dimanche 19 août 2012

Vladimir Poutine et les sorcières des Pussy Riot

Les trois Pussy Riot sont reconnues coupables de "hooliganisme".
Les trois Pussy Riot sont reconnues coupables de "hooliganisme". | REUTERS/MAXIM SHEMETOV

Selon l'article 14 de sa Constitution, la Russie est un Etat laïque. Selon son code pénal, le blasphème n'existe pas dans ce pays. Selon les apparences, la justice y est indépendante.

Qu'importe, un tribunal russe vient de condamner pour "vandalisme motivé par la haine religieuse" trois jeunes femmes du groupe punk Pussy Riot qui, en février, avaient chanté un couplet hostile à Vladimir Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. Emprisonnées depuis, Nadejda TolokonnikovaEkaterina Samoutsevitch et Maria Aliokhina seront envoyées deux ans en colonie pénitentiaire pour trente secondes de provocation contre le président russe. Leurs actes étaient "sacrilèges, blasphématoires et ont violé les règles de l'Eglise", a conclu la juge qui les a condamnées, tandis que les témoins de l'accusation évoquaient des "forces maléfiques" et les "mouvements diaboliques de jambes" exécutés par les jeunes femmes lors de leur prestation de février 2012. En 1692, dans le Massachusetts, les sorcières de Salem avaient été jugées (et exécutées) pour des motifs aussi surréalistes. Au XXIe siècle, la Russie de Poutine renoue avec l'Inquisition. Pour le maître du Kremlin et son "élite en épaulettes" issue du KGB - la policepolitique soviétique, occupée, en son temps, à persécuter dissidents et croyants orthodoxes -, l'intention est claire : réveiller les instincts conservateurs et anti-occidentaux de la Russie profonde, qui leur est acquise, pensent-ils. Et faire tairela voix de l'autre Russie, celle de la classe moyenne, prompte à contester les fraudes massives aux élections de l'hiver 2011-2012 et le despotisme mal éclairé du tsar Poutine. La condamnation des trois punkettes, étudiantes brillantes et mères de famille, se voulait une démonstration de force du Kremlin, adossé à une justice aux ordres et à une Eglise orthodoxe plus que complaisante. Mais à l'heure d'Internet et du village global, elle résonne comme un singulier aveu de faiblesse, autant que de stupidité : elle donne un nouveau souffle à l'opposition, qui en manquait cruellement ces derniers temps. Une fois de plus, le Kremlin vient de se tirer une balle dans le pied. En outre, à l'énoncé du verdict, vendredi 17 août, un détail révèle la vision paranoïaque du pouvoir russe : la juge a noté que le mari de l'une des accusées était détenteur d'un passeport canadien, sous-entendant l'existence d'un complot mondial contre la Russie. Elections falsifiées, persécution des opposants, résurgence du mythe de la"forteresse assiégée" : à l'évidence, la Russie s'éloigne à grands pas des valeurs occidentales auxquelles elle a pourtant souscrit en adhérant en 1998 à la Convention européenne des droits de l'homme... Plus que jamais, depuis le début de son troisième mandat, Vladimir Poutine entend imposer sa poigne : sur la scène intérieure, comme en témoigne ceprocès ; sur la scène internationale, avec le soutien aveugle au régime de Damas. Cela le conduira à un isolement croissant. Cela mérite une condamnation sans appel.

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