L’expression "printemps arabe" employée par les médias français et autres pour qualifier les événements qui se sont produits dans un nombre restreint de pays arabes fait référence "au printemps des peuples" de 1848 en Europe. Or, cette analogie historique est injuste du fait que la révolution européenne du 19e siècle (bourgeoise par son contenu économique et social) visait le renversement des monarchies. Si, on veut contre l’évidence trouver une analogie historique entre la révolution européenne du 19e siècle…alors il faut prouver que les nobles pour faire simple de l’époque se sont couverts à l’instar des monarchies islamistes du Golfe du drapeau «printemps arabe».
Nous avons pu voir qu’en 2011 l’impérialisme et les monarchies arabes se sont couverts du drapeau de la révolution pour susciter l’ingérence dans les affaires intérieures des pays arabes. En dehors, de la Libye et de la Syrie (la Libye de Kadhafi a été détruite par une agression impérialiste et les forces de la trahison nationale, tandis que la Syrie oppose une résistance efficace, opiniâtre à un complot de même nature), tous les pays qui ont vécus un "printemps arabe" sont tombés de Charybde en Sylla ; c’est-à-dire qu’ils sont passés de la dictature laïque entre guillemets à la dictature théocratique sans guillemets.
Les gouvernements islamistes en Egypte, en Tunisie, au Maroc n’ont aucunement l’intention de rompre avec la situation économique et sociale qui prévalait dans ces pays avant leur installation au pouvoir. Cela est prouvé par les premiers actes qu’ils prirent. Ceux-ci portèrent non sur la lutte contre la corruption, la fuite des capitaux, l’inégalité des rapports économiques avec les Etats capitalistes avancés, l’égalité et la justice sociale, mais "la moralisation" des mœurs en édictant des principes et des règles dont les gens doivent se conformer. Le monde à l’envers : au lieu que c’est le peuple qui éduque un mauvais gouvernement c’est le gouvernement qui éduque le peuple. On conçoit aisément qu’un gouvernement qui laisse en l’état l’ordre injuste des choses voit s’unir autour de lui tous ceux qui avaient été les soutiens et les représentants de l’ancien régime ou du régime en place comme le Maroc.
A l’origine des événements. L’immolation et la mort du jeune Bouazizi à Sidi Bouzid, en décembre 2010, provoque la colère dans la population tunisienne. Tout ce qui s’était accumulé pendant des dizaines d’années d’oppressions, de répressions, de vexations et d’humiliations du régime de Ben Ali, éclate au grand jour. Des millions de fois la population avait laissé passé les affronts et la millionième fois fut de trop….l’huile couvait sous le feu ! La foule éprise de liberté et fière, rage et folle des brimades, de l’arbitraire et des passages à tabac se révolte et chasse Ben Ali, contraint de s’enfuir à l’étranger sous les moqueries, les hués et les sarcasmes de la population.
La révolte s’arrêta au départ du dictateur ! On nous a dit que «cette révolution» a été l’œuvre de la population, à commencer par les professions libérales, les étudiants et pour finir par les ouvriers. La population s’était unie contre Ben Ali, contre la dictature, pour faire triompher le droit, la liberté et la démocratie. Il faut convenir à l’encontre de cette thèse que si Ben Ali ou Moubarak sont partis, c’est parce qu’ils ont été abandonnés, y compris par leur propre armée et leurs amis impérialistes, qu’ils s’étaient trouvés isoler, privés de tout appui sérieux.
Le principal enseignement qui ressort du "printemps arabe" c’est que le départ du dictateur n’est pas l’essentiel. L’essentiel c’est qu’est-ce qui a été obtenu avec le départ des dictateurs ? La situation économique et sociale s’est elle s’améliorée ? Non. Les peuples ont-ils un gouvernement révolutionnaire qui incarne leurs aspirations démocratiques et leurs revendications économiques ? Non plus. Ainsi comme on le remarque l’essentiel n’est pas la chute du dictateur, mais ce qui est parti avec lui, d’une part, et d’autre part, ce qui a été obtenu. Cependant, ces remarques ne doivent pas nous amener à la conclusion que le "printemps arabe" n’a servi à rien en Egypte, en Tunisie et au Yémen ; bien au contraire, il a fait germer dans la conscience des masses l’idée de la révolution ; il a remué le mouvement démocratique dans le monde arabe ; il a un effet dissolvant sur les institutions pourrissantes des monarchies médiévales du Golfe ; il a révélé au grand jour les relations entre l’islamisme et l’impérialisme en Libye, en Syrie, etc.
Quel regard porte les peuples arabes sur les islamistes au pouvoir en Tunisie, en Égypte, au Maroc ? Ils retiennent qu’ils sont incapables de s’attaquer aux fléaux endémiques qui rongent leur société depuis des lustres. Ils constatent que la promesse d’une vie meilleure ne s’est pas pour aujourd’hui ni demain. Les salaires de ceux qui ont un travail n’ont pas augmentés et le "pain et le travail" ne sont pas assurés à la masse toujours plus grande de chômeurs.
Mais la liberté ? Le "printemps arabe" n’a-t-il pas apporté la liberté de choisir son gouvernement. Accorder au peuple le droit de choisir périodiquement le gouvernement qui foulera aux pieds ses revendications n’est pas la démocratie (démos "peuple"). La démocratie signifie le pouvoir de la classe dominante, même dans la république la plus démocratique. Dans une société divisée en classes sociales aux intérêts antagoniques il ne peut y avoir une démocratie, pour tous, au service des exploiteurs comme des exploités. Dans notre période contemporaine la démocratie ne peut être que bourgeoise ou prolétarienne. Tout pouvoir d’Etat appartient toujours à la classe dominante. L’expression classe dominante ne veut pas dire classe exploiteuse puisque dans une société socialiste le prolétariat est la classe dominante au moyen de la dictature du prolétariat. Ceux qui brandissent comme un épouvantail la dictature du prolétariat et ironisent sur la "dictature de la bourgeoisie" oublient que l’une comme l’autre sont les deux aspects d’une même analyse.
Nous entendons beaucoup de belles phrases sur la liberté, la démocratie, le peuple souverain, la fin de la dictature et autres belles choses. Ceux qui pensent et ne croient pas sur paroles ce qu’ils entendent ou lisent sur la liberté se rendent comptent que la liberté sans le pain et le travail est un acte formelle, une tromperie et une duperie. Le mouvement ouvrier a toujours lutté pour la liberté politique, a toujours démasqué l’hypocrisie de la bourgeoisie qui s’est servi et se sert du mot de liberté et des droits de l’homme pour peindre en couleur rose les chaînes rivées aux pieds des esclaves salariés.
J’ai cru nécessaire d’apporter ces remarques sur le "printemps arabe" après avoir lu de nombreux articles sur le sujet dans votre site. Certains décrivaient "le printemps arabe" comme une conspiration, d’autres comme un mouvement spontané. Mais, là n’est pas le problème. Le problème c’est la faible influence politique de la classe ouvrière dans la révolte en Tunisie, en Egypte. Probablement que dans ces deux pays elle n’est pas encore taillée pour diriger la lutte du peuple pour la démocratisation du pays.
Le 17 mai 2013.
Salah Sakhri.
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