vendredi 6 avril 2012

Aux origines du sionisme

création de l'état d'Israel




Entonnant l'hymne national israélien, ces Juifs européens abordent à Haïfa en décembre 1946. Le retour à la Terre promise représente pour le « peuple élu » l'espoir de la fin des persécutions auxquelles il a été soumis depuis deux millénaires, et qui ont atteint le sommet de lhorreur durant la dernière décennie..

Dans le hall bondé du musée d'Art de TelAviv, les cadets de l'École des officiers de la Haganah - l'armée juive clandestine, dont sortira Tsahal, l'armée israélienne -ont de plus en plus de peine à contenir la foule. Ce vendredi 14 mai 1948 n'est pas un jour comme les autres. Pour les Juifs, c'est le 5 iYar de l'an 5708 du calendrier hébraïque. C'est aussi le Jour où doit cesser le mandat britannique sur la Palestine. A minuit, Arabes et Juifs se retrouveront face à face, sans soldats de Sa Gracieuse Majesté pour les séparer.
Les murs de la petite salle sont couverts de tableaux : les Hébreux lettrés reconnaissent le Juif tenant les tables de la Loi de Marc Chagall, ou Le Pogromde Minkovski. Mais toute l'assemblée sait qui est l'homme barbu au centre du plus grand mur, dont le portrait est entouré de deux drapeaux blancs à bandes bleues et étoile de David : c'est Theodor Herzl, le père du sionisme.
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Aux origines du sionisme
En 1896, ce fils de riches marchands hongrois publiait Der Judenstaat (L'État juif), qui recommandait aux Juifs des nations europèennes de se regrouper pour fonder un État qui leur serait propre. En 1901, il créait un Fonds national juif pour l' achat de terres en Palestine. Le mouvement qui allait aboutir à la création d'Israël était lancé. Comme l'a dit David Ben Gourion, « Theodor Herzl est le premier, et c'est là sa grandeur historique, qui sut insuffler à la foi et à la nostalgie lu peuple juif, impatient de sa résurrection nationale, une âme nouvelle : la volonté d'agir ».
Un peu avant quatre heures de cet après-midi écrasé de soleil et rendu étouffant par le chamsin, ce vent brûlant venu du désert, Ben Gourion s'élance sur les marches du musée et vient prendre place sous le portrait de Theodor Herzl. Autour de lui, les quatorze membres du Conseil national juif et toutes les élites du futur État hébreu. A quatre heures précises, après avoir entonné l'hymne national, il se lève et, d'une voix sourde, commence à lire la déclaration d'indépendance : « Le pays d'Israël est le lieu où naquit le peuple juif... »
Il va ainsi parler près d'un quart d'heure, s'interrompant parfois pour donner du poids à ses paroles. Les yeux fixés sur la feuille de papier dactylographiée qui est agrafée au parchemin officiel (l'artiste chargé de la décoration du document na pas eu le temps de finir son travail.), David Ben Gourion ne partage pas la joie de ceux qui l'entourent. Il notera dans son journal intime : « J'avais, moi, le coeur serré parmi les heureux. Il n'y avait aucune joie dans mon coeur. Je ne pensais qu'à une chose, à la guerre qu'il nous faudrait livrer... »
Quand il en arrive à ce passage : « Nous proclamons la fondation de l'État juif en Terre sainte, qui portera le nom de Médinath-Israël », l'histoire bascule. Un peuple brise ses chaînes après dix-neuf siècles de persécutions et de massacres. La longue route des Juifs chassés par Rome s'achève. La foule a du mal à écouter la fin de sa déclaration et à suivre la cérémonie des signatures apposées par les plus hautes autorités du nouveau pays sur le document d'indépendance. Puis, tout le monde s'embrasse, laissant échapper des larmes de joie. Dans les rues avoisinantes, grâce à des dizaines de haut-parleurs, on a pu suivre les événements : la liesse populaire éclate.
Ceux qui sont maintenant des Israéliens ne voient pas les affiches qui appellent au recrutement dans la Haganah. Ils restent indifférents aux tracts qui proposent de souscrire à l'emprunt de l'Indépendance. Ils oublient de regarder la proclamation de l'état-major de la Haganah qui souligne la gravité de la situation militaire et annonce l'imminence de l'invasion arabe.
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Ben Gourion « le lion d'Israël »
Car tout ne va pas pour le mieux. David Ben Gourion, le chef civil et militaire du nouvel État, a quitté la cérémonie sans s'attarder, pour aller à son domicile enfiler sa tenue de combattant et avoir des nouvelles des différents fronts. Sa première question aux membres du quartier général : « Que se passe-t-il à Jérusalem ?. »
Là-bas, dans la cité de David et de Salomon, dont les rues sont balayées par les balles, l'heure n'est pas aux festivités. S'il faut danser, c'est pour éviter les rafales des francs-tireurs arabes. Dans les avant-postes de la ville, comme dans les kibboutz isolés de la campagne palestinienne, il faut tenir. Sur les frontières du nouvel État, cinq armées arabes se préparent à intervenir pour « jeter les Juifs à la mer... »
Depuis de nombreux mois, en effet, Jérusalem est la proie du terrorisme et de la guerre civile. Explosions et fusillades troublent le calme multimillénaire -de la Ville sainte des trois grandes religions monothéistes, où les juifs prient à l'ombre des murs du temple de Salomon, les musulmans près du rocher d'où Mahomet le Prophète s'est envolé au ciel et les chrétiens sur les lieux de la passion de Jésus-Christ. Le fossé n'a cessé de se creuser entre la communauté musulmane et la communauté juive, après des siècles de coexistence pacifique dans l'ombre des vieilles ruelles. Des deux côtés, la peur s'est installée.Tout a commencé avec les premières vagues d'immigrants juifs, au début de ce siècle : chassés hors d'Europe par une importante vague d'antisémitisme (pogroms russes ou Affaire Dreyfus en France), conquis par l'idéal sioniste, de nombreux Juifs ont acheté des terres en Palestine. Parmi eux, David Grün, un jeune Polonais qui débarque en 1906 à Jaffa. Collaborateur du premier périodique hébreu de Palestine, Ahdût (L'Unité), il signera son premier article Ben Gourion (« le Fils du lion »).
Avec la guerre de 1914-1918, l'histoire du sionisme s'accélère brutalement. Placée jusque-là sous la tutelle ottomane, la Palestine est occupée militairement par les troupes britanniques. A Londres, Chaïm Weizmann, un jeune chimiste qui deviendra le premier président de la république d'Israël, a aidé l'effort de guerre allié en mettant au point un procédé pour produire de l'acétone - indispensable à la fabrication des explosifs - à partir du maïs. Pour le récompenser, le Premier ministre Lloyd George décide de faire un geste en faveur du sionisme.
Ce sera la fameuse « Déclaration Balfour ». Sir Arthur J. Balfour, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, affirme le 2 novembre 1917 que « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un Foyer national juif ». C'est la première reconnaissance officielle 'du sionisme. Elle sera approuvée par les principales puissances alliées et par la Société des Nations l'ancêtre de l'O.N.U. - à la conférence de San Remo, en 1922.Les ingrédients de la poudrière du Moyen-Orient sont alors prêts à se mêler pour détoner; les Britanniques sont pris entre des Juifs sûrs de leur bon droit et des Arabes sûrs du leur.
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Ci-dessous, à gauche : Menahem Begin. Chef de l'Irgoun en 1948, il dirigera, trente ans plus tard, les destinées d'Israël. A droite : des soldats anglais évacuent les morts et les blessés après l'attentat terroriste juif contre l'hôtel du Roi David, qui fut, avec l'assassinat du comte Bernadotte, une des actions les plus spectaculaires de l'Irgoun et du Stern.

