Vous êtes en visite à l’hôpital. Vous entrez dans la chambre de ces trois personnes, mourantes. Quelle est votre réaction spontanée : (a) apaiser leur souffrance et les entourer d’affection ou (b) les piquer ? (*) La réponse donnée est une bonne indication de votre conception de l’humanité.
Pour le commanditaire de cette campagne de publicité, l’ADMD, il n’y a qu’une réponse valable. Et la question qu’elle pose est censée porter en elle sa réponse :
« Monsieur (Madame) le (la) candidat(e), doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur l’euthanasie ? »
L’ADMD postule qu’une unique réponse est possible : l’euthanasie. En postulant également que ces trois personnes n’ont pas pu se mettre en situation pour déterminer leur position, qu’elles n’ont aucune expérience de la vie et de la mort, qu’elles n’ont jamais croisé cette dernière, n’ont connu aucun proche malade, elle feint de croire qu’une seule option serait possible dès lors que l’on serait informé. Les autres convictions sont celles des gens froids, insensibles, dépourvus d’empathie comme d’intelligence.
C’est qu’à l’ADMD, l’émotion, on connaît. Et l’on n’est pas surpris que cette association ait choisi le pire moment politique pour lancer le plus fondamental débat de société avec une campagne de publicité d’une odieuse violence. On ne sera pas non plus surpris qu’à l’ADMD, la notion de respect de la personne n’ait pas été assez présente pour les retenir d’infliger à ces trois personnes – certes, publiques – la violence de les grimer en mourants.
Puisque l’ADMD soumet déjà l’opinion publique à la dictature de l’émotion, pourquoi ne soumettrait-elle pas les politiques à la pression de l’élection ?! Dans les deux cas, la technique employée devrait alerter les acteurs du débat, et tout citoyen : quel est donc ce besoin d’occulter la raison ? Pourquoi lui préférer l’émotion de cas médiatiques habilement manipulés ? Pourquoi choisir la pression d’une élection présidentielle dont on sait bien (et on le constate chaque jour) qu’elle n’est paradoxalement pas le temps des débats de fond ? De quel débat l’ADMD a-t-elle peur, elle qui se dit forte de sondages attestant d’une quasi-unanimité des Français en faveur de l’euthanasie (à relativiser fortement par leur méconnaissance compréhensible du sujet) ? Elle qui peut également compter sur la position affirmée, quoique confuse, d’un candidat que tous les sondages donnent vainqueur ?
Tugdual Derville vient de publier un livre d’intérêt public : La bataille de l’euthanasie. Comme La Croix s’en faisait l’écho, il est allé au plus près de chacune des « 7 affaires qui ont bouleversé la France », pour rappeler, avec une grande humanité, comment à chaque fois on a privé l’opinion publique de sa raison pour la soumettre à l’émotion.
Rappeler comment l’ADMD a soutenu Christine Malèvre jusqu’à écrire: « Est-il aujourd’hui impossible de dire en France, qu’elle a été touchée par la grâce, qu’elle est une sainte moderne qui a sauvé des vies de l’enfer parce que l’enfer est ici bas et qu’il prend la forme de la douleur physique ? ». La justice, pourtant clémente en la matière, la condamnera à 12 ans de réclusion criminelle.
Rappeler comme le témoignage des soignants de Vincent Humbert a été écrasé sous le rouleau médiatique pour ne laisser entendre qu’une version. Pourtant, la volonté même d’être euthanasié de celui que la France entière avait prestement condamné à cette fin est mise en doute.
Rappeler que, si Chantal Sébire était certainement une femme d’une volonté admirable, si elle avait certainement ses raisons et le droit de refuser tout traitement et de soigner son cancer au seul paracétamol, son cas ne peut pas servir à engager ce bouleversement anthropologique fondamental que serait la légalisation de l’euthanasie.
Au bout du compte, souligner que si l’ADMD ne trouve pas mieux que des cas qui sont autant de contre-exemples, alors l’opinion doit se ressaisir et revendiquer l’usage de sa raison, contre la manipulation par l’émotion. Et les politiques, refuser le chantage électoral.
*
Cette campagne est d’autant plus odieuse qu’elle est inutile puisque les partisans de l’euthanasie sont en passe d’arriver à leurs fins.
Emmanuel Hirsch souligne ainsi que le Sénat a démarré des auditions « dans la perspective probable d’un vote expéditif de la proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir présentée le 31 janvier 2012 par le groupe socialiste et les apparentés ».
Il ne manquera plus qu’un vote de l’Assemblée Nationale nouvellement composée pour que l’euthanasie soit légalisée en France.
Parce que, en période de crise budgétaire, c’est une mesure qui ne coûterait rien, elle pourrait tout à fait se retrouver à l’ordre du jour de la première session parlementaire. Pour le symbole.
Et les parlementaires voter cet été l’hiver de notre humanité.
De cela aussi, les électeurs doivent être conscients.
(*) La question est sommairement posée, je le reconnais. Disons que l’on reste ainsi dans l’ambiance de la campagne.
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La rédaction