«Ils nous envahissent», «Ils ne respectent pas les règles», «Ils ne paient pas d'impôts», «Ils refusent de s'intégrer», «Ils bénéficient de subsides spéciaux pour monter des entreprises». Voici quelques exemples seulement d’accusations fréquentes à l'encontre des communautés d'immigrés en Espagne.
Pour combattre ces préjugés de plus en plus nombreux, le maire de la ville de Barcelone a entamé une deuxième session de formation destinée à des citoyens volontaires, surnommés les «patrouilles anti-rumeurs», dont la mission est de mettre fin aux stéréotypes sur les immigrés.
Les participants sont formés gratuitement en vue d'acquérir les compétences qui leur permettront de dissiper ce type de préjugés. Par exemple, il se peut que, dans des situations du quotidien, que ce soit au travail, dans le voisinage, au supermarché, au club de gym, un agent anti-rumeurs entende quelqu'un dire : «Tu sais, ces immigrés marocains sont en train de faire s’effondrer le système de santé, ils font toujours la queue chez le médecin, avec leurs nombreux enfants... » Ils peuvent alors intervenir et contrer ces opinions en se fondant sur des faits. «Vous savez, en réalité, les autorités affirment que les immigrés vont chez le médecin deux fois moins que les citoyens locaux, et leur système de santé ne coûte à l'Etat que 4,6%de ses dépenses totales en Espagne.»
Selon les données d'un recensement effectué en 2012, les minorités les plus importantes en Espagne sont les immigrés pakistanais (23 281individus), italiens (22 909), chinois (15 875) et équatoriens (15 551), dans une ville qui compte quelque 1 630 000 d’habitants.
Les promoteurs de ce programme, qui existe depuis deux années, auraient pu opter pour une approche idéologique, philosophique ou orientée vers les droits humains. Au lieu de cela, ils en ont choisi une qui est concrète et factuelle.
«Cette approche est plus efficace», affirme Miquel Esteves, membre de la Commission municipale pour l’immigration et le dialogue interculturel. «Notre programme consiste à toujours mobiliser des informations objectives, afin de venir à bout des perceptions erronées, telles que la croyance que les immigrés monopolisent les services sociaux, qu’ils ne paient d’impôt, qu’ils bénéficient d’aides pour monter des entreprises, qu’ils surchargent les services d’urgences ou profitent du système de santé.»
En utilisant des données factuelles et des statistiques, les agents cherchent à démentir la rumeur devant la personne qui la répand.
Au printemps dernier, 436 citoyens ont bénéficié de la formation gratuite offerte par la municipalité. Un nouveau cours commence ce mois-ci, et il comprend des ateliers destinés à analyser la manière dont les rumeurs, les stéréotypes, et les préjugés se forment et se répandent, et sur la manière dont ils entretiennent, au sein de la communauté d’accueil, une opinion négative de ce que la diversité signifie.
Les participants apprennent également à faire face à leurs propres préjugés, préjugés que, selon les instructeurs, ils ne pensent pas avoir.
Parmi les rumeurs les plus courantes qui concernent toute la population étrangère, la plus redoutable est celle qui consiste à dire «ils nous envahissent». Pour la combattre, les agents répondent en ces termes : «En réalité, ce n’est pas vrai, bien au contraire. La population étrangère demeure stable à Barcelone. Les résidents étrangers au 1er janvier 2012 étaient au nombre de 282 178, soit 17,4 % des résidents, alors qu’ils étaient 278 320 au 1er janvier 2011, soit 17,3 % du nombre total de résidents. Il ne s’agit donc pas d’une croissance remarquable. »
Un autre stéréotype courant au sujet des immigrés – « ils ne respectent pas les règles – peut être démenti de cette manière: «Vous savez, entre 2006 et 2011, seul 18 % des amendes dues à des violations d’arrêtés municipaux ont été adressées à des étrangers résidant à Barcelone »
Malgré une crise économique espagnole qui pousse les institutions à réduire considérablement leurs budgets, pas un seul membre de la municipalité – aujourd’hui dirigée par un maire nationaliste et conservateur – n’a suggéré de mettre fin à ce programme.
L’importance d’une cohésion civile au sein de la ville fait l’objet d’un vaste consensus. « Lorsque nous avons commencé… Nous avons découvert que les fausses rumeurs au sujet des immigrés étaient très répandues, qu’elles menaçaient la convivialité, et qu’il fallait à tout prix y remédier», explique Daniel Torres, membre de la Commission municipale pour l’immigration et le dialogue interculturel au moment de la naissance du programme.
De bonnes «rumeurs» se répandent sur le succès de ce dernier. D’autres municipalités dans d’autres régions de Barcelone se sont montrées intéressées par l’établissement de programmes similaires. Elles se procurent le matériel et se font conseiller sur la manière de les mettre en place.
Pour la société civile, il s’agit d’un outil puissant qui lui permet de s’investir dans la promotion du respect dans un contexte urbain… Et c’est une idée qui ira loin.
Maria-Paz Lopez, responsable de la rubrique religion dans le quotidien La Vanguardia
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