l’interdisent pas. Ce sont nos candidats qui ne l’ont pas voulu.
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La rédaction