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La lutte Pour Jérusalem
Dès 1921, des troubles sanglants éclatent En 1929, Jérusalem vit dans une ambiance incroyable d'orgie, de pillage et de meutres. En 1933, en 1936 et en 1937, la Palestine est mise à feu et à sang. Un chef arabe se distingue : Mohammad Saïd Ha Amin efflusseini, le Grand Mufti de Jérusalem, qui prêche, peut-être avec l'appui de services secrets allemands, le djihad -- la guerre sainte --- contre le Hébreux. Lasse de ces violences, la puissance britanni.que veut mettre un frein à l'immigration juive. En. 1939, un Livre blanc limite la population juive à 30% de la population palestinienne et limite le droit des Juifs.pour l'achat de nouvelles terres. La Seconde Guerre mondiale, si elle voit l'extermination de la majorité des Juifs européens dans les camps hitlériens, donne un coup de fouet à l'idée sioniste. La plupart des survivants de l'holocauste se rallient à l'idée d'une émigration en Palestine. De plus, de nombreux Juifs se sont portés volontaires pour combattre aux côtés des alliés, alors que de nombreux musulmans se sont engagés du côté allemand.
Au cours de la guerre, les hommes de la Haganah se sont distingués.
Formée pour défendre les premiers colons juifs contre les pillards arabes, cette armée clandestine s'est étoffée et a profité de son expérience sous les drapeaux alliés. En Syrie, au cours d'un coup de main, un certain Moshe Dayan perd un il. On le retrouvera chef d'état-major victorieux dans le Sinaï et, plus tard, ministre de la Défense d'Israël. Forte de 60 000 hommes armés de bric et de broc, la Haganah passe à l'action contre les Anglais dès 1943. Attaques à main armée, vols de matériels militaires, harcèlement continuel sont le lot des soldats britanniques. Les dissiàents extrémistes de la Haganah - les hommes de l'Irgoun Tsi,ai Leunii (« Organisation 'militaire nationale ») du futur Premier ministre Menahem Begin et du Lohamey Herout Israël (« Combattants pour la liberté d'Israël ») d'Abraham Stern - ne reculent pas devant l'assassinat.

