Le Journal Algérien « Al-Watan a interviewé la lycéenne tunisienne Amina, qui avait publié sur internet des photos d’elle seins nus barrés des slogans «Mon corps m’appartient, il ne représente l’honneur de personne» ou encore «Fuck your morals» .A la manière du groupe féministe Femen, elle raconte à El Watan Week-end la violence qui s’en est suivie.Nous reprenons la première partie de l’interview avec un renvoi en bas de page sur la source pour terminer la lecture
-Comment avez-vous fait connaissance avec le mouvement Femen ? Et quels ont été vos motifs pour avoir adhéré et défendu cette cause ?
J’ai aperçu une photo des Femen ukrainiennes à Paris sur ma page d’accueil de facebook au mois de juillet et la photo a attiré mon attention, car j’ai aimé cette forme de féminisme exhibitionniste qui, à mes yeux, n’est pas utilisée à des fins pornographiques ou un simple acte gratuit de vulgarité, mais comme un acte porteur d’un message en faveur de la cause féminine. C’est ce qui m’a motivée à publier une photo pour soutenir le mouvement Femen, mais après une mûre réflexion tout en mesurant l’ampleur des conséquences d’un tel acte.
-Et quelles en ont été les conséquences ? Estimez-vous que vous payez cher le prix de votre acte ?
J’ai reçu des menaces de mort de salafistes réclamant la lapidation, l’égorgement ou encore que l’on verse de l’acide sur mon visage. Ma page facebook a de même été piratée et remplacée par le drapeau salafiste avec des propos forts dégradants à mon égard, où l’on me traitait, entre autres, de fille de rue et de femme impudique ayant conclu un pacte avec le diable, et où on qualifiait mon acte d’atteinte aux bonnes mœurs et aux valeurs de l’islam. J’ai même dû changer mon numéro de téléphone. Les menaces étaient incessantes, mais elles ne m’effraient pas et je ne compte pas baisser les bras.
-On a entendu dire que votre famille vous a séquestrée.
Suite à plusieurs jours d’absence – j’avais cherché refuge chez une connaissance–, je suis sortie boire un café avec une amie qui a contacté ma mère pour lui apprendre où je me trouvais. Nous étions assises à la terrasse d’un café à Tunis, lorsque, soudain, mon cousin est arrivé. En me voyant, il s’est précipité sur moi, me jetant à terre et me traînant devant tout le monde. Il m’a forcée à monter dans une voiture avec les mains derrière le dos. Une fois rentrés au domicile de mes parents, il m’a frappée violemment. Mon père est intervenu pour l’arrêter et lui demander de me lâcher.
Ma séquestration a duré plus de trois semaines et j’ai vécu un réel cauchemar. On m’a emmenée de force chez le psychiatre qui m’a prescrit des antidépresseurs. On a de même tenté de m’isoler chez ma grand-mère à Kairouan, la ville sainte de Tunisie, où on m’a imposé des séances d’exorcisme et où deux femmes âgées, pieuses, ont voulu vérifier si j’étais toujours vierge. Je n’avais ni téléphone ni accès à internet. Après plusieurs jours de captivité, j’ai eu le droit de récupérer le téléphone, mais tous mes dires et actes étaient sévèrement surveillés. Je n’avais pas le droit de quitter la maison et même devant les journalistes français qui m’ont interviewée, je ne pouvais pas m’exprimer librement, car mon père était présent.
-Vous êtes une femme libre aujourd’hui, comment avez-vous pu échapper aux griffes de votre famille et vous enfuir ?
Après un mois de captivité, un vendredi, mes parents se sont rendus à un enterrement et pour la première fois, je suis restée seule avec ma grand-mère. Alors qu’elle était au téléphone et que la porte de la maison était ouverte, je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais de prendre la fuite. J’étais pourtant en pyjama et en claquettes. Je me suis enfuie malgré un sentiment de peur et j’ai pris le métro vers Tunis et sur l’avenue Bourguiba, j’ai par hasard, croisé une amie. J’en ai profité pour rentrer chez elle et contacter Inna, porte-parole du Femen en France, en lui dévoilant tout ce qui s’est passé dans un entretien sur skype.
-Et maintenant, comptez-vous militer en Tunisie ou poursuivre votre militantisme à l’étranger loin des menaces de mort ?
J’aimerais tout d’abord reprendre les cours à l’école, mais en Tunisie, je ne peux pas poursuivre mes études car aucun lycée ne veut m’accepter. Mon objectif est faire mes études en France et retourner en Tunisie, car j’aime mon pays. Et je ne compte pas renoncer au militantisme pour la cause féminine dans mon pays, car je n’ai peur de personne et je n’ai pas peur de mourir.
-Est-ce que d’autres femmes en Tunisie se sont alliées à votre cause ?
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La rédaction