Pour répondre au défi terroriste, les autorités britanniques décrètent l'état de siège et instituent le couvre-feu. Le mécanisme classique de provocation-répression est bien enclenché.

L'opinion mondiale est divisée. La découverte des atrocités hitlériennes a bouleversé les consciences. Le drame des réfugiés juifs de l'Exodus refoulé de Palestine par les Anglais - au nom des dispositions du Livre blanc - et finissant sa course pitoyable à Hambourg, où les Juifs furent débarqués et regroupés dans un ancien... camp de concentration, a soulevé une indignation internationale.
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Ci-dessus David Ben Gourion lisant la déclaration d'indépendance d'Israèl, le 14 mai 1948, à Tel-Aviv. Au-dessus de lui, le portrait de Theodor Herzl, dont le livre LÉtatjuif constitue l'acte de naissance du mouvement sioniste.
Ci-dessous , juillet 1948 : les dernières troupes britanniques quittent la Palestine. Ainsi prend fin le mandat attribué à lAngleterre par la Conférence de la paix et la S,D.N., au lendemain de la Première Guerre mondiale


La victoire dIsraël
Le 9 juillet, les combats reprennent et les Israéliens parviennent à s'emparer de plusieurs villes importantes au cours de raids motorisés particulièrement audacieux. Insensiblement, ils desserrent l'étau arabe qui étouffe leurs colonies. Sans pouvoir toutefois libérer totalement Jérusalem, où Abdullah Tell, commandant des forces de la Légion arabe, oppose une belle résistance aux commandos juifs. Plus tard, il négociera avec Moshe Dayan, dans une complicité qui peut naître seulement entre adversaires qui se respectent, la ligne de cessez-le-feu qui partagera la ville jusqu'à la guerre des Six Jours, en 1967.
Le 15 juillet, une nouvelle trêve apaise les violences. Peu après, le 17 septembre, le comte Folke Bernadotte, médiateur désigné par l'O.N.U., est assassiné par un commando du groupe Stern. Enfin, après une nouvelle reprise des combats, l'armistice est signé entre Israël et les pays arabes. Parmi les prisonniers des Israéliens, un homme qui fera parler de lui : le jeune commandant Gamal Abd el-Nasser. Les soldats d'Israël le retrouveront huit ans plus tard dans le Sinaï. L'entrée à l'O.N.U. de l'État hébreu un an après, en mai 1949, scellera définitivement l'installation de la nation juive en terre palestinienne.
Rien n'est cependant résolu pour le nouvel État. Des milliers de réfugiés affluent du monde entier, alors que tout reste à bâtir. Pour survivre, il faut également une puissante armée : malgré son dévouement, la Haganah n'est plus suffisante pour mener une guerre conventionnelle face à des pays équipés de matériels modernes. Une reconversion est nécessaire.
De même, l'État se doit d'en finir avec les milices terroristes qui, comme l'Irgoun ou le Stern, menacent la sécurité intérieure. Leur dissolution et leur intégration dans Tsahal - l'armée régulière d'Israël - est décidé par Ben Gourion, mais le pays frôle le guerre civile.
Il faut enfin faire du pays une entité économiquement viable pour sa population (multipliée par deux entre 1948 et 1963), notamment en poursuivant la fertilisation du désert et la mise en place d'une infrastructure industrielle conséquente.
Ces problèmes n'empêcheront pas les Israéliens de garder les yeux fixés sur leurs frontières, mais aussi sur Jérusalem dont, pas plus que les Arabes, ils n'acceptent l'internationalisation. Là-bas, un mur de vieilles pierres - les derniers vestiges du temple bâti par le roi Salomon - attend ses fidèles.
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Depuis la déclaration de Balfour du 2 novembre 1917 par laquelle l'Angleterre envisageait favorablement l'établissement d'un foyer juif en Palestine, les militants du sionisme n'eurent de cesse d'aboutir à la création de l'État d'Israël. Ci-dessus, à gauche Golda Meir. Ayant émigré en Palestine dès 1921, elle participa activement à la fondation de l'État hébreu. Ambassadeur et plusieurs fois ministre, elle fut nommée à la tête du gouvernement en 1969, poste qu'elle abandonna en 1974. A droite : Chaïm Weizmann, chimiste génial qui fut à l'origine de la déclaration Balfour.

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légende photo
Avril 1948 : un an à peine après la création de lÉtat d'Israël, les Arabes de Palestine prennent, à leur tour,
le chemin de l'exil pour échapper
à la domination israélienne.
Ils s'embarquent le plus souvent pour le Liban, où l'afflux des réfugiés va

contribuer à déstabiliser dangereusement le pays. Au problème juif vientde se substituer celui des Palestiniens.